Peut-on voir dans l'oubli un échec de la mémoire ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
OUBLI: Fait qu'un souvenir ne soit pas rappelé ou ne puisse l'être.
MÉMOIRE: 1.
— Faculté de se souvenir ; ensemble des fonctions psychiques par lesquelles nous pouvons nous
représenter le passé comme passé ; BERGSON distingue la mémoire-habitude qui naît de la répétition d'une action et
s'inscrit dans le corps, de la mémoire-souvenir qui, coextensive à la conscience, en retient tous les états au fur et à
mesure qu'ils se produisent.
2.
— Faculté gén.
de conserver de l'information.
3.
— Au sens concret, désigne tout ce
qui est capable de conserver de l'information, et, en part., les organes des ordinateurs ayant cette fonction.
éléments de réflexion
• Distinguer rétention (le fait de « retenir ») et rappel (le fait de se souvenir dans telle ou telle situation (appropriée
ou non).
• Parler d'échec de « la mémoire », cela ne signifie-t-il pas implicitement que l'on se place dans le cadre d'une
psychologie des facultés qui est loin d'aller de soi...?
• On peut se demander s'il n'est pas nécessaire d'oublier (de ne pas « retenir » ou de ne pas « se souvenir ») de
tout à tout moment.
Cf.
à cet égard, les réflexions de Bergson.
• Prendre en compte (sur un certain plan et selon un certain plan) les mises en garde de Nietzsche.
Selon
Nietzsche, la personnalité saine « agit » ses réactions, tandis que la personnalité décadente (et malheureuse pleine
de fiel, de vengeance et de res-sentiment) ne sait pas littéralement ré-agir mais res-sent.
L'explication de ce
phénomène est à rechercher dans un trouble fondamental de la mémoire.
Selon Nietzsche, l'équilibre psychique dépend de la coopération entre trois instances essentielles :
— l'inconscient réactif, qui est la mémoire des traces (« appareil végétatif et ruminant ») ;
— la conscience, qui permet l'adaptation de la réaction à l'excitation présente en « agissant » la réaction ellemême;
— la faculté d'oubli, qui n'est pas une simple « force d'inertie » mais une force plastique, régénératrice et curative,
grâce à laquelle les traces mnésiques de l'inconscient réactif sont repoussées en dehors du champ de la conscience.
Autrement dit, selon Nietzsche, si l'individu est englué dans les traces mnésiques de sa mémoire réactive, il est livré
au jeu des impressions sensibles et il se révèle incapable de vouloir.
Alors la réalité n'est plus pour lui ce qui peut
aiguillonner sa volonté mais ce qui torture sa sensibilité.
Il ne ré-agit plus mais il ressent (dans le res-sentiment).
citation
Nietzsche : « Tout acte exige l'oubli, comme la vie des êtres organiques exige non seulement la lumière mais aussi
l'obscurité.
Un homme qui ne voudrait rien voir qu'historiquement serait pareil à celui qu'on forcerait à s'abstenir de
sommeil ou à l'animal qui ne devrait vivre que de ruminer et de ruminer sans fin.
Donc, il est possible de vivre
presque sans souvenir et de vivre heureux, comme le démontre l'animal, mais il est impossible de vivre sans oublier.
Ou plus simplement encore, il y a un degré d'insomnie, de rumination, de sens historique qui nuit au vivant et qui
finit par le détruire, qu'il s'agisse d'un homme, d'une nation ou d'une civilisation.
»
« Cet animal nécessairement oublieux, pour qui l'oubli est une force et la manifestation d'une santé robuste s'est
créé une faculté contraire, la mémoire, par quoi, dans certains cas, il tiendra l'oubli en échec, — à savoir dans les
cas où Il s'agit de promettre : il ne s'agit donc nullement de l'impossibilité purement passive de se soustraire à
l'impression une fois reçue, ou du malaise que cause une parole une fois engagée et dont on n'arrive pas à se
débarrasser, mais bien de la volonté active de garder une impression, d'une continuité dans le vouloir, d'une
véritable mémoire de la volonté.
»
lecture
G.
Deleuze, Nietzsche et la philosophie (PUF).
plan indicatif
1.
Se demander ce qu'on peut appeler oubli et opérer notamment un certain nombre de distinctions à cet égard qui
peuvent spécifier les réponses à la question posée (telle qu'elle est libellée).
2.
Éprouver la validité d'une psychologie des facultés et replacer l'oubli dans l'ensemble du fonctionnement de la
personnalité (ou de la personne).
3.
Se demander en quoi et à quelle(s) condition(s) on peut considérer l'oubli comme un échec (et/ou) une nécessité
(paradoxalement salvatrice).
§ 1.
Position du problème.
»
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