Peut-on vivre heureux dans la solitude ?
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«
Définition des termes du sujet:
Heureux, heureuse: Qui jouit du bonheur, qui est durablement content de son sort.
POUR DÉMARRER
Est-il possible d'atteindre un état de satisfaction complète et de plénitude dans la solitude, c'est-à-dire l'isolement momentané ou durable, en ayant peu de contacts avec autrui ? L'homme, fait pour être solitaire ou solidaire ? La
solitude est sainte, disait Vigny.
Mais bien des penseurs voient dans l'homme un animal politique ou civique, ne pouvant être heureux dans la solitude (Aristote).
CONSEILS PRATIQUES
Réfléchissez sur le bonheur, distinct de la joie et du plaisir.
Le bonheur est repos de l'homme et suffisance en soi-même.
Définissez avec précision la solitude, qui peut être physique, mais aussi morale, comme état de séparation
de l'homme.
N'oubliez pas enfin que c'est dans la solitude face à Dieu que les ermites et certaines organisations religieuses recherchent le bonheur.
BIBLIOGRAPHIE
ARISTOTE, Politiques, Garnier-Flammarion.
R.
MISRAHI, Le bonheur, Hatier.
R.
POLIN, Le bonheur considéré comme l'un des beaux-arts, PUF.
PREMIERE CORRECTION
Définition et problématique :
Vivre heureux dans la solitude signifierait pouvoir se passer d'autrui.
L'homme est-il capable de vivre sans autrui et de ne pas en souffrir ? Est-il possible d'atteindre un état de satisfaction complète et de plénitude dans la solitude, c'est-à-dire l'isolement momentané ou durable, en ayant peu
de contacts avec autrui ? L'homme, fait pour être solitaire ou solidaire ? La solitude est sainte, disait Vigny.
Mais bien des penseurs voient dans l'homme un animal politique ou civique, ne pouvant être heureux dans la solitude
(Aristote).
I – Solitude et méconnaissance
Rousseau nous explique que les hommes étaient à l'origine capables de vivre dans un cercle social très restreint mais que cela était dû au fait qu'ils ne connaissaient pas autre chose.
La solitude serait alors subie même si
elle semblait acceptable.
L'homme était seul au milieu du genre humain par méconnaissance.
Rousseau, Essai sur l'origine des langues :
« Comment souffrirais-je en voyant souffrir un autre si je ne sais pas même qu'il souffre, si j'ignore ce qu'il y a de commun entre lui et moi ? Celui qui n'a jamais réfléchi ne peut être ni clément ni juste ni pitoyable : il ne peut
pas non plus être méchant et vindicatif.
Celui qui n'imagine rien ne sent que lui-même ; il est seul au milieu du genre humain.
La réflexion naît des idées comparées, et c'est la pluralité des idées qui porte à les comparer.
Celui qui ne voit qu'un seul objet n'a point de comparaison à faire.
Celui qui n'en voit qu'un petit nombre et toujours les mêmes
depuis son enfance ne les compare point encore, parce que l'habitude de les voir lui ôte l'attention nécessaire pour les examiner.
[...]
Appliquez ces idées aux premiers hommes, vous verrez la raison de leur barbarie.
N'ayant jamais rien vu que ce qui était autour d'eux, cela même ils ne le connaissaient pas ; ils ne se connaissaient pas eux-mêmes.
Ils
avaient l'idée d'un père, d'un fils, d'un frère, et non pas d'un homme.
Leur cabane contenait tous leurs semblables.
[...]
Tous leurs sentiments concentrés entre leurs proches en avaient plus d'énergie.
Tout ce qu'ils connaissaient leur était cher.
Ennemis du reste du monde, qu'ils ne voyaient point et qu'ils ignoraient, ils ne haïssaient que ce
qu'ils ne pouvaient connaître.»
II - La construction de soi-même avec et face aux autres
1)
Je me vois dans le regard d'autrui
Le regard d'autrui nous donne une image de nous-mêmes.
Il est ainsi un élément qui nous donne une identité.
Sartre, L'Etre et le Néant :
« J'ai honte de ce que je suis.
La honte réalise donc une relation intime de moi avec moi : j'ai découvert par la honte un aspect de mon être.
Et pourtant, bien que certaines formes complexes et dérivées de la honte puissent
apparaître sur le plan réflexif, la honte n'est pas originellement un phénomène de réflexion.
[...] La honte dans sa structure est honte devant quelqu'un.
»
2)
Exister, c'est s'affirmer face à l'autre
Pour Hegel, l'affirmation de chacun passe par l'opposition à autrui.
Hegel, Phénoménologie de l'Esprit :
« Ce qui pour elle [la conscience de soi] est autre chose, est, en tant qu'objet inessentiel, marqué du caractère négatif.
Mais l'autre est aussi une conscience de soi ; un individu se présente face à un autre individu.
Et se
présentant face à face ainsi immédiatement, ils sont l'un pour l'autre à la manière d'objets communs ; figures, personnages autonomes, consciences abîmées dans l'être de la vie – car c'est en tant que vie ici que l'objet qui est
s'est déterminé – qui n'ont pas encore accompli l'une pour l'autre le mouvement de l'abstraction absolue, qui consiste à anéantir tout être immédiat.
»
III – Nous ne vivons jamais seuls
1)
Autrui n'est jamais absent
Nous existons dans le monde qui nous entoure.
Donc, les autres font partie de notre environnement et de notre existence.
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception :
« L'objectivation de chacun par le regard de l'autre n'est ressentie comme pénible que parce qu'elle prend la place d'une communication possible.
Le regard d'un chien sur moi ne me gêne guère.
Le refus de communiquer est
encore un mode de communication.
La liberté protéiforme, la nature pensante, le fond inaliénable, l'existence non qualifiée, qui en moi et en autrui marque les limites de toute sympathie, suspend bien la communication, mais ne
l'anéantit pas.
Si j'ai affaire à un inconnu qui n'a pas encore dit un seul mot, je peux croire qu'il vit dans un autre monde où mes actions et mes pensées ne sont pas dignes de figurer.
Mais qu'il dise un mot, ou seulement qu'il ait un
geste d'impatience, et déjà il cesse de me transcender : c'est donc là sa voix, ce sont là ses pensées, voilà donc le domaine que je croyais inaccessible.
Chaque existence ne transcende définitivement les autres que quand elle
reste oisive et assise sur sa différence naturelle.
Même la méditation universelle qui retranche le philosophe de sa nation, de ses amitiés, de ses partis pris, de son être empirique, en un mot du monde, et qui semble le laisser
absolument seul, est en réalité acte, parole, et par conséquent dialogue.
Le solipsisme ne serait rigoureusement vrai que de quelqu'un qui réussirait à constater tacitement son existence sans être rien et sans rien faire, ce qui est
bien impossible, puisqu'exister c'est être au monde.
»
LE SOLIPSISME CHEZ DESCARTES
A ce moment de sa réflexion (découverte du cogito), Descartes possède une certitude indubitable.
Il est; et son être c'est sa pensée.
Car le doute, appuyé sur l'hypothèse du malin génie, a séparé de moi non seulement le
monde, mais encore mon corps et mes sens, a exorcisé tout ce qui est simplement «mien» pour ne laisser subsister dans sa présence indubitable que ce qui est «moi», c'est-à-dire ma conscience, ma pensée.
Certitude
d'être et de penser, inaliénable mais unique encore.
« Je suis une chose qui pense » mais « les choses que je sens et que j'imagine ne sont peut-être rien du tout hors de moi et en elles-mêmes.
» Doutant du monde, certain
de sa pensée et de sa seule pensée, Descartes adopte provisoirement l'attitude que les philosophes nomment «solipsisme» et qui représente la pointe extrême de l'idéalisme : il n'est pas pour moi d'autre être que ma propre
pensée.
Le solipsiste est-il, comme disait Schopenhauer, «un fou enfermé dans un blockhaus imprenable » ? Le moi peut-il sortir de lui-même ?
2)
La solitude nous empêcherait de voir le monde
Le monde est vu par nous et par les autres et c'est ainsi que nous nous en formons une idée et une représentation.
Dans la solitude, nous n'aurions plus de repères.
Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique :
« Autrui, pièce maîtresse de mon univers...
Je mesure chaque jour ce que je lui devais en enregistrant de nouvelles fissures dans mon édifice personnel.
Je sais ce que je risquerais en perdant l'usage de la parole, et je
combats de toute l'ardeur de mon angoisse cette suprême déchéance.
Mais mes relations avec les choses se trouvent elles-mêmes dénaturées par ma solitude.
Lorsqu'un peintre ou un graveur introduit des personnages dans un
paysage ou à proximité d'un monument, ce n'est pas par goût de l'accessoire.
Les personnages donnent l'échelle et, ce qui importe davantage encore, ils constituent des points de vue possibles, qui ajoutent au point de vue réel de
l'observateur d'indispensable virtualités.
»
Conclusion :
Autrui semble bien être un élément nécessaire à notre constitution et à notre représentation et compréhension du monde.
Dès lors, vivre heureux dans la solitude ne paraît pas possible si l'on considère le bonheur avant tout
comme une adéquation avec sa propre nature.
En effet, vivre totalement seuls nous empêcherait de nous réaliser pleinement en tant qu'homme et donc de réaliser notre nature puisque nous serions coupés du monde.
Dans ces
conditions, nous ne serions pas heureux véritablement.
SECONDE CORRECTION
Introduction :
Bien définir les termes du sujet :
- « Heureux » : c'est l'état qui caractérise le bonheur, c'est-à-dire un état de satisfaction complète de toutes les tendances humaines, et qui remplit toute la conscience ; état durable de plénitude, d'harmonie avec soi-même et le
monde, c'est-à-dire vivre en l'absence de souffrance, d'inquiétude ou de trouble.
Sa définition est simple, il est le bien suprême auquel aspire tous les hommes.
Distinct du plaisir, à la fois incomplet et passager.
Le bonheur est dû
à une chance extérieure, favorable.
(bon heur = de bonne augure, chance)
- « Solitude » : c'est le fait d'être seul, de n'être en contact avec aucun autre homme, de ne jamais discuter, et de se retrouver uniquement face à soi-même.
- « Peut-on » : indique ici non pas la légitimité, mais la possibilité, la faisabilité d'une telle expérience.
Le « on » renvoie à l'homme en général.
Construction de la problématique :.
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