Pourquoi s'intéresser à l'histoire ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
POURQUOI: pour quelle raison, quel motif: raison intellectuelle de parler ou d'agir OU pour quel mobile, force
irrationnelle qui pousse à parler ou à agir.
HISTOIRE: Ce mot désigne soit le devenir, l'évolution des individus et des sociétés (allemand Geschichte), soit
l'étude scientifique de ce devenir (allemand Historie).
S'intéresser: prendre intérêt à, se préoccuper de.
Introduction
Les hommes changent.
Les générations passent et leurs conditions sociales d'existence, même dans les sociétés les
plus traditionnelles, ne se reproduisent jamais à l'identique.
Le devenir des sociétés humaines est dit «historique»
parce que les hommes ne le subissent pas comme un événement naturel, étranger à leurs volontés; il est l'effet de
leurs choix, de leurs décisions; il est la conséquence de leurs actions.
Pourquoi s'intéresser à l'histoire? On s'y intéresse non pas quand on y participe, en tant qu'agent historique, mais
quand on pose sur elle le regard détaché de celui qui cherche à la connaître, à la comprendre, à l'expliquer.
On veut
alors savoir ce qui s'est passé, en d'autres lieux, en d'autres temps.
On éprouve le besoin de vérifier ce qui se dit du
passé, de mettre à l'épreuve la mémoire collective: on ne se contente plus de légendes, on veut connaître la vérité.
Comment comprendre cet intérêt, ce souci pour le passé? Quelles sont les finalités de l'historien? L'histoire est-elle
vraiment digne d'intérêt?
1.
Défense de l'histoire
A.
L'histoire aide à assumer le présent
Selon l'opinion commune, l'histoire est utile.
En apprenant aux hommes les erreurs du passé, elle les mettrait en
garde et leur apprendrait à ne plus les commettre.
Mais ce point de vue est superficiel.
II ne prend pas en compte le
caractère singulier de chaque événement qui exclut la possibilité d'une quelconque répétition historique.
Certes, des
enchaînements d'événements peuvent se ressembler, des faits analogues peuvent se produire.
Jamais pourtant le
présent ne répétera le passé.
On ne saurait donc prévoir l'évolution à venir d'une situation sur la base de
connaissances historiques.
Ainsi l'histoire est-elle inutile pour gouverner le présent.
Toutefois, en tant qu'elle fait prendre conscience de la singularité des situations que traversent les hommes, la
culture historienne aide à cerner ce qu'il y a de radicalement nouveau dans chaque présent et par là même à y faire
face.
Celui qui ignore tout de l'histoire a tendance à croire naïvement que tout s'y répète toujours, ce qui le rend
impuissant devant la fatalité de ce cours cyclique.
Le savoir historique permet d'être à la hauteur des défis inédits
du présent.
L'historien sait que l'on ne peut appliquer au présent, sauf de manière grotesque, les recettes du passé.
Il sait donc qu'il revient aux hommes d'inventer leur histoire.
B.
L'histoire comme quête de vérité
L'histoire serait donc utile au citoyen.
Elle l'engagerait à inventer les solutions réclamées par les enjeux du présent.
Est-ce cette utilité politique de l'histoire qui fait son intérêt? Il serait sans doute réducteur de n'attribuer à l'histoire
qu'une valeur utilitaire.
L'histoire ne vaut pas seulement comme un moyen d'éducation politique mais aussi comme
une fin en soi.
En tant que quête de vérité, la pratique de l'historien trouve en elle-même sa propre justification.
C'est par intérêt pour la connaissance que l'historien travaille – non par goût pour les théories générales, mais plutôt
pour comprendre les événements dans le détail de leur singularité.
L'histoire est une discipline humaniste: elle
explore les multiples facettes de la condition des hommes en s'efforçant de comprendre ce qu'a été leur vécu, en
des temps plus ou moins éloignés.
Rien d'humain n'est étranger à l'historien.
2.
Critique de l'histoire
A.
L'imaginaire historique
Mais est-ce vraiment l'intérêt pour la vérité et l'ouverture d'esprit humaniste qui animent la démarche historienne?
L'historien n'est-il pas aussi et surtout un amateur de ce qui n'est plus? Dans ce cas, quel serait le sens de cette
attirance pour les fantômes du passé? Dans le présent, le réel s'impose par les déceptions, les échecs, les
limitations qu'il nous oppose.
Vivre le présent suppose donc l'acceptation de cette condition difficile, pénible,
souvent violente de l'existence humaine.
Au contraire, le passé qui, par définition, n'est plus, se prête plus
facilement au jeu de notre imagination.
Il faut l'exhumer, le réinventer, le construire...
Il n'est jamais qu'une
construction de notre esprit: de notre mémoire spontanée ou d'une élaboration critique.
Et si l'historien ne
reconstruit pas de manière froide et détachée le cours des événements historiques, c'est qu'il ne travaille pas
seulement avec les traces du passé: il est également travaillé par les désirs, les fantasmes de son présent qui
cherchent à s'exprimer à travers sa lecture du passé et ses reconstitutions imaginaires.
Malgré ses exigences de méthodes et ses efforts critiques, l'historien n'en vient-il pas toujours, en dernière
instance, à s'approprier son sujet avec son imagination, à convertir le passé en «une» histoire, un «roman»?
L'intérêt pour l'histoire est-il très différent de celui que les enfants, mais aussi les adultes, portent aux «histoires»?
B.
Un refus de faire l'histoire
L'histoire représenterait donc une fuite face au présent.
Refuge pour l'imagination qui accorde ce que le réel refuse,.
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