Pour Montaigne « la vraie éducation doit être la conquête de la vraie liberté ». Pensez-vous que cette formule de Pierre Moreau résume bien la pédagogie de Montaigne ?
Extrait du document
«
Pour Montaigne « la vraie éducation doit être la conquête de la vraie liberté ».
Pensez-vous que cette
formule de Pierre Moreau résume bien la pédagogie de Montaigne ?
INTRODUCTION
La principale préoccupation de Montaigne, tout au long des Essais, est la conquête d'une liberté qu'il considère
comme le secret de la sagesse et du bonheur : c'est donc un souci qui
doit normalement se retrouver au premier plan dans les passages consacrés à l'« Institution des Enfants ».
Telle
semble bien être l'opinion de M.
P.
Moreau, qui résume ainsi la pédagogie de Montaigne : « La vraie éducation doit
être la conquête de la vraie liberté ».
A travers l'enfant, c'est un homme libre que Montaigne veut former, et sur
bien des points, l'éducation selon Montaigne conduit à une conquête de la vraie liberté ».
Mais on peut se demander
aussi dans quelle mesure la liberté telle que l'entend Montaigne est bien la vraie liberté, et si son système
d'éducation est viable et universel.
I.
LA LIBERTÉ SELON MONTAIGNE
Avant toute considération sur la pédagogie de Montaigne, il nous importe de définir ce qu'est la liberté selon
Montaigne.
A mainte reprise, à travers de nombreux chapitres des Essais, Montaigne nous a parlé de cette liberté.
C'est d'abord une affirmation d'indépendance matérielle par rapport aux autres hommes.
« Mon opinion est qu'il se
faut prêter à autrui, et ne se donner qu'à soi-même.
» Mais Montaigne place l'essentiel de sa liberté sur un plan
beaucoup plus subjectif : c'est avant tout la possibilité d'être pleinement soi en toute circonstance, c'est arriver à
une authenticité de la conduite qui rejoint la sagesse socratique.
Mais comment y parvenir ?
II.
L'APPRENTISSAGE DE LA LIBERTÉ
Les perspectives Montaigne distingue trois moments dans
l'apprentissage de la liberté : d'abord une connaissance complète de soi-même, orientée vers la pratique de soi, qui
nécessite un jugement sain et droit, une lucidité sans faille ; ensuite, tout homme doit savoir juger ce qui est le
mieux adapté à sa nature.
S'il s'agit de « vivre selon soi », il faut aussi, selon l'expression de Gide « suivre sa pente,
mais en montant ».
Le bien entrevu pour lui, l'homme doit être capable de le vouloir, indépendamment de tous, afin
d'arriver à cette « vraie et souveraine liberté, maîtresse de toutes les injures de la fortune » que Montaigne décrit
au livre I des Essais.
Les méthodes Maintenant que se trouvent définies les perspectives qui orientent la pédagogie de Montaigne, il
importe de voir si les méthodes proposées par le moraliste répondent aux exigences de cette liberté qu'il entend
épanouir chez l'enfant.
1.
Épanouissement physique
Le premier point sur lequel il faut insister, c'est la conquête de soi que Montaigne voit réalisée dans ce qu'on peut
appeler, au sens large du terme, une éducation physique.
11 faut que l'enfant commence par acquérir son
indépendance vis-à-vis de son corps : que l'essor de la pensée ou la hardiesse de l'entreprise ne soit pas entravé
par un corps qui « ahane » constamment.
L'épanouissement physique est un premier pas fait vers la libération de
l'âme.
Comment Montaigne prévoit-il cet épanouissement ? D'abord en supprimant autour de l'enfant toutes les
contraintes matérielles, celles des collèges qui sont « une vraie geôle de jeunesse captive», comme celles des
sanctions corporelles et des directives qui viennent brimer non seulement le corps, mais à travers lui l'âme de
l'enfant.
« Otez-moi la violence et la force.
Il n'est rien qui abâtardisse et étourdisse si fort une nature bien née ».
Montaigne
refuse ainsi toute tentative de contrainte physique, qui selon lui donne l'habitude de la soumission, entrave la plus
néfaste sans doute à la conquête de la liberté.
Que ce soit par une «sévère douceur» que l'enfant soit guidé! il n'en
parviendra pas moins à s'aguerrir sur le plan physique comme sur le plan de la sensibilité, et même sur le plan moral ;
mais cet endurcissement lui sera présenté sous forme de jeu librement choisi : « notre leçon, se passant comme par
rencontre, sans obligation de temps et de lieu, et se mêlant à toutes nos actions, se contera sans se faire sentir ».
Mais en toute occasion, il faudra que le précepteur se souvienne que « ce n'est pas une âme, ce n'est pas un corps
qu'on dresse, c'est un homme.
Il n'en faut pas faire à deux ».
L'enfant « accoutumé à tout » selon l'expression de
Montaigne, acquerra ainsi, sans qu'il soit besoin pour cela d'un enseignement théorique souvent assez vain, les
principales qualités qui lui permettront de se libérer vis-à-vis d'autrui : l'endurance à la douleur et à la peine lui
vaudront de n'être heureux ou malheureux que par soi-même.
2.
Éducation du jugement
Le second grand point du système pédagogique de Montaigne est l'éducation du jugement : il s'agit de former un
esprit indépendant de tout préjugé, un esprit sain et droit, capable de voir chaque chose à sa juste valeur, et de se
connaître soi-même.
C'est peut-être ici que le rôle du précepteur se révèle le plus important, le plus difficile aussi.
Car s'il faut créer chez
l'enfant un jugement indépendant, ce qui n'est possible qu'en dehors de toute contrainte magistrale, il faut aussi
s'appliquer à former chez lui un jugement droit, donc parfois redresser par une « main de fer » certaines tendances
naturelles.
La méthode de Montaigne se révèle infiniment souple, variant avec les esprits pour mieux porter ses.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La vraie liberté est-elle de pouvoir toutes choses sur soi (Montaigne) ?
- Montaigne: La mort est-elle une limite à la liberté ?
- Rabelais fait donner par Gargantua à Pantagruel une éducation encyclopédique : « J'y veux un abîme de science », tandis que Montaigne préfère « une tête bien faite à une tête bien pleine » Vous apprécierez brièvement ces deux systèmes opposés et vous dir
- Que pensez-vous de cette opinion de Jean Giraudoux : « Le spectacle est la seule forme d'éducation morale ou artistique d'une nation. Il est le seul moyen par lequel le public, le plus humble et le plus lettré, peut être mis en contact avec les plus haut
- Montaigne, dans un chapitre de son grand livre Les Essais, écrit au XVIe siècle : « La force, la violence peuvent quelque chose, mais non pas toujours tout. » Vous expliquerez cette formule et vous direz si, à votre avis, le spectacle du monde actuel jus