Platon: Nul n'est méchant volontairement.
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PRESENTATION DE "GORGIAS" DE PLATON
Platon (vers 427-347 av.
J.-C.) rédige le Gorgias à un tournant de sa vie, lorsqu'il se retire de la vie politique
pour se convertir à la philosophie.
La démocratie athénienne traverse alors une grave crise politique et morale.
Les Sophistes se sont emparés du pouvoir et ont corrompu la cité.
La mise en examen de la rhétorique permet
à l'auteur de régler ses comptes avec ceux qu'il tient pour responsables de la mort de Socrate.
Mais ce
dialogue de la maturité est aussi l'occasion pour Platon de faire l'apologie de la philosophie : aux Sophistes qui
ne se préoccupent que de réussir dans la vie, il oppose le souci de réussir sa vie, en prenant soin de son âme.
Nul n'est méchant volontairement.
C'est dans le « Gorgias » de Platon que l'on trouve exposé le paradoxe socratique : « Nul
n'est méchant volontairement ».
Cette thèse surprenante de prime abord doit être reliée
aux deux autres : « Commettre l'injustice est pire que la subir » ; « Quand on est
coupable il est pire de n'être pas puni que de l'être ».
L'injustice est un vice, une
maladie de l'âme, c'est pourquoi, nul ne peut vraiment la vouloir (on ne peut vouloir être
malade), et la punition, qui est comparable à la médecine, est bénéfique à celui qui la
subit.
L'attitude commune face à la justice est résumée par Polos dans « Gorgias » et Glaucon
au livre 2 de la « République ».
Les hommes souhaiteraient être tout-puissants et
pouvoir commettre n'importe quelle injustice pour satisfaire leurs désirs.
Il vaut donc
mieux, selon eux, commettre l'injustice que la subir.
Cependant, comme subir l'injustice
cause plus de dommage que la commettre de bien, les hommes se sont mis d'accord pour faire des lois en vue de
leur commune conservation.
Nous ne sommes donc justes, en vérité, que par peur du châtiment.
Si nous pouvions
être injustes en toute impunité, comme Gygès qui possède un anneau le rendant invisible, nous agirions comme lui :
nous ne reculerions devant aucune infamie pour nous emparer du pouvoir, devenir tyran.
Bref, nous serions injustes
pour satisfaire nos désirs.
Platon réfute inlassablement cette thèse, cette hypocrisie qui consiste à ne vouloir que l'apparence de la justice,
l'impunité, pour pouvoir accomplir n'importe quelle injustice.
Le nerf de l'argument consiste à montrer que, en réalité, « Commettre l'injustice est pire que la subir ».
C'est par
une ignorance du bien réel que les hommes souhaitent pouvoir être injustes.
Parce que nous confondons le bien
apparent (le plaisir, la satisfaction immédiate des désirs les plus déréglés) avec le bien réel, la santé de l'âme.
Nous
croyons vouloir commettre l'injustice, alors que c'est impossible, que « nul n'est méchant volontairement », parce
que nous voulons.
Etre injuste est faire son malheur en croyant se faire plaisir.
L'antagonisme entre le point de vue habituel et la position de Socrate est magnifiquement exposé par le débat entre
Calliclès et Socrate, dans le « Gorgias ».
Calliclès prétend : « Voici, si l'on veut vivre comme il faut, on doit laisser
aller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer .
» Socrate pense, lui, que l'accès au
bonheur, au Bien, « cela veut dire être raisonnable, se dominer, commander aux plaisirs et aux passions qui résident
en soi-même ».
Pour tenter de réfuter Calliclès, Socrate lui montrera que son idéal de mode de vie ressemble bien à une « passoire
».
L'intempérance consiste à accumuler des plaisirs qui n'ont aucune consistance, à ne pas savoir se mesurer, se
satisfaire, mais au contraire à être habité par des désirs tels que pour les combler il faut « s'infliger les plus dures
peines ».
L'erreur fondamentale de Calliclès est de confondre l'agréable et le bon, de confondre la démesure des
désirs déréglés et irrationnels avec l'équilibre de la satisfaction véritable.
C'est que l'injustice est une maladie de l'âme, et plus précisément encore la subversion d'un ordre.
Le magnifique
mythe de l'attelage ailé dans le « Phèdre » décrit d'une façon imagée ce qu'est l'âme.
Elle est comparée à un
attelage composé d'un cocher et de deux chevaux.
L'un est blanc, docile, l'autre est noir, à les oreilles poilues et se
montre sourd aux injonctions du cocher ; il menace ainsi l'équilibre de l'attelage.
Il y a donnc trois instance dans
l'âme.
Le cocher figure la raison, qui a pour tâche de diriger.
Le « cheval blanc » représente le siège de l'honneur, de
la colère.
Le « cheval noir » symbolise l'âme concupiscible, siège des désirs, et plus précisément des désirs liés au
corps.
Or ces désirs ont pour caractéristiques d'être multiples, tyranniques, de ne rien respecter (Platon anticipe
dans certaines descriptions sur tous les cas cliniques décrits par Freud).
Or, la justice consiste d'abord dans le respect de la hiérarchie naturelle des trois instances, qui doivent s'ordonner
sous la conduite de la raison.
Se dominer, être maître de soi, tenir en bride le « cheval noir », c'est faire régner
l'ordre.
L'injustice consiste au contraire dans la subversion de cet ordre, dans la prédominance que l'on accorde à
l'âme concupiscible.
C'est une maladie, une perversion, qui remet en cause la totalité de l'individu.
Dans cette
tyrannie du supérieur par l'inférieur, l'homme devient esclave des désirs sans frein ; c'est pourquoi il est
nécessairement malheureux.
Il devient incapable de jugement, d'honneur, et, au lieu d'être maître de soi, il est
soumis à ce qu'il y a de plus bestial en lui.
Céder aux passions, au désir, rêver d'être tyran est donc en fait rêver d'être impuissant, confondre ce qui est
agréable avec ce qui est bon.
Nul ne peut être véritablement maître des autres sans être d'abord maître de soi.
Le
projet d'hommes comme Calliclès est contradictoire : on ne peut à la fois être soumis à ses propres désirs et libre,
être maître et serviteur.
Le « Grogias » filait la métaphore des deux tonneaux.
L'homme maître de lui-même, ordonné, est celui qui sait.
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