Pourquoi faut-il penser l'art ?
Extrait du document
«
Introduction :
Certains la considèrent superflue, ou réservée à la sphère privée, et pourtant la question de l'éducation artistique à
l'école fait encore polémique dans l'actualité française.
L'art s'enseigne, se transmet, mais est-ce une nécessité de
« penser » l'art, au même titre que l'on pense dans les sciences ? Penser l'art, est-ce réfléchir sur les conditions de
sa réalisation ou sur l'œuvre achevée ? Est-ce une tentative de trouver la clé, ou la recette de l'art, pour pouvoir
être artiste soi-même, ou est-ce une recherche d'une connaissance qui lui est supérieure ?
1ère partie : Penser l'art, c'est penser une pensée.
Est-ce l'artiste qui doit penser pour réaliser son œuvre ? Cela supposerait que l'art est l'expression d'une pensée
préalable.
Or on peut plutôt supposer que l'art est lui-même la pensée de l'artiste, et qu'il est l'expression même de
l'artiste.
Ainsi l'artiste pense en créant, et non pas en élaborant des théories formulées.
L'art serait par conséquent
la mise en forme de la pensée de l'artiste.
(ex : « une pensée qui forme une forme qui pense », dit Jean-Luc Godard
du cinéma).
La psychanalyse donne à penser que l'artiste est dépassé par sa création, puisqu'il produit quelque chose dont il
n'avait pas conscience, il accède à une réalité inconnue pour lui-même.
En effet, l'artiste est souvent le premier
étonné par son œuvre, et il ne sait pas ni avant ni même pendant la création, ce que sera le résultat final.
L'art
d'une manière générale, est ce qui surprend, qui est insolite et étonnant.
Une œuvre d'art se caractérise par son
caractère unique, toujours nouveau.
On est toujours un peu décontenancé devant une œuvre d'art car on cherche
à la ramener à du connu, et que l'on n'y parvient pas.
Étudier le phénomène artistique, c'est donc étudier
l'apparition de l'inconnu, du nouveau.
->S'il faut penser l'art, ce n'est donc pas avant la création, ce n'est pas à l'artiste de penser pourquoi il va faire son
œuvre.
Il est évident que l'art se pense, puisque l'art semble être une pensée.
Cependant une pensée ne se pense
pas elle-même, mais porte sur quelque chose…
2ème partie : Penser l'art, c'est découvrir une autre vision du monde.
L'artiste est rarement celui qui parle le mieux de son œuvre.
Il est trop proche de ce qu'il créé, il n'a pas de recul.
Il
ne sait pas pourquoi il a fait ça, c'est juste sa manière de s'exprimer.
C'est alors au spectateur de penser l'art, car l'art questionne, interpelle, choque, émeut.
Le spectateur est rarement
indifférent devant une œuvre d'art.
C'est au public de traduire cette expression communiquée par l'artiste dans son
œuvre, en formulant des commentaires, critiques, analyses, etc.
Cela permet de voir le monde sous un autre jour,
d'entrer dans une autre vision du monde.
Selon Bergson, « l'art n'est sûrement qu'une vision plus directe de la réalité ».
L'art donne ainsi accès à une
connaissance du monde.
L'artiste sert de révélateur, il révèle le monde sous un autre jour, il dévoile une expressivité
du monde qui était latente.
Penser l'art, à travers l'analyse, c'est découvrir différents niveaux de sens cachés, des significations (ex : l'analyse
de film permet de montrer comment la lumière peut donner du sens à l'histoire, en contribuant à créer une
atmosphère, à anticiper une action, etc.).
Chercher à comprendre une œuvre, c'est découvrir sa richesse, c'est se
laisser entraîner dans l'univers de l'artiste et recevoir ce qu'il nous donne.
3ème partie : C'est l'art lui-même qui stimule notre pensée.
Pour Kant, l'art est un moyen de connaissance, dans la mesure où il donne à
penser.
La contemplation esthétique (la réception de l'œuvre d'art par le
spectateur) provoque un « plaisir de réflexion » chez le spectateur.
Pour
Kant, c'est la « beauté » de l'œuvre d'art qui « donne à penser », en
conciliant imagination et pensée.
Il y a un pouvoir matriciel (=générateur) dans la relation qui se noue entre
l'œuvre et le spectateur, qui fait que l'œuvre d'art suggère une pensée et
stimule l'imagination du spectateur.
Un plaisir esthétique a sa source « dans le libre jeu de l'imagination et de
l'entendement ».
Libre jeu car l'imagination n'est pas subordonnée à
l'entendement comme dans la connaissance où elle doit se plier à ses règles :
si elle ne s'y plie pas elle divague, elle rêve, elle entrave la connaissance.
Face au beau qui n'est pas l'objet d'un jugement de connaissance (en langage
kantien déterminant ) l'accord entre l'imagination et l'entendement ne suit
aucune règle.
Par exemple lorsque nous écoutons une œuvre musicale, nous
associons aux sons des images, ces images s'organisent et prennent un sens
mais d'autres associations seraient possibles, un autre sens pourrait jaillir et
c'est pour cette raison que le désir d'écouter l'œuvre ne s'épuise pas.
Le
plaisir naît de ce libre accord et finalement pour Kant de l'expérience
intérieure de la liberté de nos facultés.
Conclusion :
Penser l'art, c'est être ouvert au monde qui nous entoure et à ses diverses modalités d'expression.
Finalement, c'est
plutôt l'art qui nous donne à penser, qui provoque notre pensée, et c'est davantage le monde que l'art lui-même que
l'on pense face à une œuvre.
(Ouverture) : et pourtant, s'il stimule la pensée, l'art qui nous confronte à l'expérience
esthétique nous met en présence de quelque chose qui échappe à toute forme de rationalité (selon Kant).
La
beauté de l'art pour Kant échappe au concept et dépasse la saisie par l'entendement.
Chercher à « penser l'art ».
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