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Peut-on se passionner pour la vérité ?

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« [Introduction] Le passionné, sourd et aveugle à autre chose que sa passion, est si totalement soumis à cette passion que cette dernière semble le réduire à l'état d'esclavage.

Mais le scientifique qui consacre toute sa vie à la recherche d'un remède contre le cancer, le philosophe qui « cherche avec toute son âme » la réalité du monde dans lequel nous vivons, l'artiste qui peint, sculpte sans cesse la même main afin d'arriver à la perfection, ne sont-ils pas tous à la recherche passionnée mais active de la vérité ? En quoi, alors, la passion peut-elle être un obstacle ou un moteur pour la recherche de la vérité, tel est l'enjeu du sujet proposé. [I - La passion, obstacle à la vérité] La philosophie classique cherche à vaincre les passions pour atteindre la vérité.

Ainsi, la philosophie platonicienne cherche à dompter le désir, obstacle à la quête du vrai : seul l'esprit peut rechercher la vérité car il utilise la raison. La passion, liée au corps, empêche l'âme de s'élever.

Le passionné croit en la réalité des simulacres, toute son âme est trompée.

La passion est donc le plus grand mal, la source de l'aveuglement et de la démesure, elle détourne l'âme de la seule vraie quête : les Idées. Les critiques adressées aux passions sont aussi diverses que les motifs de les exalter.

Un inventaire exhaustif des griefs avancés au cours de l'histoire de la philosophie serait pour le moins fastidieux.

Nous n'en retiendront que les plus significatifs, que nous classerons en fonction de leurs principes de référence. Un premier critère est la menace qu'elles font peser sur la liberté.

Les passions aliènent le sujet, le dépossèdent de lui-même, le rendent esclave de son corps ou de son imagination.

Cette nocivité envers la personnalité même du passionné est à mettre en rapport avec la dimension de permanence de l'attachement passionnel, ou encore son caractère circulaire et donc insatiable : le désir à peine assouvi, il ne tarde pas à se réveiller, il s'affermit même du fait de sa satisfaction, au point que la quête de l'objet de la passion s'avère interminable, confine à l'infini. Un second principe de référence est son caractère irrationnel.

La personne se trouve submergée par un flot irrépressible qui manifeste la domination du corps ou de l'imagination sur la raison, pourtant seule instance légitime pour la connaissance et l'action.

Inversant la hiérarchie des principes constitutifs de l'être humain, les passions vouent l'homme à tous les excès. Un troisième et dernier critère est le caractère proprement immoral de la passion.

Ce principe peut à son tour être scindés en deux, selon le fondement de la morale que l'on retient.

Si ce fondement est la raison, en tant qu'instance capable de discerner le bien et le mal, il nous renvoie au critère précédent. Mais s'il s'agit d'une morale religieuse, il s'articule soit autour du concept de « désir », soit autour de celui du « péché ».

Le « péché » exprime la rupture des relations avec Dieu, de la part d'un homme qui se voudrait « autonome » alors même qu'il n'est que créature.

Saint Augustin déterminera trois vices matriciels : la volonté de puissance, la jouissance, et la possession, issus du péché originel, et qui sont à la base de nombre de passions « immorales ». A ces différents griefs, Epicure ajoute une liste qui pourrait sans doute s'allonger indéfiniment : la passion constitue une menace envers les lois, les conventions sociales, la santé, la gestion économique, etc. « La passion aveugle les amants et leur montre des perfections qui n'existent pas.

Souvent nous voyons des femmes laides ou vicieuses captiver les hommages et les coeurs.

Ils se raillent les uns les autres, ils conseillent à leurs amis d'apaiser Vénus, qui les a affligés d'une passion avilissante ; ils ne voient pas qu'ils sont eux-mêmes victimes d'un choix souvent plus honteux.

Leur maîtresse est-elle noire, c'est une brune piquante ; sale et dégoûtante, elle dédaigne la parure ; louche, c'est la rivale de Pallas ; maigre et décharnée, c'est la biche du Ménale ; d'une taille trop petite, c'est l'une des Grâces, l'élégance en personne ; d'une grandeur démesurée, elle est majestueuse, pleine de dignité ; elle bégaye et articule mal, c'est un aimable embarras ; elle est taciturne, c'est la réserve de la pudeur ; emportée, jalouse, babillarde, c'est un feu toujours en mouvement ; desséchée à force de maigreur, c'est un tempérament délicat ; exténuée par la toux, c'est une beauté languissante ; d'un embonpoint monstrueux, c'est Cérès, l'auguste amante de Bacchus ; enfin un nez camus paraît le siège de la volupté, et des lèvres épaisses semblent appeler le baiser.

Je ne finirais pas si je voulais rapporter toutes les illusions de ce genre ». Lucrèce, De natura rerum, IV. Le mécanisme de l'illusion dépasse chez Lucrèce le simple phénomène de la perception fausse.

: il engage également l'ordre imaginaire.

C'est du moins le point de vue de l'observateur impartial, qui estime que ce que le passionné tient pour la réalité n'est que chimère.

C'est essentiellement dans le domaine esthétique que ce processus fonctionne, par le biais d'euphémismes : aux yeux et dans la bouche du passionné, tout défaut est atténué, si ce n'est converti en qualité.

La puissance de l'imagination va même jusqu'à substituer à un caractère son contraire. L'accumulation d'exemples ne font qu'illustrer la thèse de Lucrèce : la passion éloigne de la réalité objective. La philosophie est donc cet exercice qui permet de « détacher l'âme et la mettre à part du corps », de purifier l'âme du corps. On comprend pourquoi Platon s'opposait aux Sophistes, habiles rhéteurs, qui, pour persuader, utilisaient les passions des hommes, dont l'intérêt particulier égoïste.

Les Sophistes ne se préoccupaient pas de la vérité : ils cherchaient à convaincre.

Il faut donc, pense Platon, limiter le désir aux objets rationnels, car les passions rendent dépendants d'objets vains, éphémères et erronés.

La recherche de la vérité passe par l'éducation du corps et de l'esprit : « La. »

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