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Pourquoi les hommes mentent-ils ?

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« Couramment, le mensonge désigne une assertion sciemment contraire à la vérité, énoncée avec l'intention de tromper l'interlocuteur.

En ce sens, il n'est pas opposé à la vérité, mais à la véracité, caractérisée par l'action de dire le vrai.

Le mensonge, qu'il soit volontaire ou non, semble donc étroitement lié au vecteur qui en permet l'expression : le langage.

Plus largement, l'étymologie du terme met en évidence la proximité du mensonge avec la capacité de l'homme à user librement de son intellect : « mensonge » vient en effet du latin mentiri, lui-même provenant de mens, l' « intelligence ».

Que le mensonge soit utilitariste ou aveu de faiblesse, il revient donc paradoxalement à éluder la vérité avec lucidité.

Dès lors, pourquoi mentons-nous ? En tant que tromperie, de soi-même comme des autres, le mensonge apparaît aux antipodes de la démarche philosophique.

Mais le mensonge occulte-t-il systématiquement la vérité ? I/ Nous mentons parce que nous sommes libres 1/ Le mensonge est indissociable du pouvoir de la langue. « Vrai et faux sont des attributs de la parole, et non des choses.

Là où il n'est point de parole, il n'y a ni vérité ni fausseté.

» (Hobbes, Léviathan). Ainsi, parce que notre langue n'est pas une langue adamique (notre langue n'a rien de commun avec la langue mythique originelle d'A dam caractérisée par une coïncidence parfaite entre la chose et le mot qui la désigne), elle laisse subsister un interstice entre elle-même et ce qu'elle désigne.

Dans cet interstice, s'infiltre le libre-arbitre.

Le mensonge traduit donc la possibilité qui nous est laissée d'interpréter le monde et de le traduire, par le biais de la langue, à notre guise. Cette inadéquation, en même temps qu'elle consacre la liberté d'expression de l'homme, rend la parole fondamentalement mensongère.

Selon Bergson, la pensée est ainsi incommensurable avec le langage : « le mot brutal qui emmagasine ce qu'il y a de commun, et par conséquent d'impersonnel dans les impressions de l'humanité écrase les impressions délicates de notre conscience individuelle ». 2/ Le mensonge, comme manifestation de notre libre-arbitre, s'avère constructif.

Par le mensonge, l'homme s'adapte, de façon toute personnelle, à une situation que la vérité nue ne permettrait pas d'affronter.

Nietzsche mettait ainsi en évidence, dans les Considérations Inactuelles, que le mensonge est plus inventif que la vérité, ce dont témoigne la force imaginative des mythomanes. Au plan social également, le mensonge utilitariste s'avère constructif : Spinoza et Mandeville voient ainsi dans la politesse le mensonge social sur lequel repose l'établissement d'une société pérenne. II/ Nous mentons parce que nous sommes impuissants à faire face à l'exigence de vérité qui caractérise la démarche philosophique 1/ Le mensonge apparaît comme un aveu d'impuissance : faiblesse de celui qui refuse la vérité ou ne peut y faire face.

Celui qui ment par délicatesse pour ne pas froisser un ami, celui qui ment pour ne pas affronter les conséquences d'une situation difficile, celui qui se ment à lui-même préférant croire qu'il est ce qu'il n'est pas… Derrière la variété des mensonges, la caractéristique principale du mécanique mensonger semble être le manque de courage face à une vérité cruelle à affronter. En psychanalyse, le déni correspond ainsi au refoulement inconscient d'une vérité psychologiquement trop dure à affronter.

Dès lors, le mensonge sur lequel repose ce déni n'est plus le signe du libre-arbitre, mais plutôt celui d'un déterminisme inconscient. C'est pourquoi Nietzsche jaugeait la valeur d'un esprit au degré de vérité qu'il était à même d'affronter : « Quelle dose de vérité sait-il supporter, sait-il risquer, voilà qui de plus en plus devint pour moi le vrai critère des valeurs.

L'erreur (la croyance en l'idéal) n'est pas aveuglement, l'erreur est lâcheté » Ecce Homo. 2/ Le mensonge est dès lors condamné par la philosophie en ce que celle-ci est avant tout une recherche courageuse de la vérité.

« La plus grande transgression du devoir de l'homme envers lui-même considéré comme être moral (envers l'humanité en sa personne) est le contraire de la véracité : le mensonge.

» (Métaphysique des mœurs). Selon Platon, le seul modèle d'existence digne d'être vécu par l'homme est celui qui consiste à rechercher constamment la vérité afin de participer à l'Idée éternelle.

C'est cet idéal que traduit l'allégorie de la caverne.

Le mensonge est dès lors compris comme une perversion métaphysique qui mélange l'être et le néant. III/ Mensonge et vérité sont cependant étroitement liés, au point que le mensonge conditionne parfois l'émergence de la vérité 1/ Le paradoxe du mensonge qui s'annihile lui-même. Dans l'Ethique à Nicomaque, Aristote met au jour le « paradoxe du mentant » : soit une personne affirmant « je mens ».

Si ce qu'elle dit est vrai, ce qu'elle dit est faux, et inversement. On peut dès lors en conclure qu'une même assertion peut être à la fois vraie et fausse. Un mensonge peut également s'annihiler lui-même dans la durée : il en est par exemple ainsi du médecin qui affirme sans y croire à son patient qu'il guérira, et c'est cette pensée même qui permet la guérison du patient. 2/ L'art érige le mensonge en moyen heuristique.

Rousseau considérait le théâtre comme une officialisation du mensonge de son époque.

Il est en effet patent que le jeu des comédiens repose sur le mensonge de leur travestissement.

Plus largement, la fiction qui constitue le cœur du cinéma et de la littérature sont autant d'illusions mensongères.

Pour autant, c'est sur ce mensonge que repose la possibilité d'atteindre par l'art une vérité particulière. En effet, selon Hegel, « Le beau se définit comme la manifestation sensible de l'idée ». Conclusion vérité. Si la liberté est la condition de la possibilité du mensonge… … nous mentons par peur de la vérité, par une lâcheté qui est aux antipodes de la démarche philosophique consistant à s'acheminer vers la vérité… … Pour autant, il existe certaines formes de mensonge qui permettent de penser une proximité du mensonge et de la. »

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