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Pourquoi le public va au théâtre ?

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« La question « pourquoi » peut s'entendre de deux manières : lorsque je demande « pourquoi », je demande quelle est la cause de quelque chose, qu'elle est la raison du fait qu'elle se soit produit.

Mais je peux interroger également le but de cette chose, sa fin, l'objet vers quoi elle tend : je demande par exemple « Pourquoi as-tu fait ça ? » lorsque je désire connaître non ce qui a poussé mon interlocuteur à agir, mais ce qu'il a voulu obtenir.

Il ya donc un « pourquoi » causal et un « pourquoi » final. Lorsque nous parlons de public, nous parlons de l'assistance qui se rend dans une salle afin d'assister à un spectacle.

Il faut bien voir que le public n'est nullement réductible à la somme des individus qui se trouvent dans cette salle : il s'agit d'une entité nouvelle, créée par la juxtaposition des personnes connectées par l'assistance à un même spectacle.

C'est ainsi que le public a une vie propre, momentanée, circonscrite à l'espace et au temps de la représentation, et caractérisé par les émotions qu'il transmet à la pluralité des individus qui le composent. Par théâtre, nous entendons diverses choses : le terme désigne en effet l'art de la représentation dramatique, un genre littéraire singulier et le bâtiment lui-même, dans lequel se déroulent les spectacles.

Bien que des genres intermédiaires aient été développés (tel la Tragi-comédie dont Corneille a donné une grandiose illustration avec Le Cid) nous nous pencherons tout particulièrement au cours de ce travail sur les deux genres majeurs du théâtre : la tragédie et la comédie.

Nous verrons que l'esthétique de ces deux genres est radicalement distincte, quand bien même ils leur arrivent de se rejoindre dans leurs ambitions, notamment dans leur prétention à occuper une fonction morale dans la société. En effet, tragédie comme comédie prétendent mettre en scène les passions humaines, c'est-à-dire de représenter sur le théâtre des inclinations irrésistibles et exclusives qui finissent par dominer la raison et la volonté du sujet. En posant la question « pourquoi le public va-t-il au théâtre ? » nous nous interrogeons en vérité sur deux choses distinctes : la cause et le but de cet intérêt des individus pour le théâtre.

En effet, la question pourquoi nous invite à mener une interrogation sur la cause d'un évènement, sur ce qui le fait advenir, le motive.

Mais poser la question « pourquoi ? », c'est également chercher à savoir dans quel but, pour réaliser quelle fin, le public se rend au théâtre.

A première vue, nous pourrons commencer par restituer au sujet toute sa légitimité, en montrant que la question se pose effectivement dans la mesure où bien longtemps, le public a été déconseillé de se rendre au théâtre, jugé un genre trompeur sinon corrupteur.

Puis nous verrons que par delà ces considérations d'ordre moral qui peuvent être réfutées, nous pouvons nous demander d'une part pour quelle raison, et d'autre part dans quel but, le public fait la démarche de se rendre au théâtre. La question au centre de notre réflexion sera donc de déterminer s'il est possible de déterminer les causes et les finalités de la formation d'un public dans une salle de théâtre. I. a. Pour quelles raisons le public devrait-il se garder d'aller au théâtre ? Le théâtre, instrument de l'aliénation politique des membres du public Nous commencerons par dire que la question « Pourquoi le public va-t-il au théâtre ? » se pose bel et bien dans la mesure où il ne devrait sans doute pas le faire.

En effet, qu'est-ce que le théâtre sinon un art de l'illusion qui transporte le spectateur dans un univers différent du sien ? En effet, au moyen du théâtre, le spectateur peut se délasser des réalités correspondant a son quotidien et faire l'expérience, au moyen de la représentation, d'autres types d'expérience que la sienne.

C'est ainsi que le genre du théâtre historique peut correspondre a cette ambition du théâtre (pensons à La reine Morte de Montherlant) alors que le théâtre léger de Giraudoux permet également au spectateur de se divertir : Intermezzo, pièce fantaisiste teintée de fantastique est a cet égard un exemple.

Or, il semble bien qu'en étant un genre de la représentation d'évènements fictifs, transportant par l'esprit le spectateur dans un autre temps et une autre réalité politique et sociale que celle à laquelle il est effectivement intégré, le théâtre est fondamentalement néfaste pour le public.

En effet, au lieu de l'inciter à consacrer sa réflexion à ce qui existe bel et bien, il le fait se perdre dans une méditation absconse et improductive sur ce qu'il n'est pas : il favorise donc l'aliénation politique et social des individus qui forment le public, en leur permettant de se divertir, de penser à autre chose qu'aux conditions réelles de leur aliénation.

Le public a donc torts d'aller au théâtre car celui-ci le distrait des véritables questions qu'il devrait se poser : celles qui concernent son existence réelle au sein d'une société donnée.. »

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