Platon
Extrait du document
«
"Si un médecin qui entend bien son métier, au lieu d'user de persuasion, contraint
son malade à suivre un meilleur traitement en dépit des préceptes écrits, quel nom
donnera-t-on à une telle violence? Tout autre nom que celui de la faute contre l'art
ou l'erreur fatale à la santé, n'est-ce pas? Quand on a fait, contre les lois écrites et
l'usage traditionnel, des choses plus justes, meilleures et plus belles
qu'auparavant, ne sera-t-on pas autorisé à tout dire plutôt que de prétendre que
les victimes de ces violences ont subi des traitements honteux, injustes, mauvais?
De même que le pilote, attentif au bien du vaisseau et des matelots, sans écrire un
code mais en prenant son art pour loi, sauve ses compagnons de voyage, de la
même façon des hommes capables de gouverner d'après ce principe pourraient
réaliser une constitution droite, en donnant à leur art une force supérieure à celle
des lois." PLATON
Introduction
Comment rendre la société meilleure? A cette question, Platon répond que l'homme politique peut, pour cela, passer
outre les lois et les traditions, et qu'il peut même exercer une contrainte.
Mais cette position ne conduit-elle pas à la
tyrannie? Les lois et le suffrage populaire ne doivent-ils pas contrôler l'exercice du pouvoir? Mais le peuvent-ils si,
comme le suggère Platon, les lois tendent à devenir un obstacle à la bonne politique, et si le peuple est ignorant de
son propre bien?
A.
Explication
Introduction
— Idée principale du texte : il est légitime de s'opposer aux lois et de contraindre les individus, si cela doit rendre les
choses meilleures.
— Cette idée est vérifiée sur trois exemples : le médecin, le navigateur, l'homme politique.
Ces trois exemples ne sont
pas au même niveau : ce qui est visé dès le début, c'est le problème politique, comme le montre le plan du texte :
1.lignes 1-6 : exemple du médecin ;
2.
lignes 6-11 : généralisation à partir de l'exemple : énoncé de l'idée principale ;
3.
lignes 11-16 : application de cette idée à la politique, pensée à l'image de l'art de naviguer.
— Des trois exemples se dégage une structure identique qu'il faut analyser.
1.
Une situation critique qu'il faut redresser.
— Les images de la maladie et du naufrage donnent une idée de la situation politique qui est visée : la cité est en
perdition; il faut la sauver, c'est-à-dire lui donner « une constitution droite ».
— « Constitution » ne désigne pas ici ce que nous appelons « constitution » (texte énonçant la loi fondamentale d'un
État) puisque tout le passage est tourné contre l'écrit.
Il s'agirait plutôt de la constitution de la société, comme on
parle de « constitution physique » (d'où une analogie possible avec le médecin).
— Le texte ne dit pas en quoi consiste cette « constitution droite », ni de quoi la cité est malade.
Platon, dans La
République, entreprend de déterminer ce qu'est la cité juste.
Il montre, en outre, au livre VIII, comment cette cité
juste s'altère.
2.
L'art et la loi.
Le mot « art » est à prendre au sens de « métier », de savoir et de savoir-faire.
Cet art est opposé aux lois écrites et
aux traditions.
Pourquoi?
— D'abord, les lois et les traditions ne dispensent pas de l'art.
Les lois sont générales.
L'art ajoute à la loi l'application
du général au particulier.
Les livres de médecine enseignent quel traitement doit soigner la grippe, mais le médecin doit
juger si tel patient est bien atteint de la grippe, et si le traitement prévu en général convient à sa situation
particulière.
C'est pourquoi aucun précepte, aucun écrit ne peut remplacer le « métier », « l'expérience ».
L'exemple
montre que l'application de la loi au particulier implique une adaptation : il doit y avoir une certaine souplesse des lois.
De même, la loi définit en gros le bien de la cité, mais des corrections doivent être apportées dans le détail.
— L'expression « élever l'art au-dessus de la loi » implique davantage.
L'homme politique peut contrevenir aux lois : il
est au-dessus d'elles.
Cela est vrai si les lois sont mauvaises.
Mais cela reste vrai même dans le cas contraire.
Ce qui
était vrai dans une situation donnée, et qui a été consacré par l'écrit ou la tradition, cesse de convenir à une situation
nouvelle.
Si par exemple, un homme politique a su donner de bonnes lois à la cité, l'écrit et la tradition en transmettent
la forme déterminée, rigide ; le temps en fait des objets de vénération intouchables, mais l'esprit qui en faisait la
grandeur disparaît.
Ces « bonnes lois » deviennent un poids mort, un obstacle.
L'homme politique doit passer outre.
Mais, ce faisant, il est fidèle aux anciens, si, comme eux, il agit pour le bien de la cité : être fidèle à l'esprit de la
tradition, c'est la transgresser dans sa lettre.
Dit autrement, l'art politique, qui est à l'origine des lois, ne saurait leur.
»
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