Pourquoi obéissons-nous ?
Extrait du document
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Obéir à la loi, à nos parents, à nos supérieurs hiérarchiques…semble évident pour la plupart d'entre nous.
Sans qu'il y
ait sentiment d'oppression, nous nous soumettons quasi naturellement à l'autorité.
Cela se fait le plus souvent sans
réflexion sur nos actions.
Si le phénomène général de l'obéissance comme garant de l'ordre social pose peu de questions, cette « tendance
naturelle » de l'homme à obéir et reconnaître l'autorité ne va absolument pas de soi.
L'homme, dans sa définition la
plus triviale, est avant tout un être qui envisage son existence en première personne, du point de vue de son
intérêt.
L'obéissance est quelque chose qui s'apprend douloureusement, qui demande un difficile arrachement à sa
« petite personne » chez les enfants qui semblent ne vouloir faire que ce qu'ils veulent en dépit des règles.
Comment expliquer que les hommes obéissent étant donné ce penchant égoïste ? Pour mettre à jour les enjeux de
cette question, nous partirons d'un exemple très simple : les limitations de vitesse.
Pourquoi les respectons-nous ?
La réponse immédiate consiste à dire que si nous respectons les limitations de vitesse, c'est parce que nous avons
peur de l'amende correspondant à un excès de vitesse.
Mais est-ce si simple ? On peut très bien affirmer que celui
qui respecte les limitations de vitesse agit de la sorte car il est conscient qu'elles permettent la sécurité de tous.
L'obéissance apparaît donc comme un concept paradoxal : d'une part elle est la forme institutionnalisée de la
soumission de l'homme à ses intérêts individuels, d'autre part elle peut dévoiler une visée du bien commun présente
en chacun de nous.
La question de savoir pourquoi nous obéissons pose donc le problème suivant : celui qui obéit le
fait-il dans son intérêt ou dans l'intérêt de tous ? La cause de l'obéissance est-elle une contrainte extérieure ou un
sentiment moral ?
I.
Nous obéissons car nous avons peur des sanctions.
Toutes les lois, au-delà de leur caractère purement prescriptif, spécifient ce que l'on encourt en cas de violation de
la loi, en cas de délit.
Les sanctions, en plus de permettre de punir ceux qui ne respectent pas la loi, ont un fort
caractère dissuasif.
Si les hommes respectent la loi, c'est peut-être parce qu'ils ne veulent pas prendre le risque de
payer une amende ou d'aller en prison.
Dans cette perspective, on peut voir dans tous les systèmes de contrôle
(radars, contrôles fiscaux, inspection du travail…) un autre moyen de dissuasion.
Leur caractère imprévu nous oblige
à rester dans la légalité, à respecter la loi de peur d'être contrôlé et condamné.
Kant, dans sa philosophie pratique, a théorisé cela.
Il affirme qu'il y a plusieurs manières d'agir en respectant la loi.
Celle que nous avons énoncée ici est l'action « conformément au devoir » dans laquelle on obéit par peur de la
sanction relative au non-respect de la loi ou de la norme.
Dans cette analyse des causes de l'obéissance, cette dernière apparaît comme quelque chose d'avilissant pour
l'homme qui conforte la toute-puissance de ses intérêts particuliers, consistant en un calcul « risque/avantage ».
II.
Nous obéissons malgré nous dans l'intérêt de tous : les théories de l'état moderne.
Hobbes, dans le Léviathan, explique comment les hommes en arrivent à obéir
à l'autorité de l'état malgré des tendances naturelles antagonistes à toute
forme d'obéissance.
Le point de départ de l'analyse est une anthropologie, à
savoir une conception de l'homme à l'état de nature (l'homme avant l'état,
avant toute organisation sociale ou politique, avant la culture …).
Pour lui, à
l'état de nature, « l'homme est un loup pour l'homme ».
C'est un état de
« guerre de tous contre tous » : on se sent constamment menacé par les
autres.
La survie et la conservation de ses biens sont les seules
préoccupation.
Comme il n'existe aucun cadre légal, l'homme à l'état de
nature craint en permanence d'être tué ou volé.
C'est la loi du plus fort.
Cet
état de choses est absolument inacceptable dans le sens où tout le monde a
peur.
C'est pourquoi les hommes font en sorte que soit instituée une autorité
suprême, un pouvoir souverain auquel tous doivent se soumettre.
Si les
hommes obéissent et renoncent ainsi à leurs envies de meurtre ou de vol,
c'est non pas parce qu'ils prennent conscience que c'est immoral mais parce
qu'ils savent que c'est là le seul moyen de garantir leur propre sécurité.
En dehors de l'Etat, les hommes jouissent d'une liberté absolue.
Mais chacun
disposant de la même liberté absolue, tous sont exposés à subir des autres ce
qui leur plaît.
La constitution d'une société civile et d'un État oblige à une
nécessaire limitation de la liberté : il n'en reste que ce qu'il faut pour vivre bien et vivre en paix.
Chacun perd de sa
liberté cette part qui pouvait le rendre redoutable pour autrui.
Dans l'état de nature, chacun jouissait d'un droit
illimité sur toutes choses, mais tous disposant du même droit, nul n'était assuré de ne rien posséder durablement.
L'État garantira la sécurité d'un droit de propriété limité.
Enfin, dans l'état de nature, chacun était exposé à la
menace d'autrui : il pouvait être à tout instant dépouillé de ses biens et tué.
Dans une société civile, seul le pouvoir
de l'État s'arroge ce droit.
Un Etat capable de protéger tous les citoyens de la violence des uns et des autres, de
garantir la sécurité de leurs corps et de leurs biens, de leur assurer la jouissance des fruits de leur travail, de faire
régner la paix, la civilité, le savoir et la sociabilité ne peut être que despotique.
Pour sortir les hommes de l'empire
des passions, de la guerre, de la crainte, de la pauvreté, de la solitude, de l'ignorance et de la férocité, l'État est
une puissance absolue, instituée en vue de la paix et de la sécurité.
"Quiconque a droit à la fin, a droit aux moyens."
Chaque homme ou assemblée investis de la souveraineté sont juges absolus de tous les moyens nécessaires pour.
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