Peut-on se passer de l'Etat ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet
« Se passer de », c'est faire sans, pouvoir vivre sans, ne pas avoir besoin de.
L'État, c'est à la fois la communauté politique et tous les systèmes qui la régissent.
C'est une instance
d'organisation commune qui a d'importantes conséquences sur la manière de vivre des membres de cette
communauté.
La question est ici celle de la nécessité de la relation des individus – en tant qu'individus – à l'État.
Il semble assez délicat de se représenter une vue humaine hors de tout cadre communautaire et de tout cadre
étatique.
Que nous en soyons conscients ou non, nous avons l'habitude de vivre dans une communauté politique,
dans un État, et les conséquences que cela a sur notre manière de vivre nous semblent inévitables.
Il s'agit ici de
remettre en cause cette habitude de pensée.
Pour cela on peut imaginer ce que seraient des individus sans État : des êtres solitaires et incapables de
communiquer entre eux ? Des êtres sauvages dont toutes les relations seraient marquées par la violence ? Ou, au
contraire, et comme le veut l'idéal anarchiste, des êtres sages et pleinement responsables d'eux-mêmes et
capables d'entretenir des relations de justice avec leurs semblables sans être soumis à la pression de la
communauté ?
On peut aussi se demander ce qu'apporte l'État à l'individu – et donc ce que l'individu perdrait s'il se passait d'État :
une sécurité ? un accomplissement (et alors on envisagerait une nature proprement politique de l'humain) ? ou un
asservissement ?
Les pistes pour explorer la nécessité de la relation de l'individu à l'Etat sont multiples et dépendent des définitions
que l'on donne de l'Etat (facteur d'organisation ? de sécurité ? ou de coercition ?) et de l'individu.
Références utiles
Rousseau, Du Contrat social
Hobbes, Léviathan
Platon, La République
Textes à utiliser
Bakounine
« Qu'est-ce que l'État ? C'est, nous répondent les métaphysiciens et les docteurs en droit, c'est la chose publique ;
les intérêts, le bien collectif et le droit de tout le monde, opposés à l'action dissolvante des intérêts et des passions
égoïstes de chacun.
C'est la justice et la réalisation de la morale et de la vertu sur terre.
Par conséquent, il n'est
point d'acte plus sublime ni de plus grand devoir pour les individus que de se dévouer, de se sacrifier, et au besoin
de mourir pour le triomphe, pour la puissance de l'État [...].
Voyons maintenant si cette théologie politique, de
même que la théologie religieuse, ne cache pas, sous de très belles et de très poétiques apparences, des réalités
très communes et très sales.
Analysons d'abord l'idée même de l'État, telle que nous la présentent ses prôneurs.
C'est le sacrifice de la liberté naturelle et des intérêts de chacun - individus aussi bien qu'unités collectives
comparativement petites : associations, communes et provinces - aux intérêts et à la liberté de tout le monde, à la
prospérité du grand ensemble.
Mais ce tout le monde, ce grand ensemble, qu'est-il en réalité ? C'est l'agglomération
de tous les individus et de toutes les collectivités humaines plus restreintes qui le composent.
Mais, du moment que
pour le composer et pour s'y coordonner tous les intérêts individuels et locaux doivent être sacrifiés, le tout, qui est
censé les représenter, qu'est-il en effet ? Ce n'est pas l'ensemble vivant, laissant respirer chacun à son aise et
devenant d'autant plus fécond, plus puissant et plus libre que plus largement se développent en son sein la pleine
liberté et la prospérité de chacun ; ce n'est point la société humaine naturelle, qui confirme et augmente la vie de
chacun par la vie de tous ; c'est, au contraire, l'immolation de chaque individu comme de toutes les associations
locales, l'abstraction destructive de la société vivante, la limitation ou, pour mieux dire, la complète négation de la
vie et du droit de toutes les parties qui composent tout le monde, pour le soi-disant bien de tout le monde : c'est
l'État, c'est l'autel de la religion politique sur lequel la société naturelle est toujours immolée : une universalité
dévorante, vivant de sacrifices humains ».
»
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