Philosopher, est-ce renoncer a transformer l'ordre du monde ?

« Dans l'imaginaire collectif, la figure classique du philosophe est un homme perdu dans ses pensées et dans ses interrogations sur la nature du monde.

Si la philosophie nécessite une telle mise à l'écart du monde réel, peut-on en déduire que le philosophe est celui qui, par sa démarche, se résigne et accepte le monde tel qu'il est ? Si la philosophie exige dans un premier temps que l'on se donne les moyens de comprendre le monde tel qu'il se présente, par une introspection qui demande de l'éloignement, n'est-il pas faux de la limiter à cette résignation apparente ? L'histoire ne nous dit-elle pas le contraire ? Introduction 1/ philosophie = renoncer à changer l'ordre du monde - L'ordre du monde. L'ordre du monde est la forme sous lequel le monde se présente au sujet.

Ainsi la question est : le philosophe renonce-t-il à changer la forme du monde ? S'y soumet-il ? (la société, les hommes, etc.). - Le philosophe est détaché du monde. "Le philosophe a la tête dans les nuages" La représentation commune veut que le philosophe soit une personne humaine perdue dans des pensées qui le détachent du monde, dans des errances éthérées, abstraites, sans incidence sur le monde qui l'entourre.

Un célèbre tableau de Rembrandt illustre parfaitement cette représentation commune du philosophe égaré.

Ce tableau ("Philosophe en méditation") représente un homme barbu, affalé sur sa chaise, à son bureau, dans une pièce sombre à peine éclairée par un feu de cheminé et la lumière qui filtre à travers une fenêtre. Ce tableau est visible à l'adresse : http://remue.net/IMG/jpg/La_meditation_du_philosophe_Rembrandt.jpg Cet homme ne semble-t-il pas avoir renoncé à changer le monde dans lequel il se trouve ? Même le feu qui éclaire sa pièce est entretenue par un autre.

Dès lors que la philosophie semble détacher celui qui la pratique du monde concret, social, naturel, physique, ne peut-on affirmer que philosopher revient à accepter de ne pas pouvoir changer l'ordre du monde ? En un sens, n'est-ce pas là un refus de changer l'ordre du monde ? - "Prendre les choses avec philosophie". Dès lors que le philosophe accepte de ne plus pouvoir avoir d'influence sur le monde, autrement dit, à partir du moment ou le philosophe se résigne à ne pas changer l'ordre du monde, la philosophie peut être vue comme une pratique qui justement vise à faire accepter le monde tel qu'il est.

D'où l'expression commune "prendre les choses avec philosophie", qui consiste à se soumettre à la réalité, l'accepter telle qu'elle est.

Ainsi, la philosophie peut-elle être vue, de ce point de vue limité, comme une sorte de haute résignation de l'ordre naturel du monde. - Dans les représentations communes, il y a une part de vérité. Comme bien souvent dans les opinions communes, ou "de la rue", il y a dans celle-ci une part de vérité.

En effet, la philosophie détache le philosophe du monde qui l'entour, puisqu'elle nécessite un réel effort d'introspection et de reflexion.

Dès lors qu'elle détache le philosophe de la réalité, on ne peut attendre de lui qu'il veuille ou même qu'il puisse changer l'ordre du monde. - La preuve par l'anecdote. On dit de Thalès qu'un soir, contemplant les astres, il tomba par mégarde dans un puits. "Il observait les astres et, comme il avait les yeux au ciel, il tomba dans un puits.

Une servante de Thrace, fine et spirituelle, le railla, dit-on, en disant qu'il s'évertuait à savoir ce qui se passait dans le ciel.

et qu'il ne prenait pas garde à ce qui était devant lui et à ses pieds." (Théétète) On dit de Socrate qu'il passait des heures, immobile, dehors, qu'il pleuve ou non, perdu dans ses pensées, comme isolé de son corps et du monde.

(Platon en parle notamment dans le Banquet). Kant, quant à lui, ne sortait jamais de sa ville Königsberg en Prusse orientale.

Tous les jours il réalisait la même balade, suivant le même chemin, et sa vie était réglée comme une horloge. Heidegger (philosophe contemporain allemand du 20è siècle) s'isolait dans le chalet qu'il avait lui même construit, dans les montagnes surplombant la ville dans laquelle il enseignait, en forêt noire. Ces quatre grandes figures de la philosophie sont là pour en témoigner : la philosophie passe par une certaine forme d'isolation du monde, d'autrui, du vacarme extérieur.

Peut-on attribuer cette attitude de détachement à un "refus" de "changer l'ordre du monde" ?. »