Philo commentaire Bertrand Russel: La lutte contre le dogmatisme
Publié le 12/11/2024
Extrait du document
«
Philo commentaire Bertrand
Russel :
La lutte contre le dogmatisme constitue un élément fondamental de la démarche
philosophique, et c'est précisément ce qui lui confère sa valeur.
Ce texte aborde
le thème de la valeur de la philosophie, de l'intérêt qu'elle suscite et du doute
qu'elle engendre dans la quête de la vérité.
La thèse, quelque peu paradoxale,
défendue par Russell, est que la valeur de la philosophie réside dans son
incertitude.
L'esprit philosophique, ouvert à l'incertitude, trouve paradoxalement
sa force dans la réflexion sur la vérité.
L'argumentation se déploie en trois temps.
Tout d'abord, la thèse est clairement énoncée dans la première phrase : « …c'est
dans son incertitude même que réside largement la valeur de la philosophie ».
La
section suivante (lignes 2 à 6) oppose deux types d'individus.
Russell décrit un
individu totalement indifférent aux exigences philosophiques, soulignant les
conséquences de cette attitude : une certitude subjective et un mépris.
En
contraste, il présente un autre type d'individu, doté d'une sensibilité
philosophique, ce qui engendre des résultats opposés.
Enfin, la dernière partie du
texte (lignes 6 à la fin) aborde l'intérêt de la philosophie.
Au-delà du doute et de
l'incertitude, elle nous offre une nouvelle perspective sur le monde, ouvrant ainsi
une voie vers la libération.
Dès le début, la thèse de l'auteur se présente comme un slogan, voire une
formule provocatrice.
Il semble en effet y avoir une contradiction entre l'idée de
« valeur » et celle d'« incertitude ».
En général, la valeur d'un objet ou d'une
idée est quelque chose que l'on peut mesurer : utilité, prix, valeur des
connaissances (comme en science) ou attrait esthétique.
Pourtant, pour Russell,
ce qui confère de la valeur à la philosophie, c'est « son incertitude même ».
Cette
affirmation est profondément paradoxale, car elle contredit l'idée reçue selon
laquelle le philosophe serait une personne riche en connaissances.
Que signifie
alors cette « valeur », qui semble, à première vue, purement négative ? Quelle
valeur peut revêtir l'attitude sceptique, le doute, l'incertitude ?
Examinons la situation de celui qui n'a jamais été en contact avec la philosophie.
Pour s'engager avec la philosophie, il est nécessaire d'avoir, au moins une fois,
été confronté aux questions qu'elle soulève.
Cette expression fait référence à une
expérience ou une sensibilité philosophique, même en l'absence de formation
formelle ou de cours de philosophie.
Chacun peut développer une affinité pour la
démarche philosophique en se laissant interpeller par des interrogations
inhabituelles et en restant attentif aux autres et au monde dans ses aspects
surprenants.
À l'inverse, sans cette ouverture, on demeure « prisonnier des préjugés du sens
commun ».
Le « sens commun » désigne les opinions ordinaires et largement
acceptées dans une société, souvent acceptées sans un examen critique.
Il
englobe les représentations sociales les plus répandues, qui servent de cadres de
référence et d'action, élaborés par les individus et validés par le groupe.
Ces
représentations, souvent qualifiées de « croyances » ou de « convictions »,
résultent de processus de catégorisation et engendrent fréquemment des
stéréotypes et des préjugés.
Préjuger signifie « juger à l'avance », « porter un jugement avant ».
Ainsi, le
préjugé est un jugement hâtif, sans une évaluation préalable adéquate, et sans
fondement solide.
Il repose sur une généralisation excessive.
Bien qu'il s'agisse
souvent d'une évaluation négative, ce n'est pas toujours le cas : par exemple,
l'affirmation « les personnes en surpoids sont sympathiques » constitue
également un préjugé.
Ces convictions issues du sens commun nous enferment
dans des idées préconçues.
De telles idées ne tiennent pas compte de la complexité et de la diversité du réel.
Elles peuvent sembler confortables et rassurantes, mais elles s'éloignent d'une
approche lucide et réaliste du monde.
Ces conceptions, influencées par notre
milieu social d'origine, notre culture et la période historique dans laquelle nous
vivons, sont « contingentes », c'est-à-dire qu'elles dépendent du temps et du
lieu, qui sont totalement accidentels ; elles ne possèdent pas la nécessité ni
l'universalité que l'on pourrait attendre des vérités fondées sur la raison.
Celui
qui ignore les exigences de la philosophie évolue dans un « monde limité, qui
tend à devenir défini, fini, évident ».
Il pense pouvoir catégoriser et circonscrire
chaque élément.
Dans ce monde, chaque chose occupe sa place.
L'ordre règne, et les repères de
l'existence sont fixes : le monde est fini, enfermé dans des limites strictes.
Il ne
soulève aucun problème (autre que pratique) et ne pose aucune question.
Ainsi,
tout semble « évident », et celui qui n'a pas de lien avec la philosophie ne se
rend pas compte que cette évidence peut être illusoire.
Il se montre hostile à
tout ce qui pourrait perturber son quotidien, ses habitudes et ses idées
préconçues, n'étant pas ouvert à ce qui lui est étranger : « Les possibilités peu
familières sont rejetées avec mépris.
» L'idée qu'une personne puisse être
homosexuelle, vivre selon un autre modèle de vie ou suivre les préceptes d'une
religion différente peut lui sembler intolérable.
En revanche, la situation change pour ceux qui sont prêts à adopter une
perspective philosophique, au sens large – car Russell ne fait pas référence ici
aux spécialistes qui exercent la philosophie comme profession.
Il devient alors
évident que « même les aspects les plus banals de la vie quotidienne soulèvent
des questions auxquelles nous n'avons que des réponses partielles : « Pourquoi
ressent-on parfois de la mélancolie ou de la joie sans raison apparente ? » «
Pourquoi est-il si ardu de changer les choses, d'altérer les situations ? » En
somme, tout ce qui nous arrive au quotidien peut éveiller des interrogations
d'ordre philosophique, nous confrontant à des questions complexes sur lesquelles
il est difficile de se prononcer avec certitude.
Ainsi, on pourrait conclure que la philosophie mène au scepticisme, c'est-à-dire à
un doute généralisé et à l'idée que nos connaissances ne possèdent pas de
garanties suffisantes de vérité.
Il est vrai qu'elle ne nous offre pas « de manière
certaine la solution aux doutes qu'elle suscite ».
Cependant, il est essentiel de
comprendre que ces doutes ne résultent pas uniquement d'une faiblesse de
l'esprit humain, de son incapacité à appréhender tout ce qui l'entoure.
Ils
émanent de la réalité elle-même : c'est celle-ci qui est complexe et paradoxale.
Le doute devient alors un signe d'ouverture, se manifestant lorsque l'on a la
force d'affronter le vertige de la vérité.
En effet, la vérité n'est pas une simple «
évidence » ; elle....
»
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