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Pourquoi faut-il etre juste ?

Extrait du document

« Le terme de justice désigne un idéal universel et en même temps une vertu personnelle- on parle de justice et aussi de justes.

Le juste est celui qui observe ses devoirs sans défaillance.

Être juste, c'est respecter rigoureusement les droits de chacun( justicia vient du latin jus "droit"), c'est le fait d'accorder à chacun son droit.

La justice se fonde alors sur le principe d'égalité( traiter tous les hommes de la même manière) et sur le principe d'équité( donner à chacun ce qu'il lui revient).

Pourtant, il est évident que chacun cherche à satisfaire en priorité ses besoins et comme le disait Schopenhauer, chaque être vivant tend à s'affirmer aux dépends des autres.

Être juste dès lors ne serait qu'une manière de contribuer à son bien-être, à son bonheur? Mais si la justice s'oppose aux valeurs égoïstes et à la spontanéité biologique ne doit-elle pas plutôt trouver son point de départ dans une exigence de la raison? Être juste mène-t-il toujours au bonheur? 1.

Chacun pratique la justice en vue de son propre bonheur Au livre second de La République , Platon soutient, à travers la légende de l'anneau de Gygès, qui avait, lorsqu'on tournait le chaton en dedans, le pouvoir de rendre son porteur invisible, que peu d'hommes seraient assez fort pour se retenir de commettre des injustices s'ils étaient assurés de le faire incognito et donc en tout impunité.

De fait, il semble que dans la réalité, la justice n'est pas aimée pour elle-même, mais bien honorée soit par crainte des sanctions ou de la réprobation publique, soit pour la considération ou les avantages qu'elle procure. Par exemple, on peut se dire qu'en étant juste avec les individus, je peux m'attendre à ce qu'il soit juste envers moi et me traite convenablement.

En respectant le principe d'égalité, on croit se protéger soi-même des injustices.

De plus comme le dit Sartre, "Je reconnais que je suis comme autrui me voit", dès lors être juste, c'est aussi gagner l'estime de l'autre et donc valoriser son amour-propre. La Rochefoucauld, dans ses Maximes, affirme que chacun cherche en permanence l'estime d'autrui pour valoriser les qualités du moi qui peuvent en être l'objet.

En faisant ainsi, on consolide notre amour-propre, notre confiance en nous, ce qui nous permet d'agir au mieux par la suite Justice et intérêt semblent alors se confondre en au point que plus personne n'est juste volontairement mais seulement par contrainte. 2.

Être juste n'apporte pas le bonheur mais se rapporte à une exigence de la raison Kant pourtant s'élève contre cette position.

Pour lui être juste ne garantit aucunement le bonheur et le bien être, bien au contraire.

Machiavel avait déjà affirmé que se comporter de façon juste avec autrui n'avait jamais porter ses fruits, Rousseau continuera dans la même lignée, être juste, c'est se mettre à la merci de l'autre, qui peut lui en profiter. Dès lors, pourquoi serions-nous justes si nous ne sommes pas sûrs d'en retirer quelques intérêts? Kant répond alors que la morale ou la justice sont des idées a priori( qui ne précédent toutes expériences), sont des purs devoirs.

L'impératif catégorique est alors un principe qui découle de la raison pure et qui est présent chez tous les hommes.

Mais en même temps, même s'il est présent chez tous, il est possible de ne pas le suivre.

Pour Kant, exercer sa justice, son sens moral, c'est choisir d'être libre, c'est en effet choisir de ne pas se laisser diriger que par ces propres intérêts et désirs. De plus, comme le dit Sartre, s'il n'y a aucun absolu qui fonde la vie humaine, l'homme est pleinement responsable de ses actes et sa liberté- en tant qu'il n'est pas déterminé à faire ceci ou cela par son instinct ou un Dieu- le force à être responsable devant tous et donc juste. 3.

Être juste réaffirme mon humanité et me donne un idéal à atteindre La loi kantienne a cependant souvent été considérée comme trop rigoureuse mais aussi comme trop général.

Si la justice existe dans la raison de tout homme, elle ne dit pas exactement comment agir dans des situations particulières. Dès lors, décider d'être juste est une décision qui revient à chaque homme et qui concerne la dignité qu'il entend donner à sa vie.

"je m'interdis de voler qui que ce soit ; j'ai la ferme volonté d'être juste et charitable envers mes semblables, et non pas seulement envers mes concitoyens [...] La société n'a donc rien à faire ici ; elle ne doit pas être considérée.

" Alain (Propos) Ce qui veut dire que ce n'est pas pour retirer quelques avantages que nous nous astreignons à être juste, mais que cela concerne la relation du sujet à lui-même et à son idéal de vie.

Nous avons tous en effet besoin pour avancer de nous fixer un but à atteindre, un idéal que nous voudrions partagé et partageable. Comme le dit Sartre, l'homme est pleinement responsable de ses actes et c'est à lui de donner un sens à son existence.

Or, se fixer des règles de conduite en vue d'être juste, c'est donner un sens particulier à sa vie, c'est lui donner une fin et se donner les moyens pour y parvenir. De plus, être juste, c'est aussi respecter autrui et chercher une harmonie dans les relations inter-humaines et il faut bien voir que grâce à autrui, j'accède à une autre forme d'existence.

Nous atteignons ensemble la dignité, nous nous élevons ensemble: même s'il me conteste ets'oppose à moi - et peut-être même parce qu'il s'oppose à moi de manière juste- autrui provoque en moi un sentiment de gratitude puisque c'est grâce à lui que je puis m'élever au-dessus de ce petit être égocentrique, égoïste même, que j'étais. Ainsi, je peux être juste simplement parce que je vois dans cette conduite des avantages et non pas pour la valeur en elle-même.

Mais cependant, être constamment juste ne me garantit pas de trouver mon bonheur dans un monde où l'individualisme et l'égoïsme semblent régner.

Dès lors, pour trouver un sens à l'exigence de justice, il faut la faire découler de la nature même de l'homme- de sa raison- ou de son absence de nature- son indétermination.

Mais la justice permet à l'homme d'accéder d'une part à la liberté mais aussi à la plein humanité en ce qu'elle permet de créer des relations saines avec autrui qui me construisent et m'élèvent au-dessus de ma simple existence individuelle.

Être juste, c'est se créer un idéal et donner un autre sens à sa vie.. »

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