Plus de droit est-ce l'assurance de plus de justice ?
Extrait du document
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Le thème de cet énoncé porte sur la relation de causalité fondamentale ou efficiente existant entre droit et justice
– fondamentale est ici à entendre comme garantie ou socle (le droit) assurant la stabilité du fondé (la justice).
L'ambiguïté qui apparaît quant à l'acception du “ plus ” (s'agit-il d'un “ plus ” quantitatif ou qualitatif ?) semble
disparaître dès qu'est pris en compte l'emploi du terme “ droit ” au singulier.
La question posée interroge ainsi les
conséquences entraînées sur la justice par une augmentation qualitative du droit.
Le problème de l'énoncé se cristallise dès lors autour de la notion de “ justice ”.
La définition de la justice est au
cœur des enjeux de l'énoncé.
D'une manière générale doit être soulignée la prédominance symbolique de l'égalitaire,
ou de l'égalité, dans l'acception commune de la notion de justice (dont le symbole articule : féminité – cécité –
balance – glaive).
Mais la définition égalitaire de la notion de justice tend à rendre anonyme les destinataires de
l'exercice de son arbitrage : le bénéficiaire de l' “ assurance ” de son augmentation (quantitative) reste abstrait –
les yeux de la justice-égalité sont bandés.
Ainsi n'est-ce peut-être que par la réintroduction de la liberté dans la
définition de la justice que peut se penser son application concrète et, partant, son amélioration qualitative.
Ces deux acceptions de la notion de “ justice ” sont en tension de manière implicite dans l'énoncé.
Aussi est-ce
autour d'une telle alternative que se constituent les deux enjeux qui peuvent structurer le déploiement de la
réflexion sur la relation causale du droit à la justice : dans un premier temps, interroger la nature égalitaire du
“ plus ” abstrait opérant par nivellement ; puis, dans un second mouvement du propos, interroger le “ plus ” et la
notion de différence (en opposition à l'égalité abstraite et anonyme) pour penser la justice dans sa concrétude.
I.
Le “ plus ” abstrait
Dans son rapport à la liberté, le droit peut être compris sous deux modalités distinctes : négativement et
positivement.
Dans sa dimension négative, il est ce qui garantit la liberté effective et pragmatique immédiate par
l'absence de contrainte.
Dans sa version positive, il est ce qui assure la jouissance médiate de la liberté par
l'exercice du devoir civique (la votation dans le cadre démocratique, par exemple).
Ainsi il apparaît que seule la
version négative de la relation du droit à la liberté contribue à l'instauration de l'égalité théorique, ou en droit.
Le
droit peut ici être pensé comme le fondement de la justice.
Mais cette justice reste ancrée dans le domaine de l'abstraction : l'égalité est assurée en droit, mais non en fait.
Justice abstraite d'une égalité tout autant abstraite, son augmentation (le “ plus ”) se détermine par la pluralisation
des droits.
L'augmentation quantitative du droit est ainsi le garant de l'augmentation quantitative de la justice.
Toujours plus
de justice signifie dès lors la multiplication de ses dispositions à l'égalité en droit.
Elle se confond ainsi en
l'abstraction d'une justice reposant sur une égalité purement formelle, et non réelle.
Non réelle, parce qu'omettant la
prise en compte de l'individualité différenciée des destinataires de son application.
Interroger l'application, c'est-àdire le devenir-concret d'une justice fondée en l'idéal de l'égalité subvertit ce dernier en idéal d'équité.
II.
Le “ plus ” et la différence
L'équité inclut dans le calcul de l'application de la liberté la singularité différenciée de l'individu.
Ainsi elle peut être
pensée comme une égalité proportionnelle, autrement dit une égalité prenant en compte les spécificités relatives
aux sujets concernés par la jouissance du droit.
Devenant équité, la justice concrétise l'égalité dans la jouissance
et l'exercice de la liberté négative.
Dans sa dimension négative, la relation d'augmentation qualitative du droit,
autrement dit la garantie de son application effective et donc de sa disponibilité à l'exercice, garantit l'augmentation
qualitative de la justice.
Mais une telle augmentation de la justice repose sur une acception libertaire de la justice
(en opposition à la justice-égalité).
La justice dans son acception libertaire, c'est-à-dire ayant pour finalité l'exercice effectif du droit, conduit à
l'inégalité – car l'équité elle-même n'est que la jouissance relative (et donc inégale au sens abstrait) de la liberté.
Etant fondée sur l'individualité propre, la justice ainsi garantie par l'augmentation du droit (emploi au singulier,
signifiant par-là l'objectif de concrétude et de jouissance effective) se restreint au bénéfice, à l' “ assurance ”,
strictement individuel.
Conclusion
-
Le problème repose sur l'ambiguïté de la notion de justice : Liberté contre égalité.
Cette alternative dans la
définition de la notion se répercute sur la dichotomie existant entre l'augmentation du droit qualitative
(efficience et concrétude) ou quantitative (formalisme et abstraction).
Puis, à son tour est par réflexion, la
justice alors garantie se scinde en une justice individuelle (la liberté) opposée à une justice collective (l'égalité).
Réciproquement, les deux se contredisent.
Dans le premier cas, l'augmentation du droit garantit l'accroissement
de la justice, dans le second, la multiplication des droits en est l'assurance.
Le droit est au fondement (causalité
et efficience) de la justice..
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