Pour quelles raisons le rêve est-il considéré par la psychologie moderne comme un phénomène particulièrement significatif ?
Extrait du document
«
Introduction.
1° Position du sujet : il ne s'agit pas d'une simple description de l'état de rêve.
On nous demande d'indiquer quelle
signification peut avoir le rêve pour la psychologie générale.
2° Les psychologues d'autrefois ont accordé peu d'intérêt à l'étude du rêve.
Pourquoi la situation s'est-elle modifiée?
Cette étude ne peut-elle servir à la connaissance générale de l'esprit?
I.
Caractères généraux du rêve.
A Le rêve proprement dit se produit pendant l'état de sommeil.
On a proposé bien des explications physiologiques du
sommeil : mais d'un point de vue psychologique, le sommeil se caractérise par la désadaptation de l'esprit au réel : «
dormir, c'est se désintéresser.
» (Bergson.)
B De là, ce défilé d'images mouvantes, hallucinatoires, c'est-à-dire prises pour la réalité.
De là aussi, l'incohérence et l'illogisme du rêve.
Phénomène d'extériorisation : les impressions éprouvées par le
dormeur sont attribuées à d'autres : l'asthmatique rêve de chevaux haletant dans une côte.
Phénomène d'introjection : le sujet, à l'inverse de la confusion précédente, se confond avec l'objet de la
représentation.
« Il me semblait que j'étais moi-même ce dont parlait l'ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de Charles-Quint
et de François 1er » (Proust, Du côté de chez Swann, I, 9.)
Phénomène d'ambivalence : deux images se recouvrent et nous présentent tout à la fois deux personnes différentes
qui n'en feraient pourtant qu'une.
II.
Inductions tirées de l'étude du rêve.
A L'étude du rêve nous apprend :
1° Le caractère dynamique de la pensée; il n'y a pas d'images-clichés.
L'image du rêve est justement l'image pure :
vague, mouvante, changeante, par elle-même sans signification bien déterminée.
2° L'existence en nous d'une pensée illogique, d'une « absurdité fondamentale » (Bergson, Essai sur les données
immédiates, p.
101).
Tout est mobile, continu, le sentiment du temps est tout à fait bouleversé :
« Le temps qui s'écoule pour le dormeur est absolument différent du temps dans lequel s'accomplit la vie de l'homme
éveillé.
Tantôt son cours est beaucoup plus rapide, un quart d'heure semble une journée, quelquefois beaucoup plus
long, on croit n'avoir fait qu'un léger somme, on a dormi tout le jour.
» (Proust, Sodome et Gomorrhe, II, III, 33.)
3° L'influence du corps, de la vie organique, sur ces formes de pensée.
Il faut noter le rôle des sensations externes
et de la coenesthésie dans le rêve.
4° La place assez inférieure, et cependant d'importance, de l'élément émotif dans notre vie mentale.
a - L'émotivité est plutôt exagérée dans le rêve; il y a de ces rêves où nous n'imaginons rien que de très ordinaire
et « au travers desquels résonne pourtant je ne sais quelle note originale ».
(Bergson, Données immédiates.
p.
6.)
b - L'état affectif n'en donne pas moins, bien souvent, son unité au rêve et suscite les images.
c - Enfin, noter l'existence dans le rêve d'une mémoire affective : des désirs et des craintes revivent et suscitent
les images.
B L'étude du rêve nous montre à quoi se réduirait la « spiritualité » humaine sans les fonctions supérieures de
l'esprit.
1° La pensée du rêve est une pensée autistique, désocialisée.
11 faut la comparer avec la pensée morbide,
notamment en ce qui concerne le sentiment du temps.
2° Dans le rêve :
a - il n'y a pas de distinction du réel et de l'imaginaire : la fonction du réel n'existe qu'aux degrés supérieurs de la vie
de l'esprit;
b - il n'y a pas de distinction du subjectif et de l'objectif (extériorisation, introjection); la personnalité n'est donc
pas une donnée immédiate.
c - il n'y a pas de mémoire; celle-ci n'est donc pas la simple reviviscence du passé;
d - il n'y a pas de volonté : les désirs refoulés reparaissent, la volonté est au contraire inhibition, arrêt;
e - il n'y a pas de raison : une chose ou une personne peuvent être autre chose qu'elles-mêmes.
Le principe
d'identité est donc une conquête de l'esprit fonctionnant sous contrôle.
Bref, ces fonctions supérieures de l'esprit ne sont pas des données primitives, elles sont conquises par l'homme.
Conclusion.
Où se trouve la vraie vie spirituelle? Dans l'ascension vers la pensée claire, et non dans le retour aux formes
brumeuses du psychisme; d'où l'équivoque de la formule « vie profonde ».
« Notre vie secrète n'est pas nécessairement une vie profonde.
Le repliement sur nous-mêmes qui devait multiplier
les jouissances comme les richesses de la vie intérieure, ne conduira qu'à une culture du moi tout artificielle et toute
stérile, si elle est défournée des principes de communion, des valeurs d'universalité, auxquels est suspendu le
développement de la vie spirituelle.
».
»
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