Pourquoi craindre la mort ?
Extrait du document
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Définition des termes du sujet:
POURQUOI: pour quelle raison, quel motif: raison intellectuelle de parler ou d'agir OU pour quel mobile, force
irrationnelle qui pousse à parler ou à agir.
MORT: Du latin mors, «mort».
Cessation complète et définitive de la vie.
Seul parmi les animaux, l'homme se sait
mortel: cruelle certitude qui limite son horizon et l'oblige à composer avec sa propre disparition, comme avec celle
des êtres auxquels il est attaché.
Pour Platon, la mort est un «beau risque à courir».
Dans le Phédon, Socrate
définit la mort comme la séparation de l'âme et du corps; délivrée de sa prison charnelle, l'âme immortelle peut
librement regagner le ciel des Idées, patrie du philosophe.
Épicure tient la mort pour un non-événement, puisque
jamais nous ne la rencontrons.
Tant que nous sommes en vie, la mort n'est pas; et quand la mort est là, c'est nous
qui ne sommes plus.
Pour Heidegger au contraire, la vie humaine s'inscrit dans la finitude: «Dès qu'un humain vient à
la vie, il est déjà assez vieux pour mourir».
[Introduction]
Rares sans doute sont les individus qui peuvent se flatter, en toute honnêteté, de ne pas craindre la mort.
Bien
entendu, il ne s'agit pas ici des enfants – qui peuvent encore ignorer son caractère obligatoire –, mais d'esprits
arrivés à leur maturité.
Si certains cas de suicides paraissent indiquer qu'à tout prendre, la mort serait préférable à
la vie, l'analyse des sentiments des suicidés n'est jamais sûre – et l'on peut se demander si, chez eux, la haine de la
vie et de ses souffrances ne finirait pas par l'emporter sur une crainte de la mort qui serait en fait universelle.
Mais
pourquoi l'homme craint-il la mort ? Est-ce pour ce qu'elle « signifie » ou « représente » en elle-même, ou est-ce
parce qu'il est assez spontanément attaché à la vie?
[I.
Une crainte peu « raisonnable »]
S'interroger sur ce qui peut susciter la crainte de la mort, c'est d'abord constater presque obligatoirement qu'elle
semble peu raisonnable, ou même peu rationnellement fondée.
Comment craindre en effet ce que nous ne pouvons
connaître ? Faire ici allusion à la manière dont l'homme, en général, semble se méfier de ce qui lui est inconnu ne
semble guère satisfaisant.
Car si ce recul devant l'inconnu peut justifier des réactions dans le domaine de la
curiosité ou de la connaissance, encore faut-il, pour être efficace, qu'il s'accompagne d'une sorte d'espoir de
connaissance.
Or la mort est précisément l'inconnaissable : elle défie toute approche conceptuelle aussi bien que
toute expérience.
Lorsqu'on se contente de la définir comme l'interruption ou la cessation de la vie, cela ressemble un peu à une
lapalissade...
mais peut-on en dire autre chose ? Heidegger remarque que, pour notre conscience quotidienne, il est
incontestable que l'« on » meurt, mais précisément, ce « on » nous protège :
l'anonymat qu'il implique est suffisamment général et flou pour que l'individu
ne s'y sente guère concerné.
Ainsi, évoquer la mort, c'est ne jamais la penser
authentiquement comme devant m'advenir personnellement.
Et ce d'autant
moins qu'évidemment, je n'en ai qu'une « connaissance » indirecte : je peux
avoir vu quelqu'un mourir, ou, plus fréquemment, un cadavre.
Mais la mort
m'est alors présentée comme un fait qui me reste extérieur, et je ne peux
prétendre pour si peu la connaître, puisqu'elle sera, lorsqu'elle surviendra pour
moi, un fait concernant le plus profond de mon intimité.
L'écart entre la mort
d'un autre comme « spectacle » et ma propre mort s'installe ainsi
définitivement comme une non-coïncidence entre ce que je peux en saisir et
ce qu'elle sera en elle-même.
Kierkegaard protestait vigoureusement contre la
prétention de transformer l'existence en concept ; il n'est pas impensable que
le contraire de l'existence soit tout aussi impossible à conceptualiser.
Si donc ce n'est pas vraiment le moment de la mort qui est redouté, force est
de reconnaître que nous craignons, soit ses circonstances (la maladie, les
souffrances, le déclin physique ou mental qui peuvent la précéder), soit ses «
conséquences », c'est-à-dire ce qui peut la suivre.
Dans le second cas,
encore faut-il admettre qu'un aspect de l'existence se maintient au-delà de la
mort physique : c'est bien entendu l'âme, que l'on affirmerait comme
immortelle.
[II.
La saveur de la vie]
Quelles que puissent être les difficultés que nous rencontrons dans l'existence, notre quotidien nous réserve
toujours quelques plaisirs, plus ou moins profonds ou durables.
Sans doute peut-il se passer des journées entières
sans que l'on ressente la moindre satisfaction, mais cela ne suffit pas pour que nous en venions à concevoir que
notre vie devrait être désormais privée de tout plaisir.
En ce sens, il est vrai que « l'espoir fait vivre » : nous
espérons, en cas de difficultés, que le lendemain sera plus souriant, et cela participe à la saveur générale que nous
trouvons malgré tout au fait d'exister.
Savoir que le lendemain peut voir resurgir une difficulté déjà éprouvée ne
suffit pas pour ôter l'envie de rouvrir les yeux après une nuit de sommeil : vivre, c'est, au moins tacitement, espérer
le retour, sinon de grandes exaltations, du moins de satisfactions qui, même si elles sont modestes, suffiront à nous
attacher à l'existence.
Ainsi cette dernière nous offrirait-elle toujours de quoi lui demeurer en quelque sorte fidèle.
Dans un tel contexte, penser à l'éventualité de sa mort, c'est nécessairement se concevoir comme précisément.
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