Philippe Audoin écrit dans son ouvrage sur Breton (1970) : «Breton assignait au surréalisme l'objectif - suspect aux politiques comme aux philosophes - de contribuer à la formation d'un nouveau mythe. Il ne s'agissait certes pas d'agencer de toutes pièce
Extrait du document
Après avoir rappelé qu'il faut démolir les églises, Breton, dans une Dédicace à Armand Hoog. écrivait: « Vive le mythe nouveau ! ». se révélant ainsi parfaitement conscient de l'aspect mythique de son œuvre, de sa volonté de retour aux grandes sources collectives de l'humain. Rompant avec la pensée classique, trop abstraitement universaliste pour être mythique, comme avec la pensée romantique, à la fois trop individualiste et trop limitée à l'historique pur, Breton poursuivait une fois de plus les recherches du symbolisme en prétendant fournir des mythes à notre usage, — des mythes, c'est-à-dire des figures, des « paroles » (suivant la définition de Roland Barthes) se tenant à égale distance :
• de la rêverie (le mythe s'appuie sur un objet - le Graal — ou une personne - Œdipe — et n'est donc pas une pure plongée dans le monde intérieur.): • du symbole (le mythe est beaucoup moins décryptable qu'un symbole, on ne lui trouve jamais un sens précis, on quête indéfiniment le Graal): • du thème (le thème est littéraire alors que le mythe prend appui sur une collectivité, le mythe n'est jamais mythe d'un seul individu, mais, allant de la collectivité à l'individu et vice-versa, le mythe stimule rêverie, symbole, thème). Cependant, en prétendant créer des mythes nouveaux, Breton ne se heurte-t-il pas à une antinomie : un mythe est une très vieille « parole », où l'humanité se reconnaît depuis longtemps et qu'elle peut charger de significations nouvelles. Philippe Audoin voit bien qu'il n'était pas question pour Breton de fabriquer de toutes pièces un mythe nouveau, mais il prétend qu'à défaut de mythe vraiment neuf Breton a retendu les ressorts de la pensée mythique et par là contribue à la formation espérée d'un nouveau mythe. Que la pensée de Breton soit mythique, ceci est à peu près évident et c'est ce qu'il nous faudra rappeler d'abord. Peut-être nous apparaîtra-t-il alors que dans sa recherche d'un mythe Breton a échoué, mais que finalement, dépassant le psychologique pour se perdre dans le métaphysique, il a imposé la grande trilogie mythique du surréalisme : l'Amour, la Liberté, la Poésie.
«
Philippe Audoin écrit dans son ouvrage sur Breton (1970) : «Breton assignait au surréalisme l'objectif — suspect aux
politiques comme aux philosophes — de contribuer à la formation d'un nouveau mythe.
Il ne s'agissait certes pas
d'agencer de toutes pièces et d'imposer un tel mythe (pareille ambition supposerait un contresens complet quant au
mode d'élaboration des mythes, autant prétendre préfabriquer un rêve...) mais d'appeler sans relâche l'attention sur
certains thèmes de revendication à racines profondes, de façon à remettre en action les ressorts, de nos jours
distendus, de la pensée mythique.
» Qu'en pensez-vous ?
Réflexion préliminaire
Les recherches sur les mythes sont à la mode et on ne peut plus guère faire d'esthétique littéraire actuellement
sans s'y être initié: on consultera entre autres le livre de Roland Derche, Quatre mythes poétiques : Œdipe.
Narcisse, Psyché, Lorelei (S.
E.
D.
E.
S., 1962), les travaux de Pierre Alhouy Mythes et mythologie dans la
littérature française (Colin, 1970), de Pierre Brunei, Le Mythe d'Electre (Colin, 1971) et le numéro spécial r/Esprit
(avril 197II, Le Mythe aujourd'hui.
Introduction
Après avoir rappelé qu'il faut démolir les églises, Breton, dans une Dédicace à Armand Hoog.
écrivait: « Vive le
mythe nouveau ! ».
se révélant ainsi parfaitement conscient de l'aspect mythique de son œuvre, de sa volonté de
retour aux grandes sources collectives de l'humain.
Rompant avec la pensée classique, trop abstraitement
universaliste pour être mythique, comme avec la pensée romantique, à la fois trop individualiste et trop limitée à
l'historique pur, Breton poursuivait une fois de plus les recherches du symbolisme en prétendant fournir des mythes à
notre usage, — des mythes, c'est-à-dire des figures, des « paroles » (suivant la définition de Roland Barthes) se
tenant à égale distance :
• de la rêverie (le mythe s'appuie sur un objet - le Graal — ou une personne - Œdipe — et n'est donc pas une pure
plongée dans le monde intérieur.):
• du symbole (le mythe est beaucoup moins décryptable qu'un symbole, on ne lui trouve jamais un sens précis, on
quête indéfiniment le Graal):
• du thème (le thème est littéraire alors que le mythe prend appui sur une collectivité, le mythe n'est jamais mythe
d'un seul individu, mais, allant de la collectivité à l'individu et vice-versa, le mythe stimule rêverie, symbole, thème).
Cependant, en prétendant créer des mythes nouveaux, Breton ne se heurte-t-il pas à une antinomie : un mythe est
une très vieille « parole », où l'humanité se reconnaît depuis longtemps et qu'elle peut charger de significations
nouvelles.
Philippe Audoin voit bien qu'il n'était pas question pour Breton de fabriquer de toutes pièces un mythe
nouveau, mais il prétend qu'à défaut de mythe vraiment neuf Breton a retendu les ressorts de la pensée mythique et
par là contribue à la formation espérée d'un nouveau mythe.
Que la pensée de Breton soit mythique, ceci est à peu
près évident et c'est ce qu'il nous faudra rappeler d'abord.
Peut-être nous apparaîtra-t-il alors que dans sa
recherche d'un mythe Breton a échoué, mais que finalement, dépassant le psychologique pour se perdre dans le
métaphysique, il a imposé la grande trilogie mythique du surréalisme : l'Amour, la Liberté, la Poésie.
I Une pensée mythique
1 Le refus des mythes aliénants.
Breton est tellement obsédé par les mythes que sa pensée ne peut progresser que
par démythification (ce qui est selon lui la meilleure forme de la démystification) :
• démythification du travail (l'apologie du travail pour le travail lui semble être un mythe également bourgeois et
prolétarien (cf.
Nadja, p.
77): il ne faut pas confondre, selon lui, le travail qui opprime le prolétaire avec la nécessité
de libérer ce prolétaire d'un travail écrasant et abrutissant):
• démythification du péché originel (Breton est opposé à la religion d'une manière quasi obsessionnelle parce qu'il y
voit une condamnation des instincts profonds de l'homme et de toutes les tentatives pour le libérer);
• démythification de la littérature et de la culture envisagées dans une perspective purement esthétique et comme
soutien des valeurs d'une société.
Breton s'attaque à tous les mythes susceptibles de détourner l'homme de la
véritable action, de lui faire manquer son destin.
2 La réinterprétation des mythes anciens.
Assez paradoxalement pour un ennemi de la culture traditionnelle et
humaniste.
Breton reprend et réinterprète un certain nombre de mythes anciens, fort concrets comme par exemple :
• le mythe de Samson et Dalila.
Traditionnellement ce mythe exprime la trahison féminine.
Breton en fait un mythe
de la séduction (cf.
l'intérêt qu'il attache aux yeux de Dalila, Les Vases communicants, p.
91) dans la perspective
non plus de la mutilation et du regret, mais de l'espoir et de l'enrichissement, bref de la rencontre;
• le mythe de Diomède.
En montrant dans l'Iliade Aphrodite blessée par Diomède, Homère voulait, suggérer que les
dieux étaient soumis à la passion comme les hommes, victimes comme eux de la grande Fatalité.
En reprenant ce
mythe (L'Amour fou, p.
110), Breton veut signifier que l'amour doit être atteint dans sa chair, que lui, qui se situait
hors du temps, doit rencontrer le Temps, sous la forme de la Discorde;
• le mythe de Mélusine.
C'est le mythe de la femme qui cache un secret, le secret de sa métamorphose périodique
en serpent.
Breton le réemploie dans Arcane 17, non plus pour condamner la femme, mais pour lui assigner un rôle —
celui d'intercesseur — en montrant son caractère double, tourné à la fois vers la nature et vers l'esprit:
• le mythe de la quête.
Breton reprend le grand mythe de la quête, une quête qui ne vise pas à modifier le passé
(Perceval recherche un secret perdu, veut réparer son erreur de n'avoir pas posé la question qui aurait guéri le Roi
pécheur et libéré son pays), mais à rejoindre un avenir imprévu et imprévisible : c'est ainsi qu'il erre indéfiniment.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Dans une page demeurée célèbre du Manifeste du surréalisme, André Breton écrit à propos des romanciers et de leurs oeuvres : « Le caractère circonstanciel, inutilement particulier, de chacune de leurs notations, me donne à penser qu'ils s'amusent à mes d
- Un critique écrit: « La littérature n'a pas pour vocation de se mêler des débats politiques ou sociaux. À vouloir jouer ce rôle, elle se pervertit et ne parvient même pas à être efficace ». Ce jugement vous paraît-il fondé ? Vous appuierez votre réflexion
- La Bruyère écrit dans la Préface des Caractères : « Je rends au public ce qu'il m'a prêté; j'ai emprunté de lui la matière de cet ouvrage. » En concluriez-vous que l'ouvrage de La Bruyère est un livre d'observation rigoureusement impersonnel et que rien
- Sujet de dissertation : La Peau de chagrin est un roman fantastique , classé dans les Études philosophiques, et écrit par un écrivain que la tradition classe parmi les réalistes. Comment qualifieriez-vous La Peau de chagrin ?
- Correction de l’explication d’un texte de Hobbes Extrait tiré de l’ouvrage Le Citoyen ou Les Fondements de la politique, 1642