Philo: Le devoir
Publié le 17/12/2024
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«
Le devoir
Du latin debere (« être redevable, être débiteur, être obligé à »), le devoir désigne de manière
générale l’obligation 1 pour l’homme d’obéir à un ou plusieurs commandements.
Bien que l’on
parle de devoir religieux lorsqu’il s’agit de respecter les lois, le devoir désigne avant tout
l’obligation morale, c’est-à-dire la nécessité de se plier à des règles éthiques dans l’ordre de
l’action.
Il est l’acte moral par excellence, l’acte d’une volonté libre déterminée par la seule idée
du bien ou de la loi.
Agir par devoir suppose d’aller contre ses désirs égoïstes et ses sentiments
intéressés.
Faire son devoir, par exemple, c’est ne jamais mentir, ou se sacrifier pour son pays,
par exemple.
Si un être purement moral semble utopique, il n’en demeure pas moins que c’est un
idéal vers lequel tend le progrès moral, de l’animalité vers la liberté, de l’égoïsme vers
l’universel.
I- Le devoir, un effort de la volonté
1- Du bon usage de la volonté
Platon, dans La République, rapporte que Léontios, rentrant à Athènes, tomba sur des
cadavres et que malgré sa répugnance, il ne résista pas au désir de les regarder.
Chacun se reconnaît dans ce conflit intérieur entre désir et devoir, qui fait qu’on interdit ou
qu’on s’interdit le voyeurisme devant un spectacle malsain.
Il n’y a pas de devoir sans tentation : le devoir suppose une résistance à un désir, il est une
mise à l’épreuve de la volonté, et quelqu’un sans tentation ni désir ignorerait tout du devoir.
L’épreuve du devoir suppose une double nature humaine, un conflit intérieur entre une volonté
raisonnable et des désirs honteux, ce que Kant appelle une « nature intelligible » d’une part, et
une « nature pathologique » d’autre part, parce qu’elle subit les passions.
Vers 175 apr.
J.-C., Marc Aurèle se livre à un exercice spirituel reposant sur un dialogue
intérieur.
Il développe le thème de l’appropriation (oikeiosis), pensée selon laquelle chaque être
de la nature doit vivre selon sa nature propre d’être en accord avec l’ordre nécessaire du monde.
Le devoir d’un être doué de raison comme l’homme, c’est d’agir au sein de la société et non de
rester couché.
Pour le stoïcien, la place du sage n’est pas dans l’oisiveté d’une retraite isolée,
mais parmi les autres hommes, afin de remplir ses devoirs privés et publics.
L’expérience du devoir passe par le sentiment de honte, qui, négativement, définit ce qu’on
ne doit pas faire : l’enfant est honteux d’avoir menti.
Diogène le Cynique, au IVe siècle av.
J.-C.,
affirme que le sentiment de honte est le critère naturel et absolu pour différencier le bien du mal.
1
L’obligation est un devoir face auquel la volonté reste libre d’adhérer et d’obéir.
La contrainte est ce que je dois faire sous la pression d’une force extérieure.
1
L’absence de honte signale l’absence de tout « sens moral », une amoralité qui fait que l’action
n’a aucune limite, aucun interdit.
Dans Les passions de l’âme, Descartes écrit : « Je ne remarque en nous qu’une seule chose
qui nous puisse donner juste raison de nous estimer, à savoir l’usage de notre libre arbitre, et
l’empire que nous avons sur nos volontés ».
En effet, l’homme disposant librement de ses
volontés, il n’y a pas d’autres raisons pour lesquelles « il doive être loué ou blâmé sinon pour ce
qu’il en use bien ou mal ».
Autrement dit, la valeur morale de nos actions est fonction du bon
usage de notre volonté, car il ne suffit pas d’avoir l’esprit bon, mais ce qui essentiel et principal
c’est de bien l’appliquer.
Dans la première section des Fondements de la métaphysique des mœurs, Kant distingue
entre les actions accomplies par devoir, qui seules ont une « valeur morale », et les actions
conformes au devoir, qui sont accomplies par inclination et sont en quelque sorte
accidentellement morales.
Par exemple, le marchand qui fait payer le même prix à tous ses
clients accomplit une action seulement conforme au devoir, car il agit par intérêt (fidéliser sa
clientèle) et non par probité (souci d’égalité).
Pour Kant, tout repose sur la maxime de nos
actions, c’est-à-dire le motif d’après lequel nous les décidons.
En effet, « une action accomplie
par devoir tire sa valeur morale non pas du but qui doit être atteint par elle, mais de la maxime
d’après laquelle elle est décidée », c’est-à-dire « du principe du vouloir d’après lequel l’action est
produite ».
C’est pourquoi, « de tout ce qu’il est possible de concevoir dans le monde, et même
en général hors du monde, il n’est rien qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n’est
une bonne volonté ».
II- L’impératif catégorique ou la loi morale
Dans la deuxième section des Fondements de la métaphysique des mœurs, Kant poursuit le
raisonnement précédent sur la « valeur morale » de nos actions, et en déduit que « le devoir est la
nécessité d’accomplir une action par respect pour la loi ».
Dès lors, la valeur morale de l’action
réside dans la « volonté seule » en tant que « volonté d’un être raisonnable » capable de se
représenter la loi en elle-même et d’en faire le principe déterminant de sa volonté, et non dans
l’effet qu’on en attend.
Cette loi c’est le principe objectif du devoir en tant qu’il formule un
« impératif catégorique » qui s’énonce ainsi : « Agis comme si la maxime de ton action devrait
être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature ».
Et comme les êtres raisonnables sont
appelés des personnes, c’est-à-dire que leur nature les désigne comme des fins en soi, l’impératif
catégorique peut se formuler ainsi : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans
ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais
simplement comme un moyen ».
.
L’impératif est catégorique parce qu’il est sans condition.
Il est absolu, « inconditionné », et
aucune excuse ne doit m’en empêcher.
Dès lors que je commence à calculer les avantages et les
inconvénients de mon action, mon intérêt ou les circonstances, j’en fais un impératif soumis à
conditions, un « impératif hypothétique » : je travaillerai si je suis bien payé ; je rendrai ce qu’on
2
m’a prêté, sinon son propriétaire portera plainte contre moi.
Alors qu’agir par devoir, c’est suivre
la maxime « je dois travailler », ou « je dois rendre ce qu’on m’a prêté », sans calcul ni
condition, sans même m’interroger sur les conséquences peut-être néfastes de mon acte vertueux
(« je serai peut-être arrêté si je dis la vérité »).
Le devoir est désintéressé.
III- Entre dilemmes moraux et devoirs inconditionnés
Tous les jours, l’homme est confronté à des situations face auxquelles il doit faire des choix,
prendre des décisions.
Il pourrait sembler dans certaines de ces situations que les devoirs entrent
en conflit, de manière à ce qu’il devienne difficile pour nous de régler ces dilemmes a priori, par
des principes généraux.
Comment donc trancher quand nous sommes face à des devoirs qui
semblent s’opposer les uns aux autres?
Selon Kant, les devoirs ne peuvent pas être conflictuels, quels que soient les cas envisagés.
Par exemple, dire la vérité est un devoir universalisable, tandis que mentir ne l’est pas.
Il n’est
donc pas moral selon lui de mentir à des assassins qui cherchent à tuer un de nos amis, car le
mensonge est une injustice faite à l’humanité tout entière.
« Le mensonge, écrit-il, nuit toujours à
autrui : même s’il ne nuit pas à un autre homme, il nuit à l’humanité en général et il rend vaine
la source du droit ».
Cependant, il est souvent impossible d’universaliser nos devoirs, dit Jean-Paul Sartre.
En
effet, les valeurs n’existent pas en dehors de l’engagement des hommes.
Il s’ensuit qu’il n’existe
pas de principes moraux universels applicables en toute situation.
Les dilemmes moraux
montrent bien que certains devoirs sont conflictuels et qu’en dernière instance, c’est l’individu
lui-même qui va inventer ses propres valeurs.
(Lire le texte de Sartre concernant les dilemmes
moraux, extrait de L’existentialisme est un humanisme).
Les dilemmes moraux peuvent être réglés, selon Thomas d’Aquin, par l’élaboration de la
doctrine du double effet.
Dans certaines situations et à certaines conditions, il est possible,
voire permis de commettre des actions dont les conséquences sont à la fois bonnes et mauvaises
si les bonnes sont voulues et les....
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