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Pourquoi le langage fait-il de l'homme un être irréductible à l'animalité ?

Extrait du document

« On a dit que l'homme l'emporte sur les animaux parce qu'il parle.

Que signifie et que vaut cette affirmation ? Introduction.

— « Parle, et je te baptise », aurait dit le cardinal Melchior de Polignac à un orang-outang qui ressemblait singulièrement à saint Jean-Baptiste au désert.

C'était partager l'opinion de ceux pour lesquels si l'homme l'emporte sur les animaux c'est parce qu'il parle.

Comment faut-il comprendre cette affirmation et quelle est sa valeur ? I.

—.

EXPLICATION Au sens propre, parler c'est exprimer sa pensée à l'aide de mots.

Mais quelle sorte de pensée ? Au sens large, ce terme désigne aussi bien les images mentales les plus concrètes que les concepts abstraits : nous pensons à nos amis que nous voyons mentalement avec leurs traits caractéristiques, tout comme à l'amitié.

Mais les mots qui expriment nos pensées font nécessairement abstraction de multiples particularités que que présentent les choses dont nous parlons : ainsi, en disant Gabriel » je n'indique pas si l'ami ainsi désigné est assis ou debout, souriant ou triste.

Ainsi il n'y a pas de parole sans idées abstraites et générales. Il ne suffit donc pas, pour parler, de proférer les sons constitutifs d'un mot ou d'un groupe de mots : ces mots doivent exprimer la pensée de celui qui parle.

Aussi ne songe-t-on pas à attribuer la parole aux appareils qui reproduisent discours et chants.

Mais le perroquet lui-même ne parle vraiment pas, bien qu'il lui arrive de lancer les expressions apprises avec un à propos fort comique, car il ne comprend pas le sens des mots qu'il utilise ni l'à propos de ce que ces mots expriment.

Il ne le pense pas. Tous les hommes sans exception, même fous ou stupides, sont capables de parler ou d'employer des signes pour faire connaître leur pensée.

Au contraire, il n'existe aucun animal qui soit capable d'employer le langage, sinon pour le répéter sans le comprendre (les pies ou les perroquets par exemple).

Si les animaux ne parlent pas, ce n'est donc pas par défaut d'organes convenables - les imitations peuvent être très bonnes pour certains oiseaux -, mais ils ne pensent pas ce qu'ils disent, et ne sont pas capables d'inventer un système de signes pour se faire comprendre. Seul l'homme dispose d'une raison, les animaux n'en ont aucune.

Même l'animal le plus doué n'est pas capable d'égaler l'enfant le plus stupide.

Enfin, si les animaux avaient la moindre trace de raison, ils seraient en mesure de nous le faire savoir, ce qui n'a jamais eu lieu.

La faculté de langage est donc étroitement liée à la raison : elle y trouve son origine et sa capacité de développement.

Parler ne consiste donc pas à associer des mots, mais à penser ce que l'on dit, et à dire ce que l'on pense. En définitive en disant : « L'homme l'emporte sur les animaux parce qu'il parle », on sous-entend la pensée qui conditionne la parole.

Ainsi l'affirmation que nous avons à expliquer revient à dire : « L'homme l'emporte sur les animaux parce qu'il pense ». II.

— VALEUR A.

Ainsi comprise — et on ne peut guère la comprendre autrement — l'affirmation considérée est indiscutable : c'est bien la pensée impliquée dans la parole qui fait que nous l'emportons sur les animaux.

Beaucoup d'entre eux sont plus forts que nous, d'autres sont pourvus de sens et d'instincts qui nous manquent ; il en est dont la prolifération nous rendrait la vie impossible, si nous ne savions pas les détruire : c'est le savoir organisé par la pensée qui fait notre force. Dans la mesure où il est doué d'un système sensoriel, l'animal perçoit bien les faits que nous percevons, et la répétition des mêmes faits suscite en lui une attente qui peut nous faire croire à une certaine conscience de la causalité.

Mais il ne parvient jamais, comme l'homme, à ce levier essentiel de la pensée réfléchie et de la science : tout ce qui commence a une cause. On a fait valoir tout ce que le développement de l'homme doit à la main.

C'est effectivement grâce à la main que nous maîtrisons bien des animaux.

Mais si la main suffisait à cette maîtrise, ce sont les quadrumanes qui l'emporteraient.

La puissance dominatrice de la main lui vient donc de la pensée qui la dirige et qui conçoit les outils puis les machines qui la prolongent ou la remplacent. B.

Mais on peut discuter l'attribution à la parole d'un pouvoir dû à la pensée que la parole implique. Sans doute, pour prendre conscience d'elle-même et se préciser, la pensée a besoin de s'exprimer en paroles.

Mais l'abondance des paroles ne dénote pas un grand penseur : les grands penseurs sont plutôt silencieux.

Le psychologue observera, il est vrai, que la pensée silencieuse est une parole intérieure.

Mais cette notion est un peu délicate pour le commun qui pourrait y trouver une justification du bavardage. Conclusion.

— Aussi, tout en acceptant l'affirmation soumise à notre jugement, nous lui préférons la suivante : « L'homme l'emporte sur les animaux parce qu'il pense ».. »

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