Pour qu'il y ait science, faut-il qu'il y ait recours aux mathématiques ?

« [Les mathématiques sont la science des sciences.

Elles sont le modèle de l'exactitude.

Une science, pour faire la preuve de son objectivité, doit pouvoir rendre compte de ses découvertes en utilisant des modèles mathématiques.] Les mathématiques ne dépendent pas de l'expérience Les sens nous trompent .

Nous avons toujours tendance projeter sur les choses nos sentiments.

Nous voudrions bien qu'elles soient conformes a nos attentes.

Le mathématicien, quant a lui, échappe ces leurres.

Il n'a pas directement affaire a la réalité, mais a des calculs que son esprit est seul a produire. Les mathématiques rendent compte du réel Les Grecs étaient fascinés par le pouvoir des mathématiques.

A l'aide de calculs qui n'ont d'existence que dans l'esprit de l'homme, était possible de prévoir, bien mieux que ne peut le faire un devin, une éclipse.

Les mathématiques ont cette puissance: expliquer avec la plus grande exactitude les phénomènes.

C'est en quoi elles sont devenues le modèle de la pensée scientifique. Toute science doit tendre la perfection mathématique Puisque les mathématiques sont capables d'autant de prouesses, les autres sciences la physique, mais aussi la biologie et les sciences de l'homme doivent, pour valider leurs observations, leurs théories, leurs expériences, trouver dans les mathématiques des modèles de calcul.

Ce n'est qu'a cette condition qu'elles peuvent prétendre une authentique scientificité. [Le champ d'application des mathématiques n'est pas infini.

Le vivant est très difficilement mathématisable.

Quant a la réalité humaine, elle échappe aux équations.

Cela ne veut pas dire que biologie et sciences de l'homme n'ont rien de scientifique.] Il faut distinguer mathématiques formelles et mathématiques appliquées.

Les mathématiques formelles ne visent rien d'autre que la recherche pure.

Les mathématiques appliquées fournissent des outils au physicien, à l'ingénieur et a tous les scientifiques qui ont affaire a la matière inerte.

Or, l'ensemble du réel ne se réduit pas a cette seule matière. Même si, actuellement, la recherche tente de faire entrer les mathématiques dans l'étude du vivant, ce rapprochement n'a pas bouleversé de fond en comble les sciences biologiques.

On ne voit toujours pas très bien comment appliquer des calculs mathématiques aux phénomènes de la vie.

Le vivant obéit a des principes qui n'appartiennent qu'a lui. Les mathématiques ne sont pas d'un grand secours pour étudier l'homme et sa pensée.

Elles offrent au sociologue des outils statistiques.

Mais les statistiques sont souvent trompeuses.

On croyait, il y a encore quelques années que le cerveau fonctionnait comme un ordinateur.

La neurologie (qui n'est pas une science mathématique) a définitivement invalidé de cette théorie. Les mathématiques constituent un modèle pour la pensée scientifique.

Un modèle de rigueur et de précision.

Cela ne veut pas dire qu'une recherche qui ne se fonde pas sur des calculs est une recherche qui n'est pas scientifique.

Bien au contraire! Objectivité et rigueur intellectuelle conduisent a admettre que les sciences mathématiques ne sont pas universellement applicables.

Le mathématicien sera lui-même le premier a le reconnaître.

Le monde de la matière inerte est son domaine.

Celui du vivant lui est pour ainsi dire totalement étranger. Au biologiste, des lors, de trouver ses propres méthodes scientifiques d'investigation du réel.

Que les mathématiques servent de modèle n'est pas condamnable.

Ce qui l'est, d'un point de vue scientifique et d'un point de vue philosophique, c'est d'avoir systématiquement recours à elles pour revendiquer un statut de scientificité.

Les sciences économiques sont parmi toutes les sciences humaines, celles qui se laissent le plus volontiers tenter par ce genre de facilités.. »