Philosophie de Merleau Ponty
Publié le 02/03/2025
Extrait du document
«
Dégagez l’intérêt philosophique de ce texte en procédant à son étude ordonnée.
Il est vrai que la communication présuppose un système de correspondances tel que celui
qui est donné par le dictionnaire, mais elle va au-delà, et c’est la phrase qui donne son sens à
chaque mot, c'est pour avoir été employé dans différents contextes que le mot se charge d'un sens
qu’il n’est pas possible de fixer absolument.
Une parole importante, un bon livre imposent leur
sens.
C’est donc d'une certaine manière qu'ils le portent en eux.
Et quant au sujet qui parle, il
faut bien que l'acte d'expression lui permette de dépasser lui aussi ce qu'il pensait auparavant et
qu’il trouve dans ses propres paroles plus qu’il ne pensait y mettre, sans quoi on ne verrait pas la
pensée, même solitaire, chercher l'expression avec tant de persévérance.
La parole est donc cette
opération paradoxale où nous tentons de rejoindre, au moyen de mots dont le sens est donné, et
de significations déjà disponibles, une intention qui par principe va au-delà et modifie, fixe ellemême, en dernière analyse, le sens des mots par lequel elle se traduit.
Le langage constitué ne
joue un rôle dans l’opération d’expression que comme les couleurs dans la peinture: si nous
n'avions pas des yeux ou en général des sens, il n’y aurait pas pour nous de peinture, et
cependant le tableau “dit” plus de choses que le simple exercice de nos sens ne peut nous en
apprendre.
Le tableau par-delà les données des sens, la parole par-delà celles du langage
constitué doivent donc avoir par eux-mêmes une vertu signifiante, sans référence à une
signification qui existe pour soi, dans l’esprit du spectateur ou de l’auditeur.
MERLEAU-PONTY
POUR COMPRENDRE LE TEXTE
Un beau texte dont l’articulation ne présentait pas de difficulté majeure !
Structure du texte:
- lignes 1 à 5: le sens d’un mot n’est pas dans le mot...
- lignes 5 à 11: ...
il n’est pas non plus dans l’esprit de celui qui l’utilise
- lignes 11 à 17: comparaison en ce sens peinture/langage: le mot fait sens!
ECLAIRCISSEMENTS
Première partie
Sens de cette partie: la communication présuppose bien un système de correspondance
(dictionnaire), mais ne s’y réduit pas, de son propre mouvement elle “va au-delà”.
Pourquoi cette référence au dictionnaire? Un dictionnaire a pour vertu de mettre en relation un
mot et son sens.
Saussure dirait qu’il consigne le lien signifiant/signifié de tous les mots d’une
langue donnée.
En même temps, dans un dictionnaire, le sens d’un mot est donné par référence
au sens d’autres mots qui servent à sa définition.
Le dictionnaire, c’est l’ensemble des mots
d’une langue qui renvoient les uns aux autres, qui s’entre-définissent à l’infini.
En plus du lien
“vertical” signifiant/signifié, il faut un lien latéral des mots entre eux.
Ce qui est encore assez proche de la conception que peuvent se faire certains linguistes: le
langage est donné tout entier, une phrase ne fait que découper un sens déjà donné en excluant
tous les autres possibles.
Pour Merleau-Ponty, par contre, cette correspondance mot/sens n’est qu’une condition de départ
de la communication, celle-ci ne s’y réduit pas.
La communication présuppose bien en effet que mon interlocuteur et moi ayons le même
vocabulaire de départ, le même dictionnaire de départ.
Pour qu’on se comprenne littéralement, il
faut qu’on ait déjà quelque chose en commun avant de se dire quoi que ce soit.
Sans cela, c’est
que les mots prononcés n’auront même pas de sens possible pour l’interlocuteur.
C’est parce que
nous faisons le même lien entre signifié et signifiant que le langage pourra faire le lien entre moi
et mon interlocuteur.
L’erreur des linguistes (entre autres), c’est de concevoir un mot comme le réceptacle inerte de
son sens.
Alors que, en fait, on peut voir sur certains cas privilégiés (grandes phrases, bons
livres) que le mot se recrée un sens neuf.
C’est le propre de tout poème par exemple (Mallarmé:
donner un sens neuf aux mots de la tribu).
Et, plus couramment, tout mot voit son sens évoluer.
Comme une rivière qui dépose ses alluvions et modifie son cours, la phrase charrie et dépose un
sens neuf dans les mots, matière vivante du langage.
Il n’est donc pas possible de “fixer absolument” le sens d’un mot, comme dans un dictionnaire,
car il est contient des possibilités insoupçonnés que son usage révélera.
Le mot porte donc bien
“d’une certaine manière” son sens en lui, sans quoi il n’y aurait pas communication, mais en
même temps il n’est pas en lui: car alors, le langage ne serait qu’un vaste dictionnaire, et “parler
serait une tautologie” (Borges).
La communication est débordée, dès le simple fait de parler, par l’intention significative de celui
qui parle.
Deuxième partie
Tout comme la communication va “au-delà” de la simple correspondance (ligne1-2), de même
pour l’expression: elle est débordée par l’intention qui “va au-delà” (ligne 10).
N.B.
La première partie s’intéressait à la structure du langage, la deuxième va s’intéresser à
l’utilisation qu’en fait le locuteur dans l’acte de parole.
La première....
»
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