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Pourquoi la perception commune est-elle un obstacle a la perception artistique ?

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« Notre sujet part d'un présupposé : la perception commune est un obstacle à la perception artistique. Cependant, il ne suffit pas de le remarquer, encore faut-il savoir pourquoi.

Ainsi, qu'est-ce qui distingue la perception commune de la perception artistique ? Quels sont les éléments propres à celle-là qui font obstacle à celle-ci ? Il s'agit donc d'analyser les mécanismes de la perception commune et de la perception artistique, notamment par rapport à leur finalité.

En effet, on peut tenir que la perception commune est là pour nous renseigner sur le monde, en vue de l'action : elle est donc intéressée, car elle poursuit une fin pratique.

Serait-ce alors parce qu'elle sélectionne dans notre environnement les seuls objets utiles à l'action, que la perception commune serait un obstacle à la perception artistique ? Cela implique que la perception propre à l'art est une perception totale, attentif au réel lui-même.

Voilà ce qu'il nous faut examiner. I – Bergson et la perception pure Dès l'entame de son ouvrage Matière et mémoire, Bergson expose sa théorie de la perception pure.

Il s'agit de mettre à nu les mécanismes de la perception commune, celle dont nous nous servons tous les jours.

Bergson remarque premièrement que nous nous trouvons en présence d'images, au sens le plus vague du terme : ces images sont présentes quand nous ouvrons les yeux, absentes quand nous les fermons.

Elles nous donnent à voir le monde, elles sont le monde.

Cependant, peut-on penser qu'il s'agisse d'une reproduction du monde dans notre cerveau, sous forme d'images mentales ? Bergson ne le pense pas, car cela ne servirait à rien ; c'est pour cela qu'il parle d'images pour désigner le monde lui-même : l'image n'est pas dans notre cerveau, mais dans les choses elles-mêmes.

Cela signifie qu'il n'y a pas d'un côté le monde et de l'autre côté un sujet qui se le représente (sous forme d'images mentales) ; Bergson pense plutôt que le monde est un composé d'images, qui sont formées par sélection sur l'ensemble de la matière : nous ne voyons d'elle que ce qui nous intéresse.

Ainsi, percevoir un objet, c'est savoir comment l'utiliser, c'est esquisser une action dans sa direction : par exemple, si je ne vois pas une table, je me cogne contre elle ; en revanche, si elle entre dans mon champ de perception, je saisis l'action qu'elle peut avoir sur moi et je l'évite en déplaçant mon corps dans l'espace. La perception, pour Bergson, est donc entièrement guidée par l'action ; il ne s'agit pas de la reproduction du monde dans notre esprit et sous forme d'images, mais d'une sélection que nous opérons et qui ne nous fait voir des choses que la face qui intéresse l'action elle-même.

La perception commune est donc un appauvrissement de la réalité, appauvrissement qui est à la mesure de son efficacité.

Si je percevais tout, je resterais complètement pétrifié ; au lieu d'agir, je demeurerais contemplatif.

C'est en ce sens que la perception artistique dépasse la perception commune, en nous donnant à voir le réel, au-delà des exigences de l'action. Prenons l'exemple de l'art abstrait : alors que nous voyons sans cesse des objets aux contours nets et utiles à l'action, l'art abstrait nous montre des à-plats de couleurs, des nappes de bleu et de vert, des courbes et des rayures qui ne semblent rien évoquer.

Or, on peut songer qu'il s'agit, non pas d'une séparation d'avec la réalité, mais d'une attention portée à la matière elle-même.

Ainsi, une grande étendue de jaune sera comme la retranscription des vibrations de la lumière, vue d'extrêmement prêt.

Il ne s'agira plus de montrer le réel afin d'agir sur lui, mais de le grossir pour le voir en lui-même.. »

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