Peut-on vivre sans passions ?
Extrait du document
«
La passion a été pendant longtemps tenue pour négative.
L'étymologie même du terme a une connotation négative.
Le terme passion en effet du latin patior, pati qui signifie souffrir, pâtir.
Les passions semblent donc s'opposer à
nous de manière involontaire.
La tradition philosophie les a souvent vues comme un obstacle à la liberté.
La question
semble sous ce jour paradoxale puisque la majorité des philosophes ont conseillé et essayé de vivre sans passion.
Mais justement si beaucoup ont essayé, c'est peut être parce que l'homme est un être de passion et qu'il est
impossible pour lui de s'en débarrasser.
La passion n'a-t-elle pas un aspect positif? N'a-t-il pas autre chose à faire
avec les passions que de vouloir les supprimer?
La passion est aliénation et doit être supprimée
La passion désigne une affection durable de la conscience, qui s'installe et se fait centre de tout.
Des philosophes,
tels que Descartes ou Platon, situe la passion comme causé par le corps et l'oppose à la raison.
Ils voient donc dans
la passion la servitude et la souffrance de l'homme.
"La passion [est] comme un poison avalé ou une infirmité
contractée : elle a besoin d'un médecin." Kant (Anthropologie d'un point de vue pragmatique)
Dès le début de la philosophie, les auteurs ont essayé de vivre sans passion.
Ainsi les stoïciens considéraient les
passions comme des maladies de l'âme.
Pour eux les hommes qui sont en proie au désir et à la passion ne sont pas
des hommes libres.
Les passions sont des jugements erronés dus à l'ignorance ou au mépris de la raison et
caractérisent une âme faible.
Epictète affirmait que "la reconnaissance de la nécessité fait passer du régime de la
passion à celui de la raison, de l'ignorance à la connaissance." Le sage donc tel que le voient les stoïciens doit être
indifférent aux désirs et aux passions
" La passion est un ébranlement de l'âme opposé à la droite raison et contre nature" Cicéron
L'homme est passion
Pourtant il ne semble pas si facile de se défaire d'une passion et c'est peut être pour cela qu'un grand nombre de
philosophes a essayé de montrer une voie pour y arriver.
C'est que la passion est inhérente à la nature humaine.
La réhabilitation des passions commence avec Descartes pour qui "elles sont toujours bonnes de leur nature", étant
donné qu'elles ont une fonction naturelle qui est de "disposer l'âme a vouloir les choses que la nature nous dicte
utiles et à persister en cette volonté" (Traité des passions)
De plus avec Hegel, la passion perd son caractère passif pour devenir une énergie spirituelle.
En effet, toute
l'énergie du vouloir y est rassemblée en un but.
Le vouloir tend à une fin unique et y subordonne tout.
Or c'est à ce
prix que l'individu quelque chose de valable "l'homme qui produit quelque chose de valable y met toute son énergie".
Prise dans ce sens , la passion est créatrice de l'histoire et de l'avenir.
Sans elles, aucune action ne serait
accomplie, elles sont le moteur de l'histoire.
"Nous devons dire d'une façon générale que rien de grand ne s'est
accompli dans le monde sans passion" (Hegel, Leçons sur la philosophie de l'histoire).
La passion a souvent été méprisée comme une chose qui est plus ou moins
mauvaise.
Le romantisme allemand et, en particulier, Hegel restituent à la
passion toute sa grandeur.
Dans une Introduction fameuse (« La Raison
dans l'histoire ») à ses « Leçons sur la philosophie de l'histoire » publiées après sa mort à partir de manuscrits de l'auteur et de notes prises
par ses auditeurs -, on peut lire (trad.
Kostas Papaioannou, coll.
10118):
« Rien ne s'est fait sans être soutenu par l'intérêt de ceux qui y ont participé.
Cet intérêt nous l'appelons passion lorsque, écartant tous les autres intérêts
ou buts, l'individualité tout entière se projette sur un objectif avec toutes les
fibres intérieures de son vouloir et concentre dans ce but ses forces et tous
ses besoins.
En ce sens, nous devons dire que rien de grand ne s'est accompli
dans le monde sans passion.
»
L'histoire est en apparence chaos et désordre.
Tout semble voué à la
disparition, rien ne demeure : « Qui a contemplé les ruines de Carthage, de
Palmyre, Persépolis, Rome, sans réfléchir sur la caducité des empires et
des hommes, sans porter le deuil de cette vie passée puissante et riche ? Ce
n'est pas comme devant la tombe des êtres qui nous furent chers, un deuil
qui s'attarde aux pertes personnelles et à la caducité des fins particulières:
c'est le deuil désintéressé d'une vie humaine brillante et civilisée.
»
L'histoire apparaît comme cette « vallée des ossements » où nous voyons les
réalisations «les plus grandes et les plus élevées rabougries et détruites par les passions humaines », «l'autel sur
lequel ont été sacrifiés le bonheur des peuples, la sagesse des Etats et la vertu des individus ».
Elle nous montre les
hommes livrés à la frénésie des passions, poursuivant de manière opiniâtre des petits buts égoïstes, davantage mus
par leurs intérêts personnels que par l'esprit du bien.
S'il y a de quoi être triste devant un tel spectacle, faut-il,
pour autant, se résigner, y voir l'œuvre du destin ? Non, car derrière l'apparence bariolée des événements se dévoile
au philosophe une finalité rationnelle : l'histoire ne va pas au hasard, elle est la marche graduelle par laquelle l'Esprit
parvient à sa vérité.
La Raison divine, l'Absolu doit s'aliéner dans le monde que font et défont les passions, pour
s'accomplir.
Telle est: « la tragédie que l'absolu joue éternellement avec lui-même: il s'engendre éternellement dans
l'objectivité, se livre sous cette figure qui est la sienne propre, à la passion et à la mort, et s'élève de ses cendres à
la majesté»..
»
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