Peut-on prouver qu'une oeuvre d'art est belle ?
Extrait du document
«
L'appréciation de la beauté est le plus souvent considérée comme un jugement absolument subjectif.
Se demander
s'il est possible de prouver la beauté d'une oeuvre d'art, c'est-à-dire de la mettre en lumière par des raisonnements
incontestables, cela revient à poser le problème de la nature du sentiment esthétique et celui de sa
communicabilité.
Le contemplateur reste-t-il isolé dans un solipsisme ou peut-il espérer tendre à une universalité ?
L'oeuvre d'art ne s'apprécie-t-elle que sur des critères sensibles ?
Mais c'est également donner des « critères » à cette beauté, identifiables par la raison.
Quelle est celle dont nous
parlons ? Beauté de l'exécution, de la composition ?
IL EXISTE DES CRITÈRES POUR ÉVALUER LA BEAUTÉ D'UNE oeUVRE D'ART
Lessing, dans son Laocoon, s'il met en avant l'admiration des Grecs pour la beauté, souligne également la difficulté
pour l'artiste à traiter de sujets qui ne soient pas naturellement attractifs.
Le rôle du peintre consiste en un
remaniement de la douleur ou de la laideur, afin de ne pas définitivement révulser le contemplateur.
Pour se faire, le
peintre ne doit pas coucher sur sa toile le paroxysme de cet état ou de ce sentiment, mais laisser une part de
liberté à celui qui regarde, afin que ce soit son imagination qui puisse recomposer les grimaces, l'expression de la
souffrance.
De sorte qu'une oeuvre belle n'est pas celle dont le sujet est beau, mais celle que l'exécution de l'artiste
parvient à nous faire contempler sans dégoût.
Si l'imagination de chacun est particulière, on peut attendre un
accord plus large quant à sa mise en oeuvre.
Dans la Critique de la Faculté de Juger, Kant définit le beau comme « ce qui
plait universellement sans concept ».
Dans la contemplation d'une oeuvre
d'art, nulle considération extérieure, qu'elle soit de l'ordre du rationnel ou de
l'émotionnel ne peut interférer.
C'est le jeu des facultés –imagination,
sensibilité, entendement, raison- qui s'exerce à l'unisson, et ce miracle, le
sujet peut attendre, espérer, qu'autrui le partage.
Ce sentiment esthétique
tend à l'universalité, il doit être possible pour autrui d'y avoir accès.
En ce
sens, on ne peut prouver à autrui qu'une oeuvre d'art est belle, mais il existe
une communauté de raisons qui aspire à le faire.
·
« Est beau ce qui plaît universellement sans concept ».
Ø
« Ce qui plait universellement »: Le fait que cette satisfaction soit
universelle, valable pour tous découle de la première définition.
En effet
nous avons vu qu'être sensible à la beauté relève d'une sensibilité purifiée
de la convoitise, de la crainte, du désir, du confort ...
bref de tous les
intérêts particuliers.
Ce plaisir éprouvé n'est donc pas celui d'un sujet
enfermé dans sa particularité et ce dernier peut à juste titre dire: « c'est
beau », comme si la beauté était dans l'objet.
Il peut légitimement
s'attendre à ce que tout autre éprouve la même satisfaction.
Ø « sans concept »: « L'assentiment universel est seulement une Idée ».
Il
n'y a pas de preuve pratique ou conceptuelle de la beauté.
On juge et on sent que cette musique ou cette
montagne sont belles mais on ne peut le prouver.
Il n'y a pas de règles a priori du beau.
En langage kantien, le
sujet esthétique n'est pas législateur.
En science le sujet légifère, retrouve dans la nature les règles
nécessaires, universelles qu'il y a mises pour connaître quelque chose.
En art le sujet ne peut légiférer car le
jugement porte sur un objet singulier, telle fleur, telle œuvre musicale.
S' il veut trouver quelque chose
d'universel dans cette rose-ci, il faudra qu'il l'envisage sous l'aspect du règne végétal ou de la fleur en général;
s'il veut trouver quelque chose d'universel dans une musique, il faudra qu'il l'envisage sous l'angle des règles de
composition.
Il aura des concepts mais point de beauté: « quand on juge des objets simplement par concepts
toute représentation de la beauté se perd ».
C'est ce qui peut arriver quand un traque d'art explique un
poème...
Comme la beauté est toujours saisie sur un objet concret, matériel, singulier, il n'y a pas de règles
universelles du beau.
Le jugement de goût n'est pas un jugement de connaissance.
LA BEAUTE COMME MANIFESTATION DE L'IDEE
Si l'on considère l'oeuvre d'art non comme une création originale mais comme une copie de copie, une copie de
sensible qui lui-même copie l'Idée, la beauté de l'oeuvre se trouve dans la qualité de l'imitation mise en oeuvre.
Ce
n'est pas tant l'oeuvre en elle-même qui peut être belle ou non, mais son degré de fidélité avec le sensible.
Ainsi, les
Raisins de Zeuxis furent-ils considérés comme une oeuvre réussie, belle, dans la mesure où les oiseaux eux-mêmes
se sont fait piégés par le talent de l'artiste.
Il est possible de prouver qu'une oeuvre d'art est belle si le
contemplateur peut penser être en contact avec la réalité et non avec une imitation.
Par ailleurs, il est possible de trouver une autre évaluation de la beauté d'une oeuvre d'art dans l'interprétation
hégélienne de l'histoire de l'art.
Les oeuvres sont des manifestations sensibles de l'Idée, manifestations dont la
forme évolue avec les civilisations.
Ainsi Hegel voit-il dans ce qu'il nomme l'art classique, c'est-à-dire l'art grec, une
parfaite adéquation entre fond et forme, synonyme de beauté.
De plus, il opère une classification des arts selon le
degré de matérialité qu'ils mobilisent, de l'architecture à la poésie.
L'oeuvre d'art acquiert sa noblesse dans le
délaissement progressif de la matérialité au profit de son contenu spirituel..
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