Philo - L’inconscient -
Publié le 02/05/2024
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«
L’inconscient
Introduction :
Il arrive parfois qu’on ait le sentiment d’être mû par une force étrangère à sa propre volonté.
Comme si, quelque chose en nous pensait et agissait à notre place.
Cette sensation étrange
semble échapper à toute explication qui s’enracinerait dans les concepts de conscience ou
de volonté.
Au contraire, c’est en faisant appel au concept d’inconscient que certaines pistes de
réflexion se tracent avec davantage d’aisance.
Or, le concept d’inconscient demeure, au
moins en ses contours, au mieux flou, au pire un non-sens.
En donner une définition positive
reste hors de notre portée pour l’instant.
En revanche, nous pourrions le définir
négativement comme l’ensemble des mécanismes et des vécus psychiques qui échappent à
la conscience.
Autrement dit, l’inconscient serait ce qui, parmi nos pensées, échappe
inévitablement au regard de la conscience.
De là, jaillit d’emblée un problème.
Comment pourrions-nous connaître l’inconscient si, par définition, il est ce qui échappe à la
conscience, et donc à toute forme de connaissance ? Comment connaître l’inconscient, s’il
échappe à notre seul moyen de connaître, à savoir la conscience ?
Ou bien, l’inconscient est intrinsèquement inconnaissable, et alors à quoi bon évoquer son
hypothèse si elle n’est pas opératoire pour expliquer le sujet ? Ou bien, l’inconscient est
connaissable, et alors on ne comprend pas en quoi il serait inconscient, puisque la
connaissance que l’on en a, témoigne d’un passage dans le domaine de la conscience ?
Ici, il y a non seulement un enjeu épistémologique, mais aussi un enjeu moral.
En effet,
comment connaitre l’intériorité d’un sujet si une partie ne lui est pas accessible ? Par
ailleurs, si le sujet n’est pas maître en se propre maison, comment le rendre responsable de
ses actes et de ses pensées ?
Pour tenter d’apporter des pistes de réflexion, nous verrons d’abord en quoi l’hypothèse
d’un inconscient peut être nécessaire et légitime ; avant d’en appréhender les limites par
une le danger d’une déresponsabilisation dangereuse du sujet.
Afin de sortir de cette aporie,
il conviendra de repenser le sujet comme libre, pour comprendre comment la mauvaise foi
peut rendre compte des phénomènes considérés comme inconscients.
I.
L’hypothèse de l’inconscient.
a.
Les limites de la conscience
La conscience apparait au premier abord comme un puissant moyen de connaitre les
mouvements internes de notre pensée et des actions de notre corps.
Or, à y regarder de plus
près, plutôt que d’y voir un pouvoir sans limite, on s’étonne de l’étroitesse des
connaissances qu’elle nous rend accessibles.
Tout d’abord, si la conscience est mémoire, comment ne pas y voir des limites tant nos
souvenirs sont vagues et lacunaires.
Ensuite, si la conscience nous fait connaître nos
pensées, combien de pensées qui nous ont traversées restent dans l’obscurité ? Quant aux
agissements de notre propre corps, combien notre connaissance de ses mécanismes
internes et de ses mouvements demeure pour nous obscure, et ce durant toute notre
existence ?
Ne faudrait-il pas mieux supposer l’existence d’un inconscient, c’est-à-dire d’une partie de
notre psychisme qui serait caché au sujet lui-même, et qui pourtant gouvernerait ses
pensées et ses actes ? Reconnaître les limites de la conscience, ne serait-il pas le premier pas
vers une véritable connaissance de ce que nous sommes ?
b.
L’hypothèse de l’inconscient est nécessaire et légitime.
On nous conteste de tous côtés le droit d'admettre un psychique inconscient et de travailler
scientifiquement avec cette hypothèse.
Nous pouvons répondre à cela que l'hypothèse de
l'inconscient est nécessaire et légitime, et que nous possédons de multiples preuves de
l'existence de l'inconscient.
Elle est nécessaire, parce que les données de la conscience sont
extrêmement lacunaires ; aussi bien chez l'homme sain que chez le malade, et il se produit
fréquemment des actes psychiques qui, pour être expliqués, présupposent d'autres actes
qui, eux, ne bénéficient pas du témoignage de la conscience.
Ces actes ne sont pas
seulement les actes manqués et les rêves, chez l'homme sain, et tout ce qu'on appelle
symptômes psychiques et phénomènes compulsionnels chez le malade ; notre expérience
quotidienne la plus personnelle nous met en présence d'idées qui nous viennent sans que
nous en connaissions l'origine, et de résultats de pensée dont l'élaboration nous est
demeurée
cachée.
Tous ces actes conscients demeurent incohérents et incompréhensibles si nous nous
obstinons à prétendre qu'il faut bien percevoir par la conscience tout ce qui se passe en nous
en fait d'actes psychiques ; mais ils s'ordonnent dans un ensemble dont on peut montrer la
cohérence, si nous interpolons les actes inconscients inférés.
Or, nous trouvons dans ce gain
de sens et de cohérence une raison, pleinement justifiée, d'aller au-delà de l'expérience
immédiate.
Et s'il s'avère de plus que nous pouvons fonder sur l'hypothèse de l'inconscient
une pratique couronnée de succès, par laquelle nous influençons, conformément à un but
donné, le cours de processus conscients, nous aurons acquis, avec ce succès, une preuve
incontestablement de l'existence de ce dont nous avons fait l'hypothèse.
L'on doit donc se
ranger à l'avis que ce n'est qu'au prix d'une prétention intenable que l'on peut exiger que
tout ce qui se produit dans le domaine psychique doive aussi être connu de la conscience.
Freud, Métapsychologie, Inconscient, paragraphe 1.
Ainsi, pour Freud, l’hypothèse de l’inconscient est nécessaire et légitime.
Nécessaire parce
que sans elle on ne peut expliquer certains phénomènes qui se produisent chez le sujet, et
pour lesquels l’hypothèse de la conscience ne suffit pas.
Légitime parce que grâce à cette
hypothèse, il devient possible d’envisager de tenter de soigner certains malades de
pathologies psychiques dont ils pourraient souffrir.
On comprend par-là que la psychanalyse ne cherche pas à nier la conscience, mais à y
accoler une théorie de l’inconscient qui viendrait la connaissance que nous pourrions avoir
du sujet.
c.
Une théorie complexe et changeante
Qu’en est-il de la théorie freudienne de l’inconscient ? Tout d’abord il faut avoir à l’esprit
que c’est une science extrêmement jeune puisqu’elle n’a qu’un peu plus d’un siècle.
Par
ailleurs, ses fondements ne sont pas encore tout à fait stables.
Prenons pour exemple la
structure psychique du sujet.
Freud, en 1900, élabore la première topique en divisant le
psychisme en 3 : l’inconscient, le préconscient et le conscient.
Puis, en 1923, il théorise la
seconde topique en distinguant cette fois le ça, le moi et le surmoi.
S’il ne s’agit pas de
rentrer ici dans le détail, on peut néanmoins constater que la psychanalyse qui est tout
entière construite sur le concept d’inconscient, ne cesse d’être en constant mouvement.
Si l’on peut constater ce phénomène d’évolution dans toutes les sciences, il n’en demeure
pas moins que la question de la scientificité de la psychanalyse demeure, encore aujourd’hui,
non résolue.
II.
L’inconscient : une théorie sans fondement et dangereuse.
a.
Que penser du sujet si en son cœur se cache un inconscient ?
La théorie de l’inconscient que défend la psychanalyse apparait comme un déterminisme.
Les hommes ne sont pas libres, puisqu’ils sont soumis à leur inconscient qui dirige en secret
leur volonté.
Que faut-il en penser ? Rappelons que la théorie de l’inconscient permet, in
fine, de soigner des personnes qui souffrent.
De ce point de vue elle est légitime.
Néanmoins, la conséquence est plutôt lourde, puisque du même coup on prive tout sujet de
liberté.
En effet, l’inconscient semble contrôler le sujet sans que ce dernier s’en aperçoive,
de sorte que lorsqu’il croit vouloir quelque chose, en réalité c’est son inconscient qui le
dirige.
Cette théorie semble donc rendre impossible toute conception d’un homme jouissant d’un
libre arbitre et pouvant se présenter aux autres comme responsable de ses actes.
b.
L’inconscient n’est pas un autre Moi maléfique.
Le freudisme, si fameux, est un art d'inventer en chaque homme un animal redoutable,
d'après des signes tout à fait ordinaires, les rêves sont de tels signes.
Mais il y a de la
difficulté sur le terme d'inconscient.
L'homme est obscur à lui-même, cela est à savoir.
Seulement il faut ici éviter plusieurs erreurs que fonde ce terme d'inconscient.
La plus grave
de ces erreurs est de croire que l'inconscient est un autre Moi, un Moi qui a ses préjugés, ses
passions et ses ruses, une sorte de mauvais ange, diabolique conseiller.
Contre quoi il faut
comprendre qu'il n'y a point de pensées en nous sinon par l'unique sujet, Je, cette remarque
est d'ordre moral.
Il ne faut pas se dire qu'en rêvant on se met à penser.
Il faut savoir que la
pensée est volontaire, tel est le principe des remords : "Tu l'as bien voulu !" On dissoudrait
ces fantômes en se disant simplement que tout ce qui n'est point pensée est corps, c'est à
dire chose soumise à ma volonté, chose dont je réponds.
L'inconscient est donc une manière
de donner dignité à son corps.
C'est une méprise sur le Moi, une idolâtrie du corps.
On a
peur de son inconscient, là se trouve logée la faute capitale.
On croit qu'un autre Moi me
conduit qui me connaît et que je connais mal.....
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