Pourrait-on penser sans l'aide du langage ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
LANGAGE : 1) Faculté de parler ou d'utiliser une langue.
2) Tout système de signes, tout système signifiant,
toute communication par signes (verbaux ou non verbaux).
Le langage désigne aussi la totalité des langues
humaines.
Ce que vous savez
â•
‘ Le langage est bien entendu un instrument de la pensée.
Lorsque nous avons du mal à exprimer notre pensée,
celle-ci demeure confuse.
â•
‘ Il nous arrive de penser silencieusement, mais cette méditation est un discours intérieur.
Par conséquent, ce fait
ne prouve pas du tout que l'on puisse penser sans l'aide du langage, mais tendrait plutôt à prouver que le langage
n'est pas un simple instrument de communication, mais bien ce qui permet de penser.
Platon définissait la pensée comme un silencieux dialogue intérieur de l'âme avec elle-même : cette
conception, dont l'idée littéraire contemporaine d'un « monologue intérieur » vient honorer
l'actualité, repose au contraire sur l'idée d'une consubstantialité entre le langage et la pensée.
C'est
dire que les idées ne nous viennent qu'en mots, que des mots circulent en nous.
Même si ce n'est
pas moi qui pense, même s'il fallait donner raison à Nietzsche dans sa célèbre critique du cogito
cartésien, même s'il fallait dire plutôt « ça pense en moi » que « je pense », alors il faudrait dire
« ça parle en moi ».
Tout à fait à l'inverse, donc, d'un culte de l'ineffable qui pose l'extériorité
radicale et réciproque du langage vis-à-vis de la pensée, cette conception fait du mot l'élément
même de la pensée.
â•
‘ Une pensée sans langage serait nécessairement intuitive.
On pourrait se
demander ce qu'il en est de la pensée animale, puisque les animaux ne
disposent pas du langage au sens strict du terme.
Toutefois, il faut rester
prudent.
D'une part, nous ne pouvons nous imaginer à quoi correspondrait
cette pensée animale, et l'on sait bien que lorsque pour les besoins de la
fiction un auteur veut exprimer la pensée d'un animal il le fait parler.
D'autre
part, il faut prendre le mot « pensée » dans son sens strict, en le distinguant
du souvenir ou de l'affectivité, sans quoi le sujet serait vidé de son sens.
Nous conseillerions donc plutôt de renoncer à évoquer ici les animaux.
â•
‘ On dit parfois que les mots sont impuissants à transcrire la profondeur de
ce que l'on éprouve ou de ce que l'on pense.
Cette idée â€" ou ce préjugé,
peut-être â€" invite à considérer qu'une pensée sans langage ne serait pas une sous-pensée mais bien au contraire
le moyen d'accéder aux mystères les plus profonds.
â•
‘ Cependant, il est évidemment trop facile de justifier son incapacité à s'expliquer au nom de la profondeur de ce
que l'on pense.
De plus, une telle prise de position interdit tout progrès de pensée, lequel suppose le dialogue et la
confrontation des idées, ainsi que la recherche de l'expression la plus claire possible.
Ce qu'il faut comprendre
â•
‘ Ce sujet invite évidemment à s'interroger sur les rapports entre le langage et la pensée.
Il ne faut donc pas
s'arrêter à ce qui est évident, à savoir que le langage permet d'exprimer la pensée, ni s'évertuer à résoudre de faux
problèmes, comme celui de savoir si la langue des signes pratiquée par les sourds relève du langage ou non (la
réponse est évidemment oui).
â•
‘ Cette question des rapports entre le langage et la pensée fait d'abord apparaître deux positions radicalement
opposées, qu'il faudra confronter.
La première fait du langage un obstacle à la pensée, obligée de se couler dans un
moule de conventions qui l'empêchent d'atteindre la réalité profonde des choses.
Elle met au plus haut l'ineffable, et
aspire à un idéal de pensée purement contemplative, où l'intelligence entre directement en contact avec son objet
sans passer par la médiation du langage.
La seconde fait de la pensée un simple effet du langage, et renverse ainsi
l'opinion commune sur ce sujet.
Celle-ci en effet croit que nous pensons d'abord, avant de chercher les mots pour
témoigner de cette pensée à autrui.
Or, nous l'avons vu, cette « première pensée » ou cette méditation est déjà en
réalité un discours intérieur.
A partir de là, on pourrait supposer que nos pensées sont déterminées par la structure
du langage, et qu'il suffirait de doter une machine d'un langage suffisant pour créer de l'intelligence artificielle.
Bien
entendu, on peut essayer d'échapper à cette alternative.
Il serait d'ailleurs très dommageable pour la philosophie
qu'on ne puisse choisir qu'entre l'irrationalisme et l'idée selon laquelle la pensée ne serait que le produit d'un
conditionnement linguistique.
Une référence utile.
»
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