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Pourquoi distinguons nous le bien du mal ?

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« La distinction entre le bien et le mal apparaît comme le fondement de la morale, et donc de l'orientation de nos actions et du jugement que nous portons sur elles.

S'interroger sur le pourquoi de cette distinction peut apparaître comme un double questionnement.

D'une part, il s'agit de se demander ce qui explique une telle démarcation: sur quoi celle ci est elle fondée ? Qu'est-ce qui motive l'homme à l'opérer? S'agit-il de mettre à jour une distinction qui possèderait une existence objective dans le réel, ou bien cette distinction est-elle posée par la conscience humaine? D'autre part, se demander pourquoi nous distinguons le bien du mal amène à s'interroger sur le but de cette distinction: quelle fin vise-t-elle, en quoi nous permet elle d'orienter nos actions et notre rapport au monde? Nous verrons dans un premier temps que la distinction du bien et du mal trouve son fondement dans l'idée transcendante de bien et dans la destination de l'âme au bien, et qu'elle a pour fin d'orienter nos actions.

Nous verrons alors que cette distinction, tout en ayant pour but de guider nos actions et notre rapport au monde, peut apparaître comme posée par l'homme lui-même selon ce qui accroît ou diminue sa puissance d'être.

Nous nous demanderons alors si distinguer le bien du mal n'est pas le fruit d'une illusion forgée par l'incapacité d'exprimer nos propres valeurs et nos propres interprétations du monde. 1° Nous distinguons le bien du mal selon l'Idée de Bien qui est la destination de notre âme Selon Platon, la distinction du bien et du mal n'est pas posée par la conscience humaine, elle est fondée sur la réalité transcendante et intelligible des Idées suprasensibles.

La plus haute de ces idées est l'idée de Bien, et l'exercice de la sagesse vise à atteindre, par la connaissance des essences intelligibles, la contemplation de cette idée.

La destination de notre âme réside dans cette sagesse.

Le mal, à l'inverse, n'est pas inscrit comme une tendance dans la nature de l'homme, mais se caractérise par l'ignorance du Bien.

Nous devons donc, pour réaliser notre essence, apprendre où ce trouve le bien pour diriger nos actions et faire régner la justice au sein de la cité.

La distinction entre le bien et le mal s'explique donc par la destination de notre âme au bien, et elle vise l'accomplissement de nos actions selon cette destination, par la maîtrise de nos passions et de notre corps sensible. 2) Nous distinguons le bien du mal selon notre désir et notre puissance d'agir Selon Spinoza, nous n'opérons pas la distinction entre le bien et la mal à partir d'une réalité objective et transcendance: c'est notre désir qui, en s'affirmant, découpe dans le monde qui l'entoure ces deux valeurs, en distinguant les choses qui nous conviennent de celles qui nous sont nuisibles. L'homme est en effet caractérisé par son conatus, c'est-à-dire la force de persévérer dans son être.

Le désir est notre essence, qui détermine la valeur des choses.

Ce n'est ainsi pas parce qu'une chose est bonne objectivement que nous la désirons, comme le laissait penser la conception platonicienne, mais c'est parce que nous désirons une chose quelle est bonne pour nous.

Ce qui est bon pour nous est ce qui accroît notre puissance d'agir en alimentant nos affections positives, joyeuses, tandis que le mal réside dans l'appropriation de choses qui nous sont nuisibles et développent nos affections négatives, en diminuant notre puissance d'agir.

Nous devons apprendre à distinguer ce qui est bon ou mauvais pour notre être par la connaissance des choses.

C'est donc parce que l'homme est un être dont l'essence est le désir que nous distinguons le bien du mal, dans le but de diriger nos actions non vers une idée transcendante indépendante de nous, mais vers l'appropriation de ce qui accroît notre conatus, ou la force de notre être.

C'est en nous appropriant ce qui convient à notre être que nous augmentons non seulement notre puissance d'agir, mais aussi notre puissance de connaissance qui nous fait accéder au divin. 3) La distinction du bien et du mal est fondée sur le ressentiment de ceux qui ne peuvent affirmer leur puissance de vie Nietzsche s'interroge sur l'origine des valeurs morales, et donc de la distinction du bien et du mal.

Selon lui, ces valeurs sont le résultat d'une impuissance à affirmer notre puissance de création et de désir.

Le bien et le mal sont fondés sur des valeurs transcendantes qui sont le résultat d'une illusion métaphysique, d' un arrière-monde que les hommes faibles ont crée par crainte d'affirmer le pouvoir du corps et leur volonté de puissance.

L'homme faible qui craint d'affirmer les vraies valeurs, celles du corps, celle de la création et des multiples interprétations du monde, développe un ressentiment qui l'amène à poser l'existence d'un bien et d'un mal qui figent le réel et appauvrissent sa capacité d'inventer de nouvelles interprétations du monde.

Dans la perspective de Nietzsche, s'interroger sur l'origine de la distinction du bien et du mal permet donc d'éclairer le but de cette distinction, qui n'est pas d'accomplir notre destination, mais au contraire de la nier derrière des valeurs rassurantes, qui ne sont qu'une manière de se venger de l'incapacité à affirmer la puissance de notre désir.

Contrairement aux faibles, le surhomme est celui qui perçoit l'illusion de cette distinction et qui peut créer ses propres valeurs au sein de ce monde, sans se réfugier derrière une morale transcendante. Nietzsche: La généalogie de la morale 1.

Retrouver l'origine des concepts Rechercher l'origine d'un concept revient à comprendre les conditions dans lesquelles il s'est formé, par qui et à quelles fins il a été créé.

Un concept n'est pas quelque chose de neutre, puisqu'il cache une volonté que la généalogie va s'efforcer de démasquer.

Dans l'origine de la morale, Nietzsche va faire apparaître la stratégie des faibles pour se protéger contre les forts.

Dans l'ascétisme, il va déceler l'orgueil de celui qui valorise la souffrance et dévalorise le monde.

La généalogie est une philosophie du soupçon qui interroge les apparences pour les renverser. 2.

La critique de la philosophie systématique Le système, qui prétend parvenir de façon cohérente à une vérité unique, est, pour Nietzsche, l'indice d'une volonté qui a renoncé à penser librement pour se consacrer à la recherche d'une vérité stable.

Le système est un obstacle à la vie de la pensée.

Nietzsche critique notamment le système hégélien, qui pense toujours une chose en relation dialectique avec son contraire (le maître avec l'esclave).

Être le maître sans être le maître de personne, et surtout pas d'un esclave, tel est l'idéal de liberté que propose la philosophie de Nietzsche. Conclusion La distinction du bien et du mal peut tout d'abord nous apparaître comme motivée par la structure d'un monde transcendant et par la destination morale de l'âme qui, par son origine intelligible, possède une tendance naturelle à désirer le bien.

Cette distinction est alors fondamentale pour accomplir notre essence en dirigeant nos actions vers le bien.

Cependant, il peut sembler que si cette distinction vise à diriger nos actions vers l'accomplissement de notre destination divine, le bien et le mal ne sont pas distingués à partir d'une réalité indépendante de notre conscience, mais à partir de ce qui sert où amoindrit notre puissance d'agir et de connaître le monde pour se rapprocher de la condition divine.

Il est alors possible, à partir de cette idée que le bien et le mal seraient crées par l'homme, de penser cette distinction comme une illusion, qui vise à protéger ceux qui ne peuvent affirmer leur puissance de création et d'interprétation du monde.. »

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