Platon: Les mots sont-ils institués par nature ou par convention ?
Extrait du document
«
Dans le dialogue Cratyle, Platon met en scène deux protagonistes qui soutiennent des
thèses opposées.
Pour Cratyle, la nature aurait attribué aux noms un sens propre.
On
trouverait au coeur de chaque mot une identité de la chose et de son nom : la matière
sonore ou phonique du mot serait inspirée de la chose qu'il désigne.
Si les mots doivent
correctement représenter les objets, le meilleur moyen pour cela est de les rendre aussi
semblables à eux que possible.
Les éléments des mots sont les lettres qui évoquent des
idées lorsqu'on les prononce : ainsi le 1 évoque le lisse et le doux, tandis que le r suggère
la rudesse et la dureté.
Pour bien faire, il faudrait que chaque mot soit composé des lettres
qui évoquent la chose qu'ils nomment.
Pour Hermogène, au contraire, ce n'est que par
convention que les mots correspondent aux choses.
Peu importe la manière dont est fait le
mot, il importe avant tout qu'il désigne la chose.
D'ailleurs, il est interchangeable, puisque
l'on peut donner des surnoms ou des sobriquets qui désignent aussi bien la personne que
son nom propre.
L'usage et la coutume suffisent à créer les noms.
L'essentiel du débat est
de savoir que si le langage est institué, c'est à titre "d'instrument propre à enseigner et à
distinguer la réalité, comme la navette à démêler les fils." Il faut donc, rappelle Socrate,
que ce soit un habile législateur qui établisse les noms.
Il est impossible que les noms
soient faits arbitrairement par n'importe qui.
Ce législateur doit tenir les yeux sur ce qu'est le nom en soi, afin de créer
tous les autres noms.
Il doit également, en habile artisan, reproduire la forme des noms propres à chaque chose, et
peu importe donc les syllabes dont il se sert.
Tous les forgerons n'utilisent pas le même fer, mais sont néanmoins
capables de produire des instruments aussi bons.
Cratyle a donc raison de dire que l'on n'institue pas les noms à la
légère, par le pur arbitraire et la convention, mais qu'il faut se concentrer sur la nature de la chose pour en tirer le
nom.
Pourtant, si certains noms ont une ressemblance avec la chose - le mot kikonia évoque clairement le claquement
de bec de la cigogne -, il en est d'autres, comme sklêrotês, qui signifie la dureté, qui comportent des sons (le l qui
évoque le lisse et le doux) en contradiction avec leur idée.
Il faut donc admettre qu'Hermogène a également raison de
dire que l'usage et la convention contribuent aussi à l'institution des mots..
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