Peut-on penser séparément e corps du sujet pensant?
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«
Penser séparément le corps du sujet pensant, c'est penser une séparation entre la pensée et le corps.
Poser alors la
question « peut-on » c'est commencer par se demander si cela est possible et même souhaitable.
Une telle
séparation est-elle légitime ? Faire prévaloir une dichotomie entre âme et corps, n'est-ce pas faire prévaloir l'une sur
l'autre ? Une telle prévalence de l'esprit sur la matière est-elle tenable ? Le corps n'a-t-il pas lui-même une noblesse
? Le dénigrer le corps, n'est-ce pas au final se dénigrer soi-même ? Et enfin, au-delà du dualisme ne peut-on pas
penser l'âme et le corps comme une seule et même chose ?
I)
Le dualisme cartésien
Descartes montre que la nature de la pensée et celle de la matière sot
différentes.
Ce qu'on nomme dualisme : « Je connus de là que j'étais une
substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser [...] En
sorte que moi, cad l'âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement
distincte du corps.
» Le corps, en effet, n'est qu'une portion de matière,
ayant une forme, et susceptible de recevoir du mouvement.
La pensée est
radicalement différente, c'est la faculté de concevoir, imaginer, sentir,
vouloir.
Descartes ne nie pas que –en l'homme- il y ait interaction du corps et
de la pensée, et il consacrera même un ouvrage, « Les Passions de l'âme »
(1649), à ce qu'on nommerait aujourd'hui biologie des passions.
Mais il jette
grâce au dualisme les bases de la science moderne, en limitant la physique à
l'étude de la matière et de ses propriétés.
Il faut se souvenir qu'Aristote
considérait l'étude de l'âme comme le couronnement de la physique, et que
Pascal aura à batailler contre l'idée que la « nature a horreur du vide »,
comme si la matière était animée d'intention.
Le corps humain, comme le corps de l'animal, est une machine perfectionnée
créée par Dieu.
Bien qu'infiniment plus complexe que nos machines, son
fonctionnement se laisse expliquer de la même manière.
Les corps sont
composés de nerfs et de muscles, comparables à des petits tuyaux, dans
lesquels circule une matière subtile : les esprits animaux.
Lorsque nous touchons un objet par exemple, nous en
prenons une conscience tactile par l'effet de ces esprits animaux qui remontent jusqu'au cerveau par l'entremise des
nerfs, et viennent heurter la "glande pinéale", siège de l'âme.
Il en est ainsi de tout le système sensorimoteur.
Si je
veux me mouvoir, un grand nombre d'esprits animaux seront canalisés vers les muscles qui seront sollicités pour
accomplir ce mouvement.
La lumière, les odeurs, les sons, les goûts, la chaleur se propagent jusqu'à notre esprit par
l'intermédiaire de nos nerfs qui canalisent ces particules.
La faim, la soif, le sommeil, la veille, le rêve se produisent
de la même manière : un déplacement d'esprits animaux à l'intérieur des canalisations de la machinerie complexe de
notre corps.
Il existe cependant une différence de mille entre un corps humain et un corps animal.
Aucun animal
n'use jamais de signes, ou d'un quelconque langage pour exprimer une pensée.
On peut concevoir un automate qui
réponde par la parole à certains messages simples : crier si on le touche, ou prononcer quelques phrases simples,
mais aucun automate ne sera jamais en mesure d'agencer une parole qui réponde au sens de ce qu'on lui dit.
Enfin,
si un corps animal ou un automate peut accomplir un nombre limité de tâches, parfois même mieux que nous, il ne
peut aller au-delà.
Ce qui montre qu'ils agissent par la disposition de leurs organes, et non par connaissance.
Ils
sont dépourvus de pensée ou d'esprit.
Il n'y a que l'homme à disposer de cet instrument universel qu'est la raison et
qui lui sert en toute occurrence afin d'agir comme il convient.
Chaque organe de la machinerie animale, tout au
contraire, est spécialisé.
Il lui faudrait - ce qui est impossible - un nombre infini d'organes pour faire autant de
choses que notre raison nous le permet.
La réflexion a engendré deux idées hétérogènes : celle d'étendue matérielle, celle de pensée.
Comment rendre
compte de l'unité de l'homme à partir de ce dualisme tranché entre deux natures ?
1.
De la mécanique à la vie
A.
L'animal-machine
La nature de l'âme est distincte de celle du corps.
Considérant le corps comme un pur objet matériel,
Descartes en fait une théorie mécaniste'.
L'organisme n'est qu'une grande machine perfectionnée, entièrement explicable par les lois de la physique.
Inutile de recourir à un principe immatériel d'animation pour expliquer la vie.
Tout n'est que leviers, tuyaux,
chaudière...
L'animal, pure machine selon Descartes, ne ressent rien, il réagit de manière purement mécanique.
Ce modèle est fécond pour les sciences – la médecine en particulier, qui cherche à comprendre le,
fonctionnement du corps pour agir sur lui.
Mais il est philosophiquement limité.
Il ne nous révèle pas l'être
même du corps.
B.
L'union de l'âme et du corps
En effet, cette conception, utile scientifiquement, ne correspond pas à l'expérience vécue de notre corps.
Nous n'utilisons pas notre corps comme un outil extérieur à nous-mêmes.
Le corps n'est pas une chose comme.
»
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