Pour bien penser faut-il ne rien aimer ?
Extrait du document
«
[Ressentir de l'amitié pour un penseur peut nous éloigner
de la vérité.
Quant à l'amitié portée à un non-philosophe,
elle comporte le risque d'être inconstante
et de compromettre la raison.]
Il faut garder son indépendance de jugement
L'admiration qu'un penseur est susceptible de témoigner à tel ou tel grand philosophe peut nuire à
l'indépendance de son jugement.
Platon ou Aristote ont beau être deux grands noms de la pensée
occidentale, ils sont faillibles.
Il faut donc juger leurs idées selon qu'elles nous semblent vraies, et non selon
l'amitié que nous portons à ces hommes.
Il faut éviter les amitiés passagères
Un philosophe doit se garder des amitiés superficielles.
Elles ne peuvent que le détourner de sa tâche et
l'éloigner de la vertu.
En effet, les amitiés superficielles sont fluctuantes.
Elles évoluent selon les
circonstances.
Tantôt nous sommes aimés parce que la fortune nous sourit, tantôt l'on se détourne de nous.
Même les grandes amitiés comportent des risques
L'amitié profonde n'est pas sans inconvénient.
Si elle résiste aux circonstances, elle peut être dangereuse
pour le philosophe dans la mesure où elle induit certaines actions opposées à la vertu.
Cicéron, dans son
Lelius, met en évidence ce conflit moral que connaît le philosophe lorsqu'il doit choisir entre les devoirs de
l'amitié et la vertu.
[ L'amitié n'est pas forcément une entrave à la pensée philosophique.
En effet, comme le montre Aristote,
l'amitié fondée sur la vertu repose elle-même sur la recherche du Bien et du Vrai.]
Aristote, dans l'Éthique à Nicomaque, concède que l'amitié, le plus souvent, est néfaste.
En effet, explique-til, l'amitié est le plus souvent fondée sur l'utilité ou le plaisir.
Elle ne peut donc être que superficielle.
Cependant, Aristote évoque une troisième sorte d'amitié, fondée cette fois sur la vertu, qui ne représente
aucun danger pour le philosophe.
« La parfaite amitié est celle des hommes bons et semblables en vertu.
Chacun veut du bien à l'autre pour
ce qu'il est, pour sa bonté essentielle.
Ce sont les amis par excellence, eux que ne rapprochent pas des
circonstances accidentelles, mais leur nature profonde.
Leur amitié dure tout le temps qu'ils restent
vertueux, et le propre de la vertu en général est d'être durable.
Ajoutons que chacun d'eux est bon dans
l'absolu et relativement à son ami, bon dans l'absolu et utile à son ami, bon dans l'absolu et agréable à son
ami.
Chacun a du plaisir à se voir soi-même agir, comme à contempler l'autre, puisque l'autre est identique,
ou du moins semblable à soi.
Leur attachement ne peut manquer d'être durable : il réunit, en effet, toutes les conditions de l'amitié.
Toute amitié a pour fin le bien ou le plaisir, envisagés soit absolument, soit relativement à la personne
aimée, et supposant alors une ressemblance avec elle, une similitude de nature, une parenté essentielle.
De
surcroît, ce qui est bon absolument est aussi agréable.
L'amitié atteint au plus haut degré d'excellence et de
perfection chez les vertueux.
Mais elle est fort rare : les personnes qui en sont capables sont fort peu nombreuses.
D'autant qu'elle
demande du temps et des habitudes communes.
»
ARISTOTE, « Ethique à Nicomaque », livre VIII.
Amitié et philosophie ont le même fondement
Dans le cas de l'amitié fondée sur la vertu, chacun des deux partenaires aime l'autre comme un autre soimême.
Chacun veut le bien de l'autre.
Le fondement de cette relation étant la vertu, le Bien, il n'y a pas de
conflit avec la philosophie.
Car qui veut le Bien recherche la vérité, or la recherche de la vérité n'est autre
que la philosophie..
»
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