Peut-on triompher de la mort ?
Extrait du document
«
Introduction
• Est-il possible (et légitime) que les hommes (en général : « on ») domptent la finitude humaine, la forme finie de
l'existence ? Si l'homme meurt dès sa naissance, comme le dit si bien Saint Augustin, la victoire sur la mort, cette
mort constitutive de notre être, est-elle à la fois possible et légitime ? Qu'en est-il d'un défi possible à la mort ?
• Prenons bien garde à l'intitulé : triompher, c'est vaincre, après un combat, et vaincre de manière totale.
Il y a,
dans ce terme même de triomphe, l'idée d'une victoire absolue, d'une grande victoire, véritablement ultime.
Est-il
donc possible de mettre en échec la mort ? Mais quel est ce triomphe, sera-ce celui du « on » ou bien celui du « je
» ? Peut-on triompher de la mort ou bien au contraire le je parvient-il à la maîtriser totalement
A.
On ne peut triompher de la mort (thèse)
L'idée même d'un triomphe sur la mort apparaît, dès l'abord, énigmatique et étrange.
On peut, d'abord, envisager la mort comme phénomène biologique car, avant d'être une catégorie du vécu de la
conscience, la mort se présente à nous comme un phénomène vital, liée à Bios, la vie.
Non seulement elle se
rattache à la vie et aux dimensions biologiques de notre être, mais elle est en connexion avec le vieillissement :
expérimenter le vieillissement, c'est également vivre sa mort.
Peut-on triompher de la mort biologique et du vieillissement ? Des civilisations très anciennes se passionnèrent pour
les breuvages d'immortalité et, plus près de nous, au XVe siècle, Paracelse composa un élixir d'immortalité.
Toutes
ces recherches n'ont nullement disparu.
L'idée d'une lutte contre le vieillissement et d'un triomphe scientifique sur la
mort s'inscrit dans toutes les démarches actuelles.
Tout se passe comme si la science médicale et biologique
déclarait ouvertement la guerre à la mort.
L'idée de régénérer les cellules et de remplacer certains organes
particuliers s'inscrit dans cet idéal de triomphe sur la mort : il semble donc possible (du moins en idée) d'ébaucher
des pratiques diverses pour maîtriser la mort et la dominer « totalement ».
D'ailleurs, l'idéal du médecin n'est-il pas,
implicitement, de faire comme si la mort n'était pas inévitable, comme si l'on pouvait triompher d'elle.
Toutefois, le triomphe scientifique et la victoire biologique sur la mort ne paraissent que des utopies difficilement
réalisables.
Car la mort est prescrite par le programme génétique lui-même : elle n'est pas un accident et pas
davantage une réalité contingente ; c'est une partie intégrante du système vivant.
Le vieux rêve humain de
triomphe et de victoire sur la mort ne paraît guère compatible avec les données de la biologie : elles convergent
pour nous faire voir dans la mort une nécessité inéluctable et une exigence de la vie.
« Les limites de la vie ne
peuvent être laissées au hasard.
Elles sont prescrites par le programme qui, dès la fécondation de l'ovule, fixe le
destin génétique de l'individu [...] La mort fait partie intégrante du système sélectionné dans le monde animal et
dans son évolution.
» (F.
Jacob, La Logique du vivant, Gallimard)
D'ailleurs, que donnerait cette maîtrise biologique ? Dans Tous les hommes sont mortels, Simone de Beauvoir imagine
un individu « amortel », parcourant indéfiniment la suite des générations.
Ayant conquis l'immortalité ou l'amortalité,
il traverse désespéré les siècles et aucune mort ne peut plus l'apaiser.
La question est donc : ne peut-on traiter autrement que sur un plan biologique finalement absurde le problème du
triomphe possible sur la mort ?
B.
Le triomphe et la victoire sur la mort (antithèse)
Si la victoire biologique semble un mythe dérisoire davantage qu'une espérance, ne peut-on vaincre autrement la
mort, ce maître absolu, comme le dit si bien Hegel, dans La Phénoménologie de l'esprit (tome I, p.
164) ?
Triompher de la mort, telle se présente l'intention platonicienne, symbolique en cela de toute une tendance
philosophique.
Avec Platon, nous assistons à un possible triomphe par rapport à la mort : on peut la vaincre, ceci
est possible et légitime.
Mais de quoi s'agit-il ? de la regarder bien en face.
Or si nous la regardons ainsi, nous en
triomphons parce que mourir à son corps, c'est, en même temps, découvrir l'immortalité de notre âme : nous
dominons la mort, la fixons sans nulle crainte parce que, dans la mort, il y a la vie de l'esprit immortel.
Voici la mort
domptée : elle n'a rien d'effrayant car l'immortalité est un beau risque à courir.
Si la mort est, nous pouvons la
dominer, la regarder et dépasser notre finitude.
Toute la philosophie est une méditation de la mort, ainsi domptée
puisque la mort signifie que l'âme immortelle retrouve le vrai et les Idées.
Donc il est possible et légitime de vaincre
la mort tout en la voulant.
Toutefois, le Phédon ne parvient pas à affirmer catégoriquement l'immortalité de l'âme : il s'agit, on l'a vu, d'un pari
et d'un calcul de chances.
La victoire remportée sur la mort dans le Phédon nous laisse donc relativement démunis et perplexes.
La religion sera-t-elle plus heureuse que la philosophie platonicienne, impuissante à démontrer rationnellement que
notre âme est immortelle ?
Jésus nous promet que nous pouvons vaincre la mort et qu'il est possible de triompher d'elle.
Tel est l'os même du
christianisme.
Qui croit en la divinité du Christ ne meurt pas mais ressuscite, non point comme âme immortelle mais
comme corps glorieux.
C'est la résurrection des chairs, annoncée déjà par les prophètes juifs du IIe siècle avant J.C.
et accomplie par le Christ.
Le corps, semé corruptible, renaît incorruptible.
Victoire totale, absolue : on peut.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Peut-on triompher de la mort ?
- Peut-on triompher de la mort ?
- Peut-on triompher de la mort ?
- La mort de Jules César
- ROME, OU LE CULTE DE LA MORT VOLONTAIRE