Peut-on réduire le devoir à une obligation morale ?
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Qu'est-ce que le devoir ? Est-ce agir conformément aux lois ? Est-ce agir par pure bonne volonté ? Il semble que
l'obligation morale se distingue de la contrainte.
En effet, l'obligation est plus faible : elle laisse en dernier ressort le
choix à l'homme agissant.
Ainsi, si le devoir n'est qu'une obligation morale, il dépend uniquement de la bonne volonté
du sujet.
Mais dans le même temps, que peut-il être de plus ? Le devoir est ce qui nous incombe ; toute la question
est de savoir de quelle manière cela nous incombe.
Pour bien comprendre la différence entre l'obligation et la
contrainte utilisons l'exemple de l'automobiliste.
Le code de la route veut que l'automobiliste s'arrête au stop, mais
rien ne le contraint à le faire : le stop n'est qu'un mur virtuel matérialisé par une ligne blanche.
Il a l'obligation morale
de le faire puisque quand il a passé son permis il s'est indirectement engagé à suivre le code de la route, mais rien
ne le contraint à le faire physiquement.
Est-ce de même pour le devoir ? Ne compte-t-il uniquement que sur la
bonne fois de l'homme, ou bien nécessite-t-il une autorité contraignante ? En effet, si l'automobiliste s'arrête, c'est
parce qu'il y a a posteriori l'autorité judiciaire qui le verbalisera s'il ne s'arrête pas au stop.
I.
Le devoir peut être réduit à l'obligation morale, les hommes le suivront.
Comme l'explique Descartes tout homme pour vivre doit être capable de se juger estimable, or qu'est-ce qui fait que
nous sommes estimables ? Il semble que ce soit la générosité.
C'est parce que l'homme est généreux qu'il est un
homme bon.
Etre généreux ne signifie pas nécessairement donner sans compter, mais bien plutôt faire une bonne
utilisation de sa volonté.
Autrement dit avoir une volonté bonne.
C'est donc parce que l'homme agit par devoir
comme le lui dicte l'obligation morale qu'il peut être jugé estimable.
Le devoir se réduit donc à une obligation morale,
puisque l'homme agira nécessairement par devoir, c'est-à-dire suivant une obligation morale afin de pouvoir se juger
estimable.
Si le devoir ne se réduit pas à l'obligation, cela veut dire que l'homme a besoin d'une contrainte extérieure
pour bien agir.
Comment, dès lors, pourra-t-il se juger estimable s'il n'agit bien que sous la contrainte ? Et tout
homme est-il assez honnête pour respecter une simple obligation morale ?
II.
Le devoir pour être effectif nécessite la contrainte d'une autorité.
Bergson montre que cette impression de devoir ne vient que d'une seule chose : l'influence que l'on subit depuis
l'enfance.
Il explique que depuis que l'on est petit, nous prenons pour parole d'Evangile ce que nous disent nos
parents car ils représentent pour nous une certaine autorité.
Nous avons donc pris l'habitude depuis l'enfance que
les adultes décident pour nous ce qui est bien et ce qui est mal.
Ainsi nous voyons bien que le devoir ne se réduit
pas à cette connaissance innée de ce qui est moral, mais qu'il a nécessité, pour bien être encré en nous, un long
travail de modelage des consciences.
Le devoir nécessite donc premièrement une autorité qui contraint l'esprit dans
des normes conventionnelles desquelles naîtrons le bien et le mal, et par suite l'obligation morale d'agir en vue du
bien.
Le devoir ne se réduit qu'en apparence à l'obligation morale, car il a essentiellement besoin pour fixer ses
fondations d'une autorité compétente et contraignante.
III.
Il existe différents types de devoir.
Kant explique qu'il est bien différent d'agir par devoir et conformément au devoir.
En effet, il ne s'agit pas de faire
notre devoir pour être morale.
Il y a un devoir qui est fait dans la crainte de l'autorité contraignante, mais il existe
aussi un devoir qui ne nécessite que l'obligation morale.
Si l'on fait une action dont la seule motivation est la crainte
du châtiment si on ne la fait pas, alors ce n'est pas une action morale ; c'est-à-dire que nous faisons notre devoir
sans être pour autant vertueux ou moral.
Cependant, si je fais une action par respect pour la loi morale, alors j'agis
non conformément au devoir, mais par devoir.
J'ai donc ainsi un rapport au devoir qui est direct, c'est-à-dire qui
n'est pas médié par la crainte du châtiment, ou par l'espérance du gain.
Pour savoir si j'agis par devoir ou
conformément au devoir, il me faut me demander si la maxime de mon action est universalisable.
C'est l'impératif
catégorique.
Conclusion :
-
Le devoir se réduit à l'obligation morale, car tout homme pour vivre doit pouvoir se juger vertueux et
moral.
Pourtant il semble que cela ne suffise pas, et que le devoir nécessite une autorité qui contraigne les
hommes.
Enfin, il existe deux types de devoir : le premier n'est fait que sous la contrainte il est donc conforme au
devoir, mais le sujet agissant n'est pas pour autant moral ; le second est fait par respect pour la loi, par
l'action d'une volonté bonne (seule l'obligation morale entre ici en compte), et le sujet agissant est tout à
fait moral..
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