Pierre Paul Rubens
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Pierre Paul Rubens
Après la mort du vieux Bruegel, la fumée des bûchers de l'Inquisition, la puanteur des cadavres amoncelés par la
Furie espagnole planent encore sur les villes et les campagnes flamandes.
A l'aube du XVIIe siècle, les Pays-Bas
méridionaux ne sont échappés à l'hérésie qu'au prix de leur ruine totale.
Durant le règne des archiducs Albert et
Isabelle, vassaux de la cour de Madrid, la situation paraissait désespérée.
La trêve de Douze Ans, conclue en 1609,
ne fut guère qu'une paix armée.
Elle affirma enfin l'indépendance des provinces septentrionales, réunies sous la
République batave.
Le Nord protestant fut séparé du Sud catholique.
Et quoiqu'à partir de ce moment la Flandre
connaîtra une paix relative, sa force économique est brisée.
A Anvers, le silence règne parmi les ruines et sur
l'Escaut abandonné.
Mais, malgré les troubles politiques et la détresse économique, elle est toujours le théâtre d'une splendide floraison
culturelle et artistique.
Celle-ci reste toutefois soumise à la domination de l'Église catholique triomphante, qui
marque de son empreinte toutes les manifestations de la vie sociale et intellectuelle.
L'art baroque est l'illustration
de la Contre-Réforme, et de cet art baroque, l'œuvre de Rubens est le sublime apogée.
Dans les courants artistiques du XVIe siècle, l'on peut discerner les premiers symptômes de ce que sera l'art du
XVIIe : un art qui, même dans les sujets religieux, sera surtout humaniste, d'une conception libre et large et, au
point de vue technique, tendant vers une forme de plus en plus synthétique.
Ainsi, l'art des romanisants et des réalistes avait été le prélude de la puissante épopée du XVIIe.
Les prérubénistes,
François Floris, Martin de Vos, Antonio Moro, d'autres encore, avaient déblayé la route, préparé la venue du grand
triomphateur Pierre-Paul Rubens.
Suivant l'exemple de tous les peintres de son pays, Rubens, après avoir étudié les
éléments de son art chez les romanisants anversois Tobias Verhaecht, Adam van Noort et Otto Venius, part en 1600
vers l'Italie.
A Venise d'abord, où les grands coloristes, Titien, Tintoret, suscitent son enthousiasme.
A Rome, il est
impressionné par le sombre génie de Michel-Ange.
Au service du duc de Mantoue, il parcourt la péninsule, voyage en Espagne, peint des portraits dans le style de
François Pourbus, un grand Baptême du Christ, avec des figures gigantesques, réminiscences de Michel-Ange et de
Corrège.
Avec son frère Philippe, savant humaniste, il étudie l'art antique, collectionne des marbres et des camées.
Et lorsqu'en 1608 il rentre à Anvers, il a accompli son apprentissage.
Fromentin dit qu'il fut "à vingt ans mûr et
maître".
Il gardera toujours le souvenir des grands Italiens, de Michel-Ange le tragique de Raphaël le suave, et
surtout des Vénitiens, de Titien le somptueux, de Tintoret l'impétueux, et de l'amoureux Corrège.
Toutefois, il ne
sera jamais leur pasticheur.
Il tendra toujours à égaler, à surpasser même la splendeur monumentale de ces grands
décorateurs.
Mais il ne leur sera jamais soumis : il restera flamand, passionné de vie, de couleur et de lumière.
Les
Italiens lui ont livré tous les secrets de la composition, de l'équilibre, le sens de la décoration gracieuse et
majestueuse.
Mais il possède en propre celui du coloris.
Et par lui, l'art baroque, préparé en Italie, atteint son
apogée aux bords de l'Escaut.
On peut distinguer dans la carrière de Rubens trois grandes périodes et rattacher chacune d'elle à une personnalité
féminine.
La première période, celle de l'apprentissage, est aussi celle de la mère du peintre, l'héroïque Marie Pypelinckx,
admirable épouse, écrivant des lettres sublimes pour sauver de l'échafaud son mari, l'avocat Jean Rubens, qui s'était
rendu coupable d'adultère ; mère intelligente et tendre qui sut donner à ses fils une éducation solide et qui fut
pleine d'admiration touchante pour les premières peintures de Pierre-Paul.
Les traits de caractère de celui-ci, sa
culture universelle, sa bonté, sa douce affabilité, son esprit d'équilibre, de sagesse et de raison, son attitude
aristocratique, sont dus à l'influence de cette femme exquise.
La seconde période est celle du premier mariage de Rubens.
En 1609 il épouse Isabelle Brant, fille de bourgeois
cossus, personnalité douce, épouse et mère dévouée, au charmant sourire, au regard clair légèrement malicieux.
Elle
se tient à l'ombre, mais, en sa calme félicité, heureuse et fière des succès de son époux.
Car dès le moment où
Rubens s'établit définitivement à Anvers, commence pour lui le triomphe.
Déjà en 1609 il est nommé peintre de la
cour des archiducs.
Et immédiatement affluent les commandes importantes.
Ne nous y trompons point : Rubens fut à proprement parler un conservateur.
Il n'a pas rompu avec la tradition et
son œuvre se rattache intimement à celle de ses prédécesseurs romanisants.
Mais de leur héritage et des exemples
des grands Italiens, il put faire, en les accordant avec son génie coloriste, un art qui fut l'expression, non seulement
de son propre tempérament, mais aussi de l'âme de son peuple.
Il put ainsi réaliser cette chose prodigieuse qui
influença tout l'art moderne : créer l'unité entre l'esprit du Nord et celui du Sud.
Il le fit avec toute l'aisance de son
génie.
Dès 1608 et jusqu'en 1614 environ, il se libère des influences italiennes.
Son coloris évolue des tons profonds et
sombres vers des clartés aérées.
Son dessin gagne en allure et en distinction.
L'ordonnance classique des Italiens,
leur symétrie stable, Rubens les remplace par la composition en diagonale ? autour de laquelle il fera basculer,.
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