Peut-on parler pour ne rien dire ?
Extrait du document
«
C'est une réflexion sur le langage qu'il s'agit de faire.
Il faut donc ici considérer le langage comme une puissance
de mettre en relation, tout d'abord ce qui apparaît et ce qui est caché.
Ensuite, les signes linguistiques entre eux,
« nous appelons signe, la combinaison du concept et de l'image acoustique...Nous proposons de conserver le mot
signe pour désigner le remplacer concept et image acoustique respectivement par signifié et signifiant » F.
de
Saussure Cours de linguistique général.
Enfin, deux utilisateurs au moins, entre lesquels circulent une information :
un locuteur, un auditeur, un émetteur, un récepteur.
Lorsque l'on se demande à quoi sert le langage, on répond
sans réfléchir qu'il sert à la communication.
Si l'on part de cette affirmation du langage comme étant essentiellement
communication, et que l'on interroge celui-ci nous répondrons alors à la question de savoir à quoi sert le langage et
serons alors en mesure de savoir si l'on peut parler pour ne rien dire.
Un langage pour communiquer :
En quel sens le langage est-il un outil de communication ? A partir du moment où il y a un état social, il faut
alors qu'il y est un moyen de mise en relation des individus, un moyen de communication.
Pour comprendre
cette idée, se référé au texte de Locke, Essai philosophique concernant l'entendement humain, III, 2, § 1, 2
trad.
Coste, Vrin, 1972.
Ainsi langage et société vont ensemble.
Quel rôle joue exactement le langage dans la communication ? Il assume le rôle de médiateur, d'un esprit qui
pense à un esprit qui écoute, comprend et répond.
Ce médiateur c'est la langue commune, qui le fournit.
Le
langage n'est pas le seul foyer d'expression de la subjectivité, puisque celle-ci rayonne aussi dans la présence
corporelle, cependant le langage devient indispensable dés l'instant où la pensée se veut communiquer dans
des idées.
La langue est ainsi là par avance pour rendre possible la communication des pensées.
La communication peut aussi subir l'effet de nivellement propre à ce qui est mis en commun.
La communication
tend ainsi à simplifier les complexités, à vulgariser à outrance...c'est un reproche courant que l'on fait aux
moyens modernes de communication que de ramener trop souvent l'essentiel à de la banalité ou à de
l'élémentaire.
Michel Henry disait que les médias corrompent tout ce qu'ils touchent.
Ce qui est grand, beau,
élevé, du seul fait d'être mis sur une scène de télévision, peut très vite sombrer dans le banal, l'insignifiant.
Mais de nouveaux moyens de communication ne changent pas l'essence de la communication, ni ce qui est
communiqué.
Le média seul change.
On peut dire des banalités et des sottises dans des conversations
courantes autant que sur Internet.
Le langage reste là.
Il continue d'être un médiateur essentiel, et un
médiateur ambivalent.
Ce qui a été modifié avec l'apparition des nouveaux médias, c'est la multiplication
exponentielle des mises en relation.
Un langage pour dominer :
Puisqu'il a pour fonction essentielle l'expression de la pensée et la communication entre les hommes, il est clair que
le langage joue un rôle éminent dans les phénomènes de pouvoir.
Il permet ou facilite l'action; il l'interdit ou la
sanctionne; le droit se dit et s'écrit et ceux qui dirigent la Cité exercent leur fonction par l'intermédiaire du langage,
tout comme ils sont attentifs à en capter les signes.
Dans toutes les sociétés, les titulaires du pouvoir ont possédé la maîtrise du langage ou des langages
propres à orienter l'action d'autrui.
Ceux-là sont détenteurs de ce "maître-mot" que Kipling attribuait dans la
jungle à l'enflant démuni mais qui finirait par s'emparer de la fleur rouge.
Prêtres et scribes, pontifes et rois, légistes
et avocats, journalistes et hommes des médias connaissent tour à tour cette puissance.
L'agora d'Athènes était le
lieu de disputes, de collusions oratoires.
De même, Dieu se manifeste
par cet acte de langage: " Au
commencement était le Verbe" disait déjà Saint-Jean.
Dans les sociétés complexes, le langage est l'expression du pouvoir.
A tel point que le fait de nommer, de
qualifier un Pouvoir, lui donne sa cohérence, sinon son existence: qui dit monarchie se met en mesure d'élaborer le
système monarchique, formule la série des concepts qui se trouvent mis dans la langue.
Toutes les institutions majeures ont pour rôle de tester et d'élaborer le langage du Pouvoir.
L'un des
privilèges les plus incontestables du milieu dirigeant est précisément de conserver la langue.
Le langage de la culture
se confond avec celui de la classe dirigeante.
Les faits langagiers montrent la capacité "performative" des classes
dirigeantes.
Et, le propre de ces dernières est d'éviter ou d'intégrer la "gheottisation" du langage: culture jeune (BD,
musique, expressions "branchées"...).
Dès lors, si le pouvoir manifeste son emprise sur le langage, ce dernier à son
tour influence le Pouvoir, à tel point que l'évolution des phénomènes langagiers a une signification historique et
politique considérable: l'invasion du franglais traduit ainsi notre infériorité à l'égard de l'Amérique anglophone, lorsque
la France était puissante, on parlait français à Saint-Pétersbourg.
De même, à la limite, on obtient le phénomène de
la langue de bois qui est une conséquence de la glaciation du langage et/ou de la glaciation du Pouvoir.
Aussi, il faut bien qu'un jour, change ce langage jugé rétrograde.
Et, la révolution se manifeste aussi par un acte de
langage.
La prise du pouvoir ne s'accompagne pas par hasard de déclarations solennelles, de thèses ou de
profession de foi.
En bref, on peut dire que le rêve de puissance est un rêve de langage.
Il fonde et manifeste le Pouvoir et
celui-ci s'exerce par celui-là.
L'idée que le langage est un instrument en appelle une autre, qu'il sert à manipuler son objet en vue d'une fin
quelconque.
Effectivement.
Le langage peut-être utilisé comme moyen de pression, de domination et même de
manipulation.
Dès que nous posons une fin à réaliser par le langage : vendre un produit, ramener à soi les.
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