Pourquoi désirer l'impossible ?
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Introduction
Le mythe de Prométhée, qui dérobe aux dieux le feu sacré de la connaissance, témoigne d'un certain désir de l'homme de dépasser sa
condition et de porter son désir justement sur ce qu'il ne pourra jamais obtenir : le désir étant justement ce qui ne se satisfait pas de
l'obtention de son objet.
En effet, le désir meurt et renaît sans cesse.
Ainsi, le désir est insatiable (on pourra se référer ici à Dom
Juan.
Il est donc presque logique que l'impossible fasse l'objet d'un désir, comme si l'impossible était par essence l'objet, l'horizon de
tout désir.
Comment rendre raison de ce paradoxe d'un désir voulant et ne voulant pas sa propre réalisation ? On le sait sitôt prise, la
proie prise est méprisée.
Le défi que représente une impossibilité technique pour toute intelligence, et l'attrait de l'interdit auquel
renvoie l'interdit moral suffisent-ils à en rendre compte ? En premier lieu, on désire l'impossible pour le rendre actuel, réalisé; dans le
second on le désire sans pouvoir ou même vouloir le rendre possible : l'homme ne serait-il pas un Dieu si tout lui devenait possible ?
Aussi l'attrait qui régit ce désir semble profondément paradoxal : désire-t-on l'impossible pour le rendre possible, ou au contraire pour
manifester une impossibilité presque salvatrice ? Rousseau dira: "Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! il perd pour ainsi dire tout ce
qu'il possède.
On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère, et l'on n'est heureux qu'avant d'être heureux.
En effet,
l'homme avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu'il
désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et pour lui rendre cette
imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion.
Mais tout ce prestige disparaît devant l'objet même; rien n'embellit
plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu'on voit; l'imagination ne pare plus rien de ce qu'on possède,
l'illusion cesse où commence la jouissance.
Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d'être habité et tel est le néant des
choses humaines, qu'hors l'Être existant par lui-même, il n'y a rien de beau que ce qui n'est pas.
Si cet effet n'a pas toujours lieu sur
les objets particuliers de nos passions, il est infaillible dans le sentiment commun qui les comprend toutes.
Vivre sans peine n'est pas
un état d'homme; vivre ainsi c'est être mort.
Celui qui pourrait tout sans être Dieu, serait une misérable créature ; il serait privé du
plaisir de désirer ; toute autre privation serait plus supportable."
Le plan de votre devoir devra consister en une variation sur le terme d'impossible.
I .
On désire l'impossible pour le rendre possible.
Premier sens de l'impossible : ce qui n'a jamais été réalisé semble impossible.
Par exemple : le sport (les records du monde),
l'aventure (l'extrême, les expéditions), la technique (la conquête de l'espace, etc.).
C'est la régression à l'infini du désir.
Le désir
repousse toujours plus les limites de sa satisfaction.
Mais : au-delà des limites psychologiques de l'impossible apparent, il y a un impossible réel (se fonder sur l'idée de loi de nature).
2.
L'impossible est par excellence l'objet de la surenchère du désir.
Deuxième sens de l'impossible : l'impossible moral, qui est techniquement possible.
Analyse du fantasme, du rêve et de leur ambiguïté
: sont-ils faits pour être réalisés ou justement parce qu'ils ne le seront pas ? On le sait, on tient plus à ses fantasmes qu'à leur
réalisation effective.
Comme si nous savions par avance qu'atteint l'objet du désir perd tout de son attrait (cf.
la décristallisation chez
Stendhal).
Domaines possibles : autrui, la passion, la sexualité, la société.
3.
L'impossible est l'objet du désir parce qu'il est avant tout l'objet d'un besoin qui n'est pas satisfait.
C'est justement parce qu'il est conscient de ses limites que l'homme cherche à les défier.
La
raison humaine ne peut se contenter d'« épeler les phénomènes » (Kant), c'est-à-dire de
constater et de répertorier des lois.
Elle éprouve un besoin d'« inconditionné », c'est-à-dire de ce
qui dépasse la condition : l'absolu.
Pour Kant, cet absolu reste inaccessible parce qu'il dépasse les
conditions de l'expérience possible.
Bataille montrera que l'essence du désir est d'être transgressif: "Au reste, entendons-nous : si je
parle de transgression, je ne désigne pas le cas où, par impuissance, l'interdit ne joue pas.
Une
règle n'est pas toujours efficace : elle peut, ici, n'être pas respectée ; cet individu, qui n'est pas
atteint par l'angoisse, a l'indifférence de la bête.
Cette transgression d'indifférence qui, plutôt que
la transgression, est l'ignorance de la loi, dut à coup sûr être commune dans le temps où les
interdits commencèrent d'être sensibles, sans s'imposer toujours assez clairement.
Il convient, je
le crois, de réserver le nom de transgression au mouvement qui se produisit, non faute d'
angoisse, et du fait d'une insuffisante sensibilité, mais bien au contraire en dépit de l'angoisse
éprouvée.
L'angoisse est profonde dans la transgression authentique mais, dans la fête,
l'excitation la dépasse et la lève.
La transgression que je je désigne est la transgression
religieuse, liée à la sensibilité extatique, qui est la source de l'extase et le fond de la religion.
Elle
se lie à la fête, dont le sacrifice est un moment de paroxysme.
L'antiquité voyait dans le sacrifice
le crime du sacrificateur qui, dans le silence angoissé des assistants, mettait la victime à mort, le
crime où le sacrificateur, en connaissance de cause et lui-même angoissé, violait l'interdit du
meurtre.".
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