Pour être libre, faut-il savoir ce que l'on fait ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet : Partons d'une définition classique de la liberté : c'est pouvoir faire ce que l'on veut.
Alors répondre par l'affirmative semble une évidence.
Pour faire ce que je veux il faut nécessairement que je sache ce que je fais.
En effet, comment pourrait-on vouloir faire quelque chose sans savoir en quoi
consiste ce quelque chose ? Mais inversement (et c'est là le côté paradoxal du sujet), le verbe falloir semble indiquer une contrainte, une obligation qui
apparaît alors comme un frein, un obstacle à la liberté.
Ce serait même un obstacle très dur car il placerait la liberté vers la connaissance ; connaissance
qui n'est jamais certaine ni entière quant aux conséquences de nos actes : peut-on mesurer jusque dans les dernières conséquences ce l'on fait ?
Proposition de plan :
1) « l'indifférence est le plus bas degré de la liberté » (Méditations métaphysiques, 4).
Par cette phrase Descartes
montre que l'absence de détermination n'est pas liberté.
Au contraire, on est d'autant plus libre que l'on sait ce que l'on
fait.
L'indifférence, l'indétermination n'est pas propice à la liberté et l'exemple de l'âne de Buridan que prend Descartes
l'illustre bien : un âne qui aurait aussi faim que soif et placé à égal distance d'un picotin d'avoine et d'un sceau d'eau se
laisserait mourir de faim et de soif car rien ne viendrait le déterminer.
La liberté, bien qu'il s'agisse de faire ce que l'on
veut suppose un vouloir, une détermination.
Or, si je suis indifférent, je ne veux plus rien et je ne fais plus rien.
C 'est
pourquoi la connaissance est importante car en connaissant le monde qui m'entoure et en connaissant mes propres
forces, je connais alors le but que je poursuis et les moyens qu'il faut employer.
La connaissance est l'alliée de la
liberté car je me fixe clairement un objectif, j'étudie la situation, les moyens dont je dispose et je parviens alors à mon
but.
En poussant l'idée plus loin, c'est l'intelligence qui libère l'homme et permet, pour reprendre encore Descartes, de
« se rendre comme maître et possesseur de la nature ».
Grâce à la science l'homme a pu maîtriser les éléments,
traverser les mers, communiquer par delà les distances et d'aller marcher sur la lune.
C'est encore ce savoir qui nous guide, qui nous rends conscients de ce que l'on fait afin de mieux se contrôler et
maîtriser ce qui pourrait nous faire agir contre notre gré, à savoir les passions.
Bref, c'est la connaissance qui nous
permet d'avoir une volonté libre.
Dans Les passions de l'âme, Descartes montre que notre connaissance peut nous
permettre de nos raisonner et de mater nos impulsions.
C 'est encore le savoir qui fait la distinction entre les bonnes et
mauvaises passions et de les utiliser au mieux.
Ainsi, quand on veut, on peut à condition de s'en donner les moyens.
Transition : Mais si pour faire ce que je veux il faut savoir ce que je fais, on aboutit à un paradoxe.
En effet, si je sais les
conséquences de mes actes, si je connais la portée de mon action, si je suis capable d'anticiper les effets des causes, cela
signifie que je suis inscrit dans un déterminisme : notion peu compatible avec la liberté...
2) Il faut donc échapper à toute détermination et donc rechercher l'acte gratuit qui est l'acte libre par excellence.
L'acte gratuit ne connaît pas le devoir ni
l'obligation.
C'est faire littéralement n'importe quoi à n'importe quel moment et ce sans plan.
Ainsi, la liberté absolue se présente comme sans contrôle de
soi, sans raison et sans aucun calcul sur l'avenir.
Il s'agit de mettre en suspens toutes les interrogations.
Le héro Lafcadio dans Les caves du Vatican de Gide
commet l'acte gratuit ; Lafcadio se rend à Rome par le train et se retrouve seul dans la nuit, ne partageant son compartiment qu'avec un vieux monsieur.
Lafcadio se prend d'une pensée folle qui lui paraît être l'acte absolument libre .
« Là sous ma main, la poignée.
Il suffirait de la tirer et de le pousser en
avant.
On n'entendrait même pas un cri dans la nuit.
Qui le verrait...
un crime immotivé, quel embarras pour la police ».
Continuons l'analyse de cette conception de la liberté.
Le motif suppose une représentation de nos actes ; et c'est justement cette re-présentation qui
freine nos actes et les alourdit en quelque sorte.
Savoir ce que l'on fait ou ce que l'on va faire nous fait prendre conscience des éventuels dangers que l'on
encourt.
Telle est la leçon du fameux monologue de Hamlet chez Shakespeare où il s'interroge sur les raisons qui le retiennent de ne pas assassiner son
père.
La conscience nous rend peureux et fait de nous des lâches.
A savoir ce que l'on fait, nous avons une représentation claire des choses et des risques
et c'est ce qui nous empêche d'agir et finalement d'être pleinement libres.
Transition : Cependant, pouvons-nous être absolument indéterminés ? Sommes-nous sûrs que Lafcadio agit sans aucun motif ? L'acte gratuit, sans raison,
sans motif l'est peut-être au stade conscient mais rien ne dit que des causes que nous ignorons nous poussent à agir de telle et telle manière.
3) En effet, les découvertes sur l'inconscient montre que le moi est un étranger.
Nous n'avons pas consciences de tout et cette inconnue en nous est cause
de bien des décisions, des actes qui sont apparemment absurdes.
Deux solutions s'offrent alors pour cette troisième partie :
- soit on peut soutenir que la liberté est une illusion.
C 'est ce que nous dit
Spinoza dans l'Ethique, 3ème
partie : « l'homme n'est pas un empire dans un empire ».
Nous sommes soumis comme toute chose dans l'univers à des
forces, ces puissances extérieures qui viennent nous affecter, nous déterminer à agir.
Mais nous ne sommes pas
conscients de toutes ces causes alors que nous le sommes des effets (c'est-à-dire des nos actes, de nos désirs).
C'est
ainsi que nous nous croyons libres comme la pierre penserait être l'auteur de son mouvement si elle en avait
conscience.
Notre seule liberté possible serait alors de comprendre le plus possible de causes et de tendre vers cette
liberté comme vers un idéal inatteignable.
- soit il s'agit de soutenir un état intermédiaire entre le savoir (qui n'est jamais absolu) et la liberté absolue (qui ne peut
l'être).
Puisque la raison nous rend peureux et ne nous libère pas réellement, il faut oser et tenter des choses sans pour
autant tomber dans l'absurde qui aboutit à des résultats stériles et qui ne sont en fait que le signe de pulsions enfouies
en nous.
L'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace serait-on tenté de dire ; tel le stratège qui sur le champ de
bataille prend le risque, étonne par un coup de génie et gagne la bataille car il a surpris l'adversaire par son entreprise
libre ; libre des conventions et de la folie.
Une illustration se trouve également dans l'art.
L'art n'est pas le n'importe
quoi ni le simple suivant d'un plan ou d'une technique.
L'artiste n'et pas le technicien car le premier est libre.
Il joue
avec les moyens existants mais n'est pas un copiste ou un ingénieur.
C'est ce que Kant dans Critique de la faculté de
juger appelle le génie artistique qu'il distingue de l'intelligence technicienne.
Dans l'art il y a quelque chose en plus qui
échappe à la raison ; et l'artiste lui-même ne sait pas vraiment comment il a fait son oeuvre.
L'art est le domaine de la
liberté en sachant (car il a une technique, il a fait les beaux-arts ou le conservatoire) et en ne sachant pas (c'est le
délire artistique déjà décrit par Platon)..
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