Pourquoi s'incliner devant les lois de la nature ?
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«
Pourquoi s'incliner devant les lois de la nature ? On ne peut vaincre la nature qu'en lui
obéissant.
Pourquoi m'inclinerais-je, tout d'abord, devant l'ordre de la nature ? Cette obéissance pourrait
apparaître dénuée de sens.
Ne suis-je pas, en
effet, courbé alors devant un aveugle destin ? Cet ordre de la nature RM résiste ; il paraît fatal et
opaque, comme si j'étais ainsi enchaîné et esclave.
Les phénomènes obéissent à des lois
indépendantes de nous, à d'inflexibles relations.
Le lien entre les phénomènes paraît ici impossible à
rompre.
Pourquoi s'incliner devant un ordre contraignant qui m'enchaîne ? Tout ne se passe-t-il pas
ici comme si un destin inexorable me courbait, comme si j'étais soumis à un fatum irrévocable ?
Cette vision paraît toutefois aussi naïve qu'unilatérale : si le destin assujettit l'homme, la
connaissance du déterminisme et l'acceptation de ce dernier, le fait de s'incliner devant les lois de la
nature, permettent de passer dans la sphère de la libération authentique.
Pourquoi s'incliner devant
les lois de la nature ? Parce que la connaissance de l'enchaînement causal nous délivre.
La liberté
consiste à obéir aux lois.
Un des premiers, Francis Bacon (1561-1626) comprend que le but de la
connaissance, c'est la maîtrise de la nature : on ne peut dominer cette dernière qu'en se
soumettant aux lois du réel.
« L'homme, interprète [...] de la nature, n'étend ses connaissances et
son action qu'à mesure qu'il découvre l'ordre naturel des choses, soit par l'observation, soit par la
réflexion [...].
La science et la puissance humaine se correspondent dans tous les points et vont au
même but ; c'est l'ignorance où nous sommes de la cause qui nous prive de l'effet ; car on ne peut
vaincre la nature qu'en lui obéissant.
» (F.
Bacon, Novum Organum).
Ainsi, la science permet de
prévoir et d'agir.
La connaissance des lois naturelles, loin d'enchaîner l'homme à un destin aveugle, le
libère et permet l'action.
Ces thèmes s'enracinent dans ce qu'on pourrait appeler, en s'inspirant de Hegel, une problématique
de la « ruse ».
L'homme, sans nullement transformer la contrainte des lois naturelles, est en mesure
de ruser avec cette dernière, de laisser la nature s'user à son profit.
La force est ainsi attaquée par
l'intelligence humaine qui canalise à son profit la légalité naturelle.
L'eau, le vent, sont utilisés pour
accomplir quelque chose de tout différent de ce qu'ils voulaient.
« La large face de la force est
attaquée par la pointe de la ruse.
» L'homme, rusé, s'adjoint la nature qui va donc représenter un
moyen.
En résumé, pourquoi obéir aux lois ? Pour les canaliser à notre profit, pour en faire l'instrument de
notre action.
Toute la modernité, depuis Bacon et Descartes, relève de cette approche, de cette
notion d'une domination de l'homme sur les choses.
Se rendre maîtres et possesseurs de la nature,
obéir à la légalité pour maîtriser ce qui semblait un opaque destin, tel est le vrai sens de la pratique
humaine.
De Descartes, qui affirme que la connaissance de la physique doit nous permettre de
maîtriser la nature (Descartes, Discours de la méthode, sixième partie), jusqu'à Engels, pour qui la
liberté est la nécessité comprise, le même thème revient : être libre, c'est accepter l'ordre de la
nature.
« La liberté n'est pas dans une indépendance rêvée à l'égard des lois de la nature, mais dans
la connaissance de ces lois et dans la possibilité donnée par là même de les mettre en oeuvre
méthodiquement pour des fins déterminées.
Cela est vrai aussi bien des lois de la nature extérieure
que de celles qui régissent l'existence physique et psychique de l'homme lui-même [...].
La liberté
consiste par conséquent dans l'empire sur nous-mêmes et sur la nature extérieure, fondé sur la
connaissance des nécessités naturelles.
» (Engels, Anti-Dühring, Éditions sociales, p.
142)
Se soumettre aux lois de la nature pour s'en rendre maîtres, fort bien.
Mais n'existe-t-il pas une loi
plus proche de l'esprit humain, à laquelle il nous faudrait obéir ? Toute loi désigne-t-elle bien un
rapport invariable entre les phénomènes ?.
»
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