Pour bien penser, faut-il n'aimer personne ?
Extrait du document
«
Demandez-vous en quoi il y aurait une opposition entre penser et aimer.
En effet, le sujet nous dit ici que l'amour pourrait être un obstacle à la pensée.
Partez alors de ce point en vous demandant pourquoi.
L'amour conduit-il à un bon usage de la raison ? L'amour apporte-t-il de la lucidité…Ici, vous
pouvez vous reporter, pour commencer, à une expression telle que "l'amour rend aveugle".
En effet, cette expression tend à montrer que l'amour tend à
faire perdre toute lucidité.
Or, penser exige de pouvoir faire un usage lucide de sa propre raison.
Montrez alors en quoi un usage de la raison exige de
mettre entre parenthèses les affects et la sensibilité.
Dès lors, on peut affirmer que pour bien penser il ne faut pas aimer.
Une fois ces points abordés,
attachez-vous au terme " rien " ici.
En effet, peut- on exclure tout amour ? Pour bien réfléchir ne faut-il pas aussi aimer réfléchir par exemple ? En
outre, si l'exercice de la pensée à a pour but une recherche de la vérité, ne faut-il pas alors aimer la vérité ? Mieux encore, vous pouvez ici vous
reporter aux analyses de Platon dans le Banquet et réfléchir à la conception de la pédagogie que Platon présente.
L'amour est présenté comme une
élévation vers le Beau et le Bien.
Lisez attentivement le discours de Diotime par exemple dans le Banquet.
Demandez-vous dès lors si nous sommes
dans la même conception de l'amour que lorsque nous disons que l'amour rend aveugle.
[Ressentir de l'amitié pour un penseur peut nous éloigner
de la vérité.
Quant à l'amitié portée à un non-philosophe,
elle comporte le risque d'être inconstante
et de compromettre la raison.]
Il faut garder son indépendance de jugement
L'admiration qu'un penseur est susceptible de témoigner à tel ou tel grand philosophe peut nuire à l'indépendance de son jugement.
Platon ou Aristote
ont beau être deux grands noms de la pensée occidentale, ils sont faillibles.
Il faut donc juger leurs idées selon qu'elles nous semblent vraies, et non
selon l'amitié que nous portons à ces hommes.
Il faut éviter les amitiés passagères
Un philosophe doit se garder des amitiés superficielles.
Elles ne peuvent que le détourner de sa tâche et l'éloigner de la vertu.
En effet, les amitiés
superficielles sont fluctuantes.
Elles évoluent selon les circonstances.
Tantôt nous sommes aimés parce que la fortune nous sourit, tantôt l'on se
détourne de nous.
Même les grandes amitiés comportent des risques
L'amitié profonde n'est pas sans inconvénient.
Si elle résiste aux circonstances, elle peut être dangereuse pour le philosophe dans la mesure où elle
induit certaines actions opposées à la vertu.
Cicéron, dans son Lelius, met en évidence ce conflit moral que connaît le philosophe lorsqu'il doit choisir
entre les devoirs de l'amitié et la vertu.
[ L'amitié n'est pas forcément une entrave à la pensée philosophique.
En effet, comme le montre Aristote, l'amitié fondée sur la vertu repose elle-même
sur la recherche du Bien et du Vrai.]
Aristote, dans l'Éthique à Nicomaque, concède que l'amitié, le plus souvent, est néfaste.
En effet, explique-t-il,
l'amitié est le plus souvent fondée sur l'utilité ou le plaisir.
Elle ne peut donc être que superficielle.
Cependant,
Aristote évoque une troisième sorte d'amitié, fondée cette fois sur la vertu, qui ne représente aucun danger pour
le philosophe.
« La parfaite amitié est celle des hommes bons et semblables en vertu.
Chacun veut du bien à l'autre pour ce qu'il est,
pour sa bonté essentielle.
Ce sont les amis par excellence, eux que ne rapprochent pas des circonstances accidentelles,
mais leur nature profonde.
Leur amitié dure tout le temps qu'ils restent vertueux, et le propre de la vertu en général est
d'être durable.
Ajoutons que chacun d'eux est bon dans l'absolu et relativement à son ami, bon dans l'absolu et utile à
son ami, bon dans l'absolu et agréable à son ami.
Chacun a du plaisir à se voir soi-même agir, comme à contempler
l'autre, puisque l'autre est identique, ou du moins semblable à soi.
Leur attachement ne peut manquer d'être durable : il réunit, en effet, toutes les conditions de l'amitié.
Toute amitié a
pour fin le bien ou le plaisir, envisagés soit absolument, soit relativement à la personne aimée, et supposant alors une
ressemblance avec elle, une similitude de nature, une parenté essentielle.
De surcroît, ce qui est bon absolument est
aussi agréable.
L'amitié atteint au plus haut degré d'excellence et de perfection chez les vertueux.
Mais elle est fort rare : les personnes qui en sont capables sont fort peu nombreuses.
D'autant qu'elle demande du
temps et des habitudes communes.
»
ARISTOTE, « Ethique à Nicomaque », livre VIII.
Amitié et philosophie ont le même fondement
Dans le cas de l'amitié fondée sur la vertu, chacun des deux partenaires aime l'autre comme un autre soi-même.
Chacun veut le bien de l'autre.
Le
fondement de cette relation étant la vertu, le Bien, il n'y a pas de conflit avec la philosophie.
Car qui veut le Bien recherche la vérité, or la recherche de
la vérité n'est autre que la philosophie.
L'amitié vertueuse est rare
amitié fondée sur la vertu est exceptionnelle.
C'est pourquoi les grands hommes n'ont jamais eu qu'un grand ami, à l'instar de Montaigne, dont l'amitié
pour La Boétie est bien connue.
Montaigne se méfiait de l'amitié commune et ne s'ouvrait pleinement qu'à La Boétie..
»
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