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Peut-on se connaître soi-même ?

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« Introduction -Dans la langue commune, "se connaître", c'est connaître l'état psychologique d'un individu donné, qui s'avère être moi. -Or, l'égoïté même d'un individu échappe à une simple condition psychologique, car elle constitue un principe spirituel d'identité de soi à soi : il s'agit de savoir que l'on est soi-même en tant que soi, précisément.

Ainsi, le moi constitue un principe spirituel de saisie radicale de soi, qui excède la simple dimension psychologique. -L'on peut alors se demander si le moi peut se saisir lui-même sur le mode d'une connaissance, puisque cette connaissance ne peut précisément s'effectuer qu'à partir d'une dimension psychologique du moi : le moi en tant que tel peut-il se connaître lui-même ? Quel mode de connaissance détermine-t-il alors la saisie de soi par soi ? I.

Il est possible de se connaître soi : mais l'on ne connaît alors que son moi empirique (Kant). Chaque individu humain peut se connaître soi, dans la vie quotidienne ; mais il ne s'agit alors que d'une connaissance empirique, objet de la représentation ; ce que l'on connaît alors, ce n'est seulement que le moi empirique.

Or, l'homme ne peut pas connaître son moi transcendantal, c'est-à-dire le moi qui rend précisément possible ce moi empirique, car pour cela il devrait être pourvu d'une intuition intellectuelle réflexive, dont il est dépourvu.

L'homme ne peut connaître son moi que sur le mode de l'empiricité représentative, et non sur le mode d'une intuition réflexive de soi par soi. II.

Le moi constitue moins un objet de connaissance qu'un principe absolument premier à partir duquel seulement toute autre connaissance peut être rendue possible (Descartes). Dans la recherche d'un fondement absolu de vérité, nous devons douter de tout, même de notre propre corps ; or, la première certitude à laquelle nous parvenons est celle de notre propre conscience : "Je pense, je suis" (Discours de la Méthode) ; l'ego cartésien constitue donc notre première certitude : l'individu est sa propre conscience, il est un "moi".

Cette identité première constitue la certitude première à partir de laquelle peut s'édifier l'édifice du savoir théorique.

Le Je est ainsi saisi sur le mode de l'évidence intuitive, mais il ne constitue pas, à proprement parler, une connaissance, car il ne constitue pas un contenu donné : je sais que je suis, mais je ne sais pas quel je suis.

En ce sens, la réflexion de la conscience sur soi permet une identification de soi à soi, mais elle ne constitue pas une connaissance donnée, c'est-à-dire une représentation précise d'objet. III.

Se connaître soi, c'est toujours déjà échapper à ce que l'on est véritablement : non un Je, précisément, mais une conscience absolue (Sartre). L'égoïté ne constitue pas la vérité de mon être.

Car la vérité de mon être, c'est la conscience, la conscience absolue qui surplombe le monde et qui le révèle à lui-même comme monde pour moi.

Or, ce "moi", ce "je", n'est que la saisie de la conscience par elle-même sur le mode de la réflexion : je suis ce que je me saisis comme tel, mais cette saisie ne se fait jamais que par l'intermédiaire d'un "je" réifié.

Ma conscience se perd elle-même lorsqu'elle se saisit sur un mode psychologique, parce qu'en procédant comme tel elle perd son absoluité originaire, là où elle est originairement liberté absolue. Conclusion. -Il est possible de se connaître soi, sur le mode de la représentation : mais il ne s'agit alors que d'une connaissance psychologique, procédant de lois déterminées de la nature. -Or, le Moi est moins un Je psychologique qu'un principe spirituel d'identité de soi à soi : en ce sens, le moi se saisit sur le mode de l'intuition directe, mais non sur celui de la connaissance représentative. -En réalité, si je pense me connaître en tant que "Je", c'est que je ne me connais précisément pas, puisque mon être propre échappe à l'égoïté : je suis une conscience avant d'être un Je.

Je peux donc me connaître, mais il ne s'agit alors ni de la connaissance d'un Je, ni même d'une connaissance : il s'agit surtout de l'intuition de soi comme condition de toute intuition ultérieure possible.. »

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