Peut-on penser la mort ?
Extrait du document
«
Comment se projeter au-delà de ce qui est ?
La mort au sens biologique marque la fin d'une existence individuelle.
Elle signifie donc une limite fixée à ce qui a une
durée.
La mort étant un rien, ce qui n'existe pas ou plus précisément ce qui est de l'autre côté de l'existence, peutelle être pensée?
Dans une nouvelle de Sartre qui date de 1939, un des personnages nommé Pablo, qui est sur le point d'être fusillé,
cherche à jeter sa pensée de l'autre côté du mur, de manière à concevoir sa mort.
En vain, car de l'autre côté, il n'y
a rien de pensable.
Comment se projeter au-delà de ce qui est ?
La mort, ne pouvant être sentie ou ressentie, ne peut être connue.
Et quand je suis mort, je ne suis plus là pour en
parler.
L'apôtre Jean est le seul à raconter le miracle d'une vraie résurrection : celle de saint Lazare.
Or ce dernier,
qui a séjourné au royaume des morts pendant trois jours et trois nuits, reste étrangement silencieux.
Comment
parler, en effet, du vide et du non-être ? Ne faut-il donc pas, avec Jankélévitch, considérer que la plénitude de
l'existence est plus forte que la mort et que penser le non-être équivaut à une non-pensée ? Parler de la mort,
n'est-ce pas encore parler de la vie ?
Épicure développe une thèse similaire pensant que "la mort n'est rien pour
nous"
La métaphysique matérialiste d'Épicure permettre de délivrer l'humanité d'une
de ses plus grandes craintes : la crainte de la mort.
Les hommes ont peur de
la mort.
Mais que redoutent-ils en elle ? C'est précisément le saut dans
l'absolument inconnu.
Ils ne savent pas ce qui les attend et craignent
confusément que des souffrances terribles ne leur soient infligées, peut-être
en punition de leurs actes terrestres.
Les chrétiens, par exemple, imagineront
que quiconque à mal agi et n'a pas obtenu le pardon de Dieu ira rôtir dans
les flammes de l'enfer.
La peur de la mort a partie liée avec les superstitions
religieuses dont la métaphysique matérialistes nous libère.
De plus, si tout
dans l'univers n'est fait que de matière, si nous, comme tous les êtres
vivants, ne sommes que des agrégats d'atomes, lorsque nous mourons, ce ne
sont que nos atomes qui se séparent, qui se désagrègent, ce n'est que notre
corps qui se décompose, en un point d'abord (celui qui est blessé ou malade),
puis en tous.
Dès lors, rien de notre être ne survit, il n'y a rien après la mort,
« la mort n'est rien pour nous ».
Ceux qui pensent que la vie du corps, la
pensée, la sensation, le mouvement viennent de l'âme, et que cette âme
pourrait survivre après la mort du corps, ont tort.
Car l'âme elle-même est
faite de matière, certes plus subtile, puisque invisible ; mais si elle n'est qu'un
agrégat d'atomes, elle aussi se décompose lorsque la mort survient, et même,
selon l'expérience la plus commune, il faut penser qu'elle est la première à se décomposer puisque le mort apparaît
immédiatement privé de vie, de sensation, de pensée et de mouvement, alors que le reste de son corps semble
encore à peu près intact et mettra plus de temps à commencer à se décomposer.
Aussi, la mort se caractérise bien
en premier lieu par l'absence de sensation : « Habitue-toi à la pensée que le mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y
a de bien et de mal que dans la sensation, et que la mort est absence de sensation.
»
En effet, les sensations que nous avons de notre corps et, à travers lui, des choses du monde sont la source de
toute connaissance, et aussi de tout plaisir et de toute douleur, donc le vrai lieu de tout bien et de tout mal,
puisque le bien réel n'est que le plaisir et le mal la douleur.
Nous pouvons désigner la pensée d'Epicure comme un
sensualisme qui fonde toute la vie intérieure sur la sensation.
La mort étant la disparition des sensations, il ne peut
y avoir aucune souffrance dans la mort.
Il ne peut pas y avoir davantage de survie de la conscience, de la pensée
individuelle: « Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisque lorsque nous existons, la mort
n'est pas là, et lorsque la mort est là, nous n'existons plus.
»
Dès lors je peux vivre, agir et profiter de cette vie sans redouter aucune punition post-mortem.
Et je sais que c'est
ici et maintenant qu'il me faut être heureux, en cette vie, car je n'en ai aucune autre.
Mon bonheur dans la vie est
une affaire sérieuse qui ne souffre aucun délai.
Tel est l'enseignement de la sagesse matérialiste..
»
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