Platon: le juste et l'injuste, le beau et le laid, le bien et le mal
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«
"Socrate.
- Les haines et les colères, mon cher ami, n'est-ce pas le dissentiment sur certains sujets qui les provoque ? Réfléchissons
un peu : est-ce que, si toi et moi, nous différions d'avis différent sur une question de nombre, savoir laquelle de deux quantités est
la plus grande, ce différend ferait de nous des ennemis ? Nous fâcherions-nous l'un contre l'autre ? Ou bien ne suffirait-il pas
d'avoir recours au calcul pour nous accorder bien vite sur un tel sujet ? Euthyphron.
- Assurément.
Socrate.
- Et de même, à propos de longueurs plus ou moins grandes, si nous différions d'avis, il suffirait de recourir à la mesure pour
mettre fin à notre différend ? Euthyphron.
- C'est incontestable.
Socrate.
- Et je suppose que nous aurions recours à la pesée pour
nous départager à propos du plus lourd et du plus léger ? Euthyphron.
- Comment en douter ? Socrate.
- Quel est alors le genre de
sujets qui, faute d'un critère de décision, susciterait entre nous inimitiés et colère ? Peut-être ne l'aperçois-tu pas immédiatement
? Mais vois un peu : si je dis que c'est le juste et l'injuste, le beau et le laid, le bien et le mal, n'ai-je pas raison ? N'est-ce pas à
propos de nos dissentiments là-dessus et à cause de notre incapacité, dans ces cas, à arriver à nous départager, que nous devenons
ennemis les uns des autres, quand nous le devenons, toi et moi et tous les autres hommes ? " PLATON
L e s haines et l e s colères entre l e s hommes naiss ent de leurs dissentiments.
I l y a dissentiment quand moi-même et autrui
différons d'avis ou d'opinion.
Mais cette différence suffit-elle à engendrer la haine ?
T out dissentiment s e produit à propos de quelque chose : un objet déterminé, ou le rapport de deux objets (lequel des deux est le
plus grand, le plus lourd etc.).
Il est naturel et inévitable, dans la mesure où moi-même et autrui n'avons pas de connaissanc e précise de l'objet, et où nous
en jugeons chacun selon notre point de vue et notre perspective.
M ais ce dissentiment es t-il déjà une haine ?
Non puisqu'il existe une certaine opération (compter, mesurer) qui permet de trancher.
A vant la pesée je pouvais c roire que tel c orps est plus lourd que tel
autre ; autrui était d'un avis contraire : mais la pesée nous indiquera leurs poids véritables, nous s aurons alors tous les deux ensemble quel est le plus
lourd, et la prés ence de c e même s avoir en chac un de nous terminera le différend en nous mettant d'accord.
En vérité, les exemples invoqués font référence à un double accord : celui qui est réalis é par l'opération même de mesure ou de pesée, et un accord
préalable qui nous fait nous en remettre à la pesée ou à la mesure pour trancher.
C ar moi-même et autrui pensons dès l'origine qu'un corps possède un
poids ou une longueur déterminés : cette thèse initiale d'objec tivité nous ac corde avant même que notre différend ne soit terminé, car nous savons qu'une
vérité accessible (c 'est le sens de l'opération de pesée ou de mesure) et reconnaissable par chacun nous départagera.
O r, s 'agissant du beau et du laid, du juste et de l'injuste, ce n'est pas le différend qui est s candaleux : je puis croire à première vue que telle loi es t juste
alors qu'autrui la trouvera injuste.
C e qui fait de ce différend une haine, c'est qu'il semble que nous n'ayons pas d'opération équivalente à la pesée et à la
mesure, qui permette de déterminer la jus tice et l'absence de jus tice, la beauté ou l'absence de beauté.
M a i s c ' e s t surtout que moi et autrui ne nous
mettons même pas en quête d'un tel moyen de nous départager, parce que nous présupposons implic itement qu'il n'y a ni vérité ni objectivité du beau et du
juste.
La haine vient du fait que nous désespérons de la vérité.
La dialectique est comme le recours à la pesée, elle va de pair avec cette confiance en la raison et la vérité qui fait que, même si nous différons pour
l'instant d'avis , nous sommes d'accord pour être d'accord : le beau et le juste ne se réduisent pas aux points de vue et aux perspectives, ils ont chac un une
nature déterminée qui fait l'ac cord des esprits.
P L A T ON.
Né à Égine, près d'A thènes, en 429 av.
J.-C ., mort à A thènes en 347 av.
J.-C .
Son père, A riston, descendait de C odros, dernier roi d'A thènes , et s a mère, P érictyone, de Solon.
Il fut l'élève de l'héraclitéen C ratyle, et s'initia aux arts.
Il
prit part à des concours de tragédie, et se passionna plus spécialement pour la musique et les mathématiques .
V ers 407, il rencontra Socrate, dont il res ta
l'ami et le disc iple jusqu'en 399, date de la mort du maître.
Platon se rendit alors à M égare, auprès d'Euclide ; puis , il effectua des voyages en Égypte et en
Italie du Sud.
Eu Sicile, il rencontra Denys et tenta de lui faire acc epter ses théories politiques.
Le tyran, outré, fit vendre P laton comme esclave, à Égine.
Là, A nnicéris le reconnut, l'acheta et le libéra.
Rentré à A thènes, P laton commenç a d'enseigner la philosophie dans les jardins d'A cadémos ; ce fut l'origine
de l'A cadémie.
Il se rendit encore en Sicile auprès de D enys le jeune, mais aussi s ans succès.
Il mourut octogénaire, à A thènes, désignant son neveu
Speusippe pour lui succéder à la tête de l'A cadémie.
Toutes les oeuvres de P laton sont des dialogues.
Ils nous seraient tous parvenus, et certains textes
apocryphes s'y sont ajoutés.
— C 'est s ous l'influence de Socrate que P laton conç ut son système philosophique, premier sys tème spiritualiste c omplet, qui
fait du philosophe grec, l'un des plus grands, sinon le plus grand de tous les temps.
P our les Pythagoriciens, la raison d e s c h o s e s s e trouvait dans les
nombres ; pour les Ioniens (tel Héraclite) elle était dans les forces et les éléments de la nature ; pour les Eléates, elle était une unité abstraite.
Platon fut le
premier à poser un principe intelligent comme raison des c hoses.
— La méthode qu'il utilise dans ses dialogues est la dialectique.
P laton remonte à l'idée.
Il
procède par élimination des dissemblances , et ne considère que les res semblanc es, dont l'origine es t commune.
Les ressemblances, qui font qu'un groupe
d'individus peuvent être trouvés beaux, participent d'une beauté pré-existante, et inc onditionnée.
La dialectique opère de même pour les autres notions.
P laton dégage, par ce moyen, l'Idée de la beauté.
Le point le plus important de la philosophie platonic ienne est précisément la théorie des Idées.
Les
phénomènes, « ombres pass agères », ne renferment pas la vérité.
Il faut dégager l'intuition de la beauté de la jouissance des belles choses.
Dégager de
chaque groupe d'individus le type éternel et pur, d'après lequel ils sont faits.
Les Idées, ainsi dégagées, forment une hiérarchie, dont le sommet est occupé
par l'Idée de Bien.
C elle-ci est le soleil du monde intelligible, elle donne vie et lumière à toutes chos es.
L'Idée de Bien est le principe de l'être et de
l'intelligence ; elle est as similée par Platon à Dieu même.
— L'homme connaît les Idées en vertu de la théorie pythagoricienne de la « réminiscence».
Savoir
quelque c hose, c'est se re-s ouvenir de ce que l'on a contemplé dans une vie antérieure.
L'amour, le « délire d'amour » s'explique lorsque nous retrouvons
devant nous une beauté dont nous nous souvenons, et qui nous trouble.
— A vant la naissance, l'âme humaine parcourt la voûte du ciel, montée sur un char
d'où elle c ontemple le monde des Idées.
Lors de la naissance, elle tombe dans le corps, où elle est emprisonnée.
Elle s'y divise et s'y répartit, dans la tête,
dans la poitrine, dans le ventre.
A près la mort, l'âme injuste est châtiée.
L'âme juste, sur les ailes de l'amour, remontera jusqu'au principe de son bien.
La
morale platonicienne consiste à ressembler à Dieu.
Il vaut donc mieux subir l'injustice que la commettre, et, s i on l'a commise, il vaut mieux expier que ne
pas expier.
— P laton a abordé le problème politique.
Il s'élève contre la position inférieure de la femme grecque.
Dans la république qu'il conçoit, la cité est
un ensemble humain, où est instituée la communauté des femmes et des enfants ; c haque génération d'adultes considère comme les siens propres les
enfants de la génération immédiatement postérieure.
L e s arts sont soumis au s oldat, qui représente le courage.
Les poètes sont e x c l u s de la c ité.
Le
gouvernement appartient aux meilleurs , qui reçoivent une éducation musicale et sportive, sont initiés à la théorie des Idées et à la notion du Bien ; en un
mot, aux philos ophes.
M ais P laton sait bien qu'il est impossible de « faire que ce qui est jus te soit fort ».
— L'enseignement de Platon s'arrête véritablement
à s a mort.
Ni la nouvelle A cadémie, ni l'école d'A lexandrie ne le prolongent.
Saint A ugustin, la Renaissance, Malebranc he, telles s o n t l e s étapes du
renouveau du platonisme, mais celui-c i est alors modifié par la pensée chrétienne.
Quoi qu'il en soit, l'influence de P laton durera s ans doute toujours..
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