Pourquoi avons-nous du mal à reconnaître la vérité ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet
Ce sujet, introduit par la question « pourquoi ?», demande que l'on définisse les causes et les raisons d'un fait précis
– l'objet ici n'est pas de remettre en cause l'existence de ce fait.
Ce fait est « avoir du mal à reconnaître la vérité ».
Avoir du mal, c'est éprouver des peines et des difficultés à faire
quelque chose, que cette difficulté provienne de l'objet lui-même ou du rapport que nous entretenons avec lui ;
« reconnaître » a deux sens : cela signifie d'une part « concéder », « admettre », ce qui présuppose un moment
d'erreur auparavant ; d'autre part, en un sens plus général, cela signifie repérer à nouveau une chose grâce à
certaines connaissances préalables que nous avions sur elle.
Le concept philosophique de « vérité » est très
important et d'application très large ; en son sens général, il fait référence à la réalité des choses, à une vue sur les
choses dépouillée de toute illusion et de toute erreur, ainsi qu'à un rapport de connaissance qui soit en adéquation
avec cette réalité.
La vérité est comprise comme étant nécessairement au fondement de toute connaissance et de
tout rapport juste au monde.
Le sujet pose donc un problème grave, puisqu'un rapport difficile à la reconnaissance
de la vérité prive l'homme des conditions dans lesquelles il pourra connaître le monde et construire un rapport juste
avec lui.
La définition des causes de ce problème devra être au centre du travail.
Proposition de plan
I.
La compréhension courante de l'expression « reconnaître la vérité » : il n'est pas certain que l'homme
désire la vérité
Reconnaître la vérité suppose que l'on se soit trouvé dans l'erreur : il s'agit donc d'une démarche de correction et de
remise en question.
La raison de la difficulté de cette démarche pourrait être recherchée en premier lieu dans une
attitude générale et courante de l'homme par rapport au monde, qui fait qu'il n'est pas dans une disposition où la
connaissance de la vérité serait pour lui un souci primordial.
Nietzsche
Le menteur fait usage des désignations valables, les mots, pour faire que l'irréel apparaisse réel : il dit, par exemple,
je suis riche, tandis que, pour son état, pauvre serait la désignation correcte.
Il mésuse des conventions fermes au
moyen de substitutions volontaires ou d'inversions de noms.
S'il fait cela d'une manière intéressée et surtout
préjudiciable, la société ne lui accordera plus sa confiance et par là l'exclura.
Les hommes ne fuient pas tellement le
fait d'être trompés que le fait de subir un dommage par la tromperie : au fond, à ce niveau, ils ne haïssent donc pas
l'illusion, mais les conséquences fâcheuses et hostiles de certaines sortes d'illusion.
C'est dans un sens aussi
restreint que l'homme veut seulement la vérité : il convoite les suites agréables de la vérité, celles qui conservent la
vie ; envers la connaissance pure et sans conséquence il est indifférent, envers les vérités préjudiciables et
destructrices il est même hostilement disposé.
II.
La difficulté de l'acquisition d'une disposition favorable à la reconnaissance de la vérité.
L'homme a des habitudes de pensée qui ne sont pas directement tendues vers la connaissance de la vérité : son
esprit fonctionne selon des réflexes habituels, comme la confiance en la ressemblance, qui le disposent à l'erreur.
Hume, Traité de la nature humaine
(La relation de ressemblance) est la source la plus féconde d'erreurs ; et certes il y a peu d'erreurs de raisonnement
qui ne résultent de cette origine pour une large part.
Des idées semblables ne sont pas seulement liées les unes aux
autres ; les actions de l'esprit, qui nous servent à les considérer, diffèrent de plus si peu, que nous sommes
incapables de les distinguer.
Ce dernier point est de grande conséquence ; et nous pouvons en général noter que,
toutes les fois que les actes de l'esprit pour former deux idées sont identiques ou semblables, nous sommes très
portés à confondre ces idées et à les prendre l'une pour l'autre.
[...] Mais bien que la ressemblance soit la relation
qui produise le plus facilement l'erreur dans nos idées, les autres relations de causalité et contiguïté peuvent
pourtant aussi contribuer à produire la même action.
Nous pourrions proposer les figures poétiques et oratoires
comme preuves suffisantes de ce fait, s'il était aussi habituel que raisonnable, dans les sujets métaphysiques, de
tirer nos arguments de ce domaine.
Mais, de crainte que les métaphysiciens jugent que ce soit un procédé indigne d'eux, je tirerai une preuve d'une
observation qu'on peut faire sur la plupart de leurs propres dissertations : les hommes ont pour habitude d'employer
les mots pour les idées et de parler dans leurs raisonnements au lieu de penser.
Nous employons les mots pour les
idées, parce que les uns et les autres sont communément unis si étroitement que l'esprit les confond aisément.
III.
La constitution métaphysique de l'homme comme obstacle à la reconnaissance de la vérité
Si l'on pousse cette perspective plus loin, on peut considérer que, métaphysiquement, l'homme n'est pas fait pour
être couramment disposé à la reconnaissance de la vérité ; que cette reconnaissance passe par un travail long et
douloureux : il faudra examiner en particulier la thématique de la violence et de la douleur qui parcourt l'allégorie de
la caverne de Platon.
Platon, République.
L'Allégorie de la Caverne..
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