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Pourquoi l'homme a-t-il toujours besoin du regard d'autrui?

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« L'homme ne vit pas seul, il est confronté en permanence à d'autres personnes.

Certes, il peut s'isoler à l'âge adulte mais il ne peut réellement devenir un homme sans l'aide d'autrui.

Les rares exemples d'enfants sauvages, élevés loin de la civilisation des hommes, témoignent de l'incapacité à devenir pleinement un homme sans l'aide d'autres hommes.

L'homme semble être plus dépendant de son environnement social que les animaux, pour développer ses capacités psychologiques et intellectuelles. Comment peut-on expliquer ce fait? Il faut d'abord comprendre ce qu'est autrui pour moi.

C'est d'abord l'autre, le différent.

Mais généralement nous privilégions sous le nom d'autrui les seuls êtres humains parce que je sens, je présuppose qu'ils partagent avec moi une façon d'être, de voir le monde que le reste des choses n'ont pas.

Qu'est ce que m'apporte le regard d'autrui sur moi? Puis-je avoir conscience de moi sans avoir conscience d'autrui? 1.

Autrui, mon alter ego qui n'est pas moi Il est reconnu par beaucoup de philosophes dans la tradition, que l'homme ne peut vivre seul, que c'est un animal social et politique.

Pour Kant, les hommes se rassemblent parce qu'ils savent que cela est nécessaire pour leur survie.

Il est plus sécurisant de vivre à plusieurs, la réciprocité des services permet à chacun de vivre mieux et de ne pas être à la merci des conditions et des phénomènes naturels. Pourtant, dans la réflexion classique, l'existence d'autrui n'est pas prise en compte.

Ceci est particulièrement net chez Descartes.

En effet, à travers le cogito, la pensée ne se prend elle-même comme objet de réflexion.

Dans le "je pense, je suis", l'individu est dans la solitude et il naît à la conscience d'autrui, sans l'aide de personne d'autre. La conscience de soi est ici première et ne passe pas par l'autre dont l'existence est d'ailleurs provisoirement mise en doute. En fait, autrui désigne non tel ou tel autre, mais la figure de l'autre en général.

L'expérience d'autrui n'en reste toujours pas moi singulière, je rencontre d'autres êtres singuliers. Ce qui me sépare de l'autre n'est pas d'ordre physique seulement, ce n'est pas seulement parce que mon corps occupe un espace distinct de celui qu'occupe le corps de l'autre.

En fait, je me heurte à d'autres consciences, à des perceptions et volontés que je ne saurais maîtriser. Sartre : "Autrui, en effet, c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi[...] Entre autrui et moi-même, il y a un néant de séparation.[...] Par le regard, j'éprouve autrui concrètement comme sujet libre et conscient."( L'être et le néant) 2.

Le regard d'autrui me fait prendre conscience de moi Mais il ne s'agit pas d'avoir besoin d'autrui pour vivre.

Nous avons besoin d'autrui parce qu'il nous aide à nous constituer, mais aussi parce qu'il donne épaisseur et sens au monde.. En effet, sans autrui, sans le regard d'autrui sur soi, on ne saurait atteindre la conscience de soi.

C'est une erreur d'imaginer que je puisse me découvrir en faisant abstraction du monde et des autres, comme le suggère le doute cartésien.

Le regard que l'on peut avoir sur soi dépend du regard qu'autrui a de soi : l'autre est un médiateur entre moi et moi-même.

Ainsi pour Hegel une conscience ne peut être véritablement une conscience que si elle est reconnue comme tel par une autre conscience. Sartre, dans L'Être et le Néant (3e partie, ch.

I, I), pose que la présence d'autrui est essentielle à la prise de conscience de soi.

Il en fait la démonstration par l'analyse de la honte.

J'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui, par exemple si je suis surpris à faire un geste maladroit ou vulgaire.

La honte dans sa structure première est honte devant quelqu'un.

Elle est immédiate, non réflexive.

La honte est un frisson immédiat qui me parcourt de la tête aux pieds sans préparation discursive.

L'apparition d'autrui déclenche aussitôt en moi un jugement sur moi-même comme objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui.

La honte est, par nature, reconnaissance.

Je reconnais que je suis comme autrui me voit.

La honte est honte de soi devant autrui; ces deux structures sont inséparables.

Ainsi j'ai besoin d'autrui pour saisir à plein toutes les structures de mon être.

Autrui, c'est l'autre, c'est-àdire le moi qui n'est pas moi et que je ne suis pas.

La présence d'autrui explicite le «Je suis je» et le médiateur, c'est-à-dire l'intermédiaire actif, l'autre conscience qui s'oppose à ma conscience, c'est l'autre.

Le fait premier est la pluralité des consciences, qui se réalise sous la forme d'une double et réciproque relation d'exclusion : je ne suis pas autrui et autrui n'est pas moi. C'est par le fait même d'être moi que j'exclus l'autre comme l'autre est ce qui m'exclut en étant soi. Avec la honte nous sommes en présence d'un de ces exemples-types, qui, comme nous l'avons dit', font preuve.

La même analyse pourrait être faite, comme Sartre lui-même le suggère, sur la fierté ou l'orgueil, et ce serait un bon exercice pour le lecteur de la tenter.

Sur cette médiation entre moi et moi par l'autre, Sartre se reconnaît tributaire de Hegel, qui a montré, dans la Phénoménologie de l'Esprit, que la lutte pour la reconnaissance doit avoir pour aboutissement cette certitude : je suis un être pour soi qui n'est pour soi que par un autre.

L'intérêt de la formule de Sartre, c'est qu'elle pose le problème d'autrui en deçà, en quelque sorte, de la question de la connaissance de soi et qu'elle en apparaît comme le fondement.. »

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