Peut-on se mettre a la place d'autrui?
Extrait du document
«
INTRODUCTION
• Il est fréquent qu'au cours d'une discussion, l'un des interlocuteurs demande à l'autre de «se mettre à sa place» —
pour, semble-t-il, le mieux comprendre et mieux adhérer, de l'intérieur en quelque sorte, à ses arguments.
Cela
suppose qu'il soit possible pour une subjectivité de se déplacer entièrement vers une autre et de percevoir le monde
comme le fait la seconde.
Est-ce concevable ? Mais aussi : est-ce souhaitable ?
I.
L'autre comme autre humain
• « Se mettre à la place de l'autre» implique d'abord que cet autre soit bien admis comme un être humain.
L'altérité
ultime, dans l'ensemble des vivants, se présente sans doute pour la conscience humaine sous l'aspect de la
présence animale, que Hegel tenait pour significative de l'incompréhensible.
Cet incompréhensible va même jusqu'à la
tentative de sa suppression.
Qu'autrui existe semble être pour la pensée contemporaine une évidence.
Pourtant, l'idée d'un isolement de la conscience a longtemps persisté.
C ‘est,
sans doute, parce que l'esprit des philosophes était obsédé par le problème
de la recherche de la vérité.
D'où l'opposition entre, d'un côté, le sujet
connaissant et, de l'autre, le monde à connaître.
Dans cette confrontation, la
présence d'un tiers, à l'exception de Dieu, était exclue.
Le thème de l'altérité apparaît chez Kant dans ses considérations sur la
moralité, mais surtout chez Hegel dans « La phénoménologie de l'esprit ».
C'est dans cet ouvrage – où Hegel décrit le mouvement dialectique de la
conscience, depuis la naïveté première de la « certitude sensible » jusqu'à
l'universalité du « savoir absolu », ultime moment où la conscience prend
conscience de sa liberté – que se trouve la fameuse dialectique du maître &
de l'esclave.
On peut y lire : « La conscience de soi est certaine de soimême, seulement par la suppression de cet Autre qui se présente à elle
comme vie indépendante ; elle est désir.
»
La conscience, dans son rapport immédiat avec elle-même, n'est que l'identité
vide du Je = Je, une tautologie sans contenu.
Toute conscience rencontre
autrui, l'Autre, une autre conscience de soi.
Il n'y a, en fait, de véritable
conscience de soi que moyennant le retour à soi à partir de cet « être-autre ».
Autrement dit, la conscience de soi
serait impossible dans un monde où autrui n'existerait pas.
Si la conscience est mouvement et retour à soi-même à partir de l'être autre, elle ne peut d'abord l'être que par la
négation de l'autre.
Autrement dit, la relation à autrui se présente d'emblée comme une affaire de conflit.
Le « moi »
de l'enfant, par exemple, ne se forme-t-il pas en s'opposant au non-moi ? N'est-ce pas dans l'opposition à ses
parents que l'enfant forge sa personnalité ? Toute conscience est désir de reconnaissance de soi et la satisfaction
de ce désir ne peut advenir que moyennant la suppression de l'autre, en tant qu'être indépendant.
Le premier mouvement du désir serait de détruire et de consommer l'objet.
mais, dans cette expérience, je découvre
que mon désir est conditionné par cet objet et que je suis donc dépendant de cet objet que j'avais, pourtant nié : «
Le désir et la certitude de soi atteinte dans la satisfaction du désir sont conditionnés par l'objet ; en effet la
satisfaction a lieu par la suppression de cet autre.
Pour que cette suppression soit, cet autre aussi doit être.
»
Loin d'atteindre la satisfaction complète et définitive, je découvre que, la satisfaction obtenue, le désir renaît,
marquant toujours davantage ma dépendance à l'égard de l'objet, de cet Autre que j'avais annihilé : « La
conscience de soi ne peut donc pas supprimer l'objet par son rapport négatif à lui ; par là elle le reproduit plutôt
comme elle reproduit le désir.
»
Dans ce cercle infini et infernal du désir, c'est-à-dire de « ce retour alterné et monotone du désir et de sa
satisfaction par laquelle le sujet retombe sans cesse en lui-même et sans supprimer la contradiction », la conscience
découvre qu'elle ne peut se ressaisir que dans une autre conscience de soi.
La dialectique même du désir le conduit
à son propre dépassement : de la pure consommation de l'objet à l'intersubjectivité.
Le désir n'est plus seulement
rapport égoïste de soi à soi, mais position de l'autre comme être indépendant et libre.
Je ne peux me reconnaître
que si je reconnais l'autre et réciproquement : « L'opération est donc à double sens, non pas seulement en tant
qu'elle est aussi bien une opération sur soi que sur l'autre, mais aussi en tant qu'elle est, dans son indivisibilité, aussi
bien l'opération de l'une des consciences de soi que de l'autre.
»
Ce mouvement de la conscience de soi trouve une illustration dans la fameuse dialectique du Maître & de l'Esclave –
dialectique qui peut se lire comme une reconstitution, sans caractère historique, du déroulement de l'histoire réelle
des hommes.
Le point de départ de cette dialectique, c'est que toute conscience est désir de reconnaissance, désir qui passe
d'abord par la négation de l'autre.
toute conscience poursuit la mort de l'autre, afin de se faire reconnaître et de se
reconnaître elle-même au risque de sa propre vie, comme libre et indépendante de toute attache sensible : « C'est
seulement par le risque de sa vie qu'on conserve la liberté, qu'on prouve que l'essence de la conscience de soi [...]
n'est pas le mode immédiat dans lequel la conscience de soi surgit d'abord, n'est pas son enfoncement dans
l'expansion de la vie.
»
Autrement dit, il s'agit pour chaque conscience de se prouver qu'elle n'est pas de l'ordre de l'en-soi (mode de.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Peut-on se mettre à la place d'autrui ?
- Puis-je me mettre à la place de l'autre ?
- Peut on se mettre a la place d'autrui ?
- Est-il juste d'affirmer que pour bien connaître autrui il faut tenter de se mettre à sa place ?
- Peut-on se mettre à la place de l'autre ?