Peut-on se passer d'une éthique ?
Extrait du document
«
L'éthique (et non une éthique parmi d'autres)...
La crise de l'identité occidentale et la critique des valeurs, entamées par les philosophes du soupçon au XIX ième
siècle, permettent de poser aujourd'hui une question qui naguère n'aurait pas été pensable.
Il faut d'ailleurs
commencer par établir que le mot éthique accepte bien la particularisation qu'opère l'article indéfini.
Sa signification
autorise-t-elle en effet une pareille forme d'actualisation ? Y a-t-il autant d'évaluations possibles d'une même action
qu'il y a de sujets évaluateurs? A chacun sa vérité, à chacun ses valeurs et son éthique? Le retour des exigences
de la conscience éthique dans le monde professionnel laisse peut-être croire que chaque activité a besoin de son
éthique.
Il ne faut toutefois pas céder aux abus du langage et confondre éthique et déontologie.
Rappelons seulement qu'une
éthique relative à l'individu qui l'adopterait perdrait évidemment de sa « valeur morale ».
La loi morale ne peut être
absolue que si elle est détachée de la défense ou de l'expression des intérêts bien particuliers de chacun.
L'éthique
ne peut découvrir ma liberté que si elle me donne les moyens d'évaluer de façon désintéressée mon action.
Il n'est
donc pas question de savoir si l'on peut se passer d'une éthique mais bien de savoir en quoi l'éthique nous est
nécessaire.
...
est indispensable à la survie de l'espèce humaine.
En conformité avec l'étymologie (éthos, la coutume, l'habitude), on pourrait faire de l'Éthique l'ensemble des
principes qui permettent à l'homme de s'adapter à son milieu, de s'y accoutumer, de s'y habituer.
Une action serait
donc jugée bonne par l'Éthique lorsqu'elle irait dans le sens de l'instinct de survie de l'espèce humaine.
La morale
serait alors le prolongement de cet instinct.
Mais l'étymologie, du moins la « vérité » dont elle pourrait être porteuse
se laisse prendre en défaut par les découvertes de l'éthologie contemporaine.
Konrad Lorenz, dans L'agression, une histoire naturelle du mal, montre par exemple que l'espèce humaine est la seule
de toutes les espèces animales à être privée de ces mécanismes inhibiteurs qui détournent l'agressivité
interspécifique.
L'homme est bien un animal à l'instinct déréglé, seul capable de détruire ses congénères.
L'éthologue autrichien, prix Nobel, Konrad Lorenz, dans son livre: l'agression, une histoire naturelle du Mal, prétend
éclairer la violence humaine par l'étude des comportements animaux.
Le problème, c'est que sa thèse revient à dire
que l'homme a un penchant à la violence parce que la violence est inscrite dans sa nature animale.
Autant expliquer
que l'opium endort parce qu'il a une "vertu dormitive": c'est expliquer l'effet par l'effet, ne rien expliquer du tout.
(réfléchir à partir de cet exemple sur ce qui distingue une recherche philosophique d'une recherche scientifique)
Par ailleurs, cette position fait fi de ce qui fait justement le mystère de la violence: l'homme est le seul être
proprement violent.
Lorenz est donc inconséquent dans sa démarche: les animaux ne connaissent pas la violence
gratuite, la gratuité qui fait la violence.
La violence n'est pas l'usage de la force, elle est l'excès dans l'usage de la
force: quand on utilise plus de force qu'il n'est besoin pour aboutir à un certain résultat.
Exemple: on parle de
"violences policières", non quand des C.R.S dispersent des manifestants, mais quand ils le font avec un "excès de
zèle", avec plus de violence que nécessaire pour arriver au résultat escompté.
La violence ne peut donc pas être une donnée naturelle: elle est plutôt contre-nature.
On ne peut donc pas dire
que la violence est inscrite dans la "nature" de l'homme.
C'est plutôt ce qui distingue l'homme de l'animal, elle est un
phénomène culturel.
La morale vient donc au secours de l'instinct défaillant.
La culture sauve aussi l'espèce en l'arrachant de la simple
nature où elle se serait éteinte.
Dans cette entreprise de sauvetage, la morale est un artifice créateur d'inhibitions
conscientes..
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