Pour bien agir, faut-il connaître ce qu'est le bien ?
Extrait du document
«
Les fonctionnaires du régime de Vichy se trouvaient parfois confrontés à des situations où la loi d'État, qu'il était
de leur devoir d'appliquer, contredisait les droits de l'être humain, qu'ils ont pour devoir de respecter.
Où était le
bien ? N'obéir qu'à l'État leur était le plus utile ; mais la moralité ordonnait parfois de transgresser la loi.
Le bien utile
se distingue parfois du bien moral ; mais toujours la connaissance du bien semble devoir diriger l'action.
1.
LA FORCE DU BIEN
A - L'attraction du bien
¦ La connaissance du bien est la connaissance d'un objet unique : le bien en soi.
Il ne saurait s'agir en effet de la
connaissance de ce qui est bien dans telle circonstance, et de ce qui est bien dans telle autre, mais de ce qui est
bien en toutes circonstances, sans quoi nous rencontrerions toujours une situation qui dépasse notre savoir,
puisqu'il y a une infinité de situations possibles.
¦ Il suffit de connaître le bien pour agir convenablement.
Dès lors qu'il est reconnu, le bien exerce sur nous une
irrésistible attraction ; c'est en effet parce que je l'ignore, que j'agis mal, puisqu'il suffit que je le connaisse pour
bien agir.
Ainsi, selon le mot de Platon : « Nul n'est méchant volontairement.
»
Nul n'est méchant volontairement (Platon).
C'est dans le « Gorgias » de Platon que l'on trouve exposé le paradoxe socratique : « Nul n'est
méchant volontairement ».
Cette thèse surprenante de prime abord doit être reliée aux deux autres : « Commettre
l'injustice est pire que la subir » ; « Quand on est coupable il est pire de n'être pas puni que de l'être ».
L'injustice
est un vice, une maladie de l'âme, c'est pourquoi, nul ne peut vraiment la vouloir (on ne peut vouloir être malade),
et la punition, qui est comparable à la médecine, est bénéfique à celui qui la subit.
L'attitude commune face à la justice est résumée par Polos dans « Gorgias » et Glaucon au livre 2 de la
« République ».
Les hommes souhaiteraient être tout-puissants et pouvoir commettre n'importe quelle injustice
pour satisfaire leurs désirs.
Il vaut donc mieux, selon eux, commettre l'injustice que la subir.
Cependant, comme
subir l'injustice cause plus de dommage que la commettre de bien, les hommes se sont mis d'accord pour faire des
lois en vue de leur commune conservation.
Nous ne sommes donc justes, en vérité, que par peur du châtiment.
Si
nous pouvions être injustes en toute impunité, comme Gygès qui possède un anneau le rendant invisible, nous
agirions comme lui : nous ne reculerions devant aucune infamie pour nous emparer du pouvoir, devenir tyran.
Bref,
nous serions injustes pour satisfaire nos désirs.
Platon réfute inlassablement cette thèse, cette hypocrisie qui consiste à ne vouloir que l'apparence de la justice,
l'impunité, pour pouvoir accomplir n'importe quelle injustice.
Le nerf de l'argument consiste à montrer que, en réalité, « Commettre l'injustice est pire que la subir ».
C'est par
une ignorance du bien réel que les hommes souhaitent pouvoir être injustes.
Parce que nous confondons le bien
apparent (le plaisir, la satisfaction immédiate des désirs les plus déréglés) avec le bien réel, la santé de l'âme.
Nous
croyons vouloir commettre l'injustice, alors que c'est impossible, que « nul n'est méchant volontairement », parce
que nous voulons.
Etre injuste est faire son malheur en croyant se faire plaisir.
L'antagonisme entre le point de vue habituel et la position de Socrate est magnifiquement exposé par le débat entre
Calliclès et Socrate, dans le « Gorgias ».
Calliclès prétend : « Voici, si l'on veut vivre comme il faut, on doit
laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer .
» Socrate pense, lui, que l'accès
au bonheur, au Bien, « cela veut dire être raisonnable, se dominer, commander aux plaisirs et aux passions qui
résident en soi-même ».
Pour tenter de réfuter Calliclès, Socrate lui montrera que son idéal de mode de vie ressemble bien à une
« passoire ».
L'intempérance consiste à accumuler des plaisirs qui n'ont aucune consistance, à ne pas savoir se
mesurer, se satisfaire, mais au contraire à être habité par des désirs tels que pour les combler il faut « s'infliger les
plus dures peines ».
L'erreur fondamentale de Calliclès est de confondre l'agréable et le bon, de confondre la
démesure des désirs déréglés et irrationnels avec l'équilibre de la satisfaction véritable.
C'est que l'injustice est une maladie de l'âme, et plus précisément encore la subversion d'un ordre.
Le magnifique
mythe de l'attelage ailé dans le « Phèdre » décrit d'une façon imagée ce qu'est l'âme.
Elle est comparée à un
attelage composé d'un cocher et de deux chevaux.
L'un est blanc, docile, l'autre est noir, à les oreilles poilues et se
montre sourd aux injonctions du cocher ; il menace ainsi l'équilibre de l'attelage.
Il y a donnc trois instance dans
l'âme.
Le cocher figure la raison, qui a pour tâche de diriger.
Le « cheval blanc » représente le siège de l'honneur, de
la colère.
Le « cheval noir » symbolise l'âme concupiscible, siège des désirs, et plus précisément des désirs liés au
corps.
Or ces désirs ont pour caractéristiques d'être multiples, tyranniques, de ne rien respecter (Platon anticipe
dans certaines descriptions sur tous les cas cliniques décrits par Freud).
Or, la justice consiste d'abord dans le respect de la hiérarchie naturelle des trois instances, qui doivent s'ordonner
sous la conduite de la raison.
Se dominer, être maître de soi, tenir en bride le « cheval noir », c'est faire régner
l'ordre.
L'injustice consiste au contraire dans la subversion de cet ordre, dans la prédominance que l'on accorde à
l'âme concupiscible.
C'est une maladie, une perversion, qui remet en cause la totalité de l'individu.
Dans cette.
»
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