Platon: en quoi consiste la vertu ?
Extrait du document
«
PRESENTATION DU "MENON" DE PLATON
Le dialogue du Ménon met en scène Socrate, Ménon, qui se réclame du Sophiste Gorgias, un esclave et Anytos, qui,
historiquement, fut l'un de ceux qui condamna Socrate à mort.
On a ainsi un affrontement entre la philosophie, la
sophistique vénale et versatile, et la puissance politique autour de la question centrale : la vertu s'enseigne-t-elle ?
L'aporie du dialogue tendrait à montrer l'impuissance de la philosophie face aux arrogances du pouvoir.
Mais la figure de
l'esclave, symbole de l'absence de savoir et de pouvoir, est là pour montrer que le philosophe peut tourner vers le Vrai
mais aussi le Bien ceux qui acceptent de jouer le jeu du dialogue.
Dans le même temps, elle apporte une réponse
implicite au problème de la vertu.
Commentaire de Platon
Ce texte de Platon est traversé par une double interrogation: qu'est-ce que la
vertu, et qu'est ce qu'en propre l'exercice philosophique.
La première question
ne trouve pas sa réponse dans ce texte, mais elle guide la seconde aussi
essentielle.
La pratique philosophique ne se résout pas, bien évidemment, à
simplement donner son avis sur une question: elle répond à une certaine
dynamique que ce texte nous propose de comprendre.
Or, cet exercice va être
centré autours d'une question particulière, même si capital dans la philosophie
platonicienne, qu'est celle de la vertu.
Ménon se propose, dans sa première réponse, d'examiner ce que peut être la
vertu en « explosant » cette notion à travers ses diverses applications.
En ne
parle pas de vertu en un seul sens, et Socrate le remercie d'avoir survoler les
diverses applications sémantique d'un terme aussi riche que celui de vertu.
Mais
Socrate va tenter d'amener son interlocuteur sur une autre piste: c'est la
seconde partie du texte, qui en constitue par ailleurs le noyau.
Qu'y a-t-il de
problématique dans cette réponse de Ménon? A quoi cela nous mène-t-il
d'exploiter l'ensemble du champ d'application d'un terme, de regarder toutes ses
applications possibles? Enfin, Socrate propose une parfaite illustration de ce
qu'est la philosophie dans son investigation dialogique, de ce qu'est l'exercice
philosophique dans le cadre du dialogue.
I.
D'une vertu singulière à une vertu plurielle
Le texte commence par une réponse de Ménon: nous ne connaissons pas la question, mais tentons-de la deviner.
Socrate a pu demander à ce sceptique ce que peut être la vertu.
Ménon prend note d'une telle question, mais souligne
qu'il y a autant de vertu que d'application de la vertu.
Si nous transportons la question, de manière anachronique, à
nos jours, on pourra se demander, si une comparaison est possible entre la vertu que doit être celle, par exemple, d'un
citoyen de la république, et celle que doit posséder un soldat? Pour Ménon, on ne peut définir un seul type de vertu,
puisque précisément, on constate que dans les faits, il y en a plusieurs.
On pourrait dire que Ménon fonctionne avec
ses yeux physique: il regarde autours de lui, et se rend compte que, de vertu, il n'y en a pas qu'une.
Ainsi, la vertu d'un homme est bien différente de celle d'une femme ou d'un enfant.
Il y a une somme de facteurs qu'il
faut prendre en considération, comme l'âge, le statut social, le sexe...
Comment en effet demander à un vieillard de
montrer la même témérité et la même vaillance, qu'un jeune soldat sur le champ de bataille? On ne peut somme toute
parler de vertu au singulier comme le demande la question socratique: il faut examiner les divers champs du réel, les
divers individus de la part desquels elle est susceptible d'être exigé.
A la place d'une seule définition, Ménon propose
une multiplicité de caractérisations selon la personne.
Mais au fond, n'est-ce pas pour tout pareil? Lorsque Ménon précise qu'il en va de même du vice, n'entend-il pas au
fond que toute notion mérite qu'on s'attarde sur la diversité qu'elle porte en elle.
Nous avons un seul mot « vertu »,
mais cela n'est qu'une caractérisation du langage.
Derrière un seul mot, peut se cacher une réalité plurielle, riche, et
complexe.
Il ne faut donc pas trop croire aux mots et se concentrer un peu plus sur la réalité.
La même scène se
produit d'ailleurs dans un autre dialogue platonicien: l'Hippias majeur.
Socrate demande alors à son interlocuteur
Hippias, ce qu'est le Beau? Ce dernier répond par trois fois de manière différente:« Sache donc, Socrate, puisqu’il faut
te dire la vérité, que le beau, c’est une belle fille...
Ce beau sur lequel il t’interroge n’est pas autre chose que l’or.
(…)
Car nous savons tous que, quand l’or s’y est ajouté, un objet qui paraissait laid auparavant, paraît beau, parce qu’il
est orné d’or...
Ce qu’il y a de plus beau au monde, c’est d’être riche, bien portant, honoré par les Grecs, de parvenir
à la vieillesse et, après avoir fait de belles funérailles à ses parents morts, de recevoir de ses enfants de beaux et
magnifiques honneurs funèbres » Pour Hippias, il a autant de beauté que de situation où elle se présente.
Tout comme
pour Ménon, on ne peut parler du Beau au singulier puisque dans l'expérience, ce dernier se présente sous divers
facettes.
II..
»
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