Peut-on parler d'une culture mondiale ?
Extrait du document
«
L'idéal unificateur de l'Humanisme est-il en train de devenir réalité, une réalité qui tournerait au cauchemar, identifié
par Jacques Lesourne sous l'expression de «culture mondiale »? Celle-ci paraît être d'abord le produit d'une époque
de communication.
Elle s'exprime en anglais, dans les aéroports, les grands hôtels, les centres économiques des
mégapoles, les séminaires des chercheurs.
Bref, c'est la culture d'une certaine jet set qui ne concerne qu'une « élite
» internationale, habituée aux voyages et aux échanges.
Mais cette culture « aristocratique » a la propriété de
disposer de medias puissants propres à une culture de masse.
De fait ces « acteurs de la culture mondiale » diffusent par l'intermédiaire des grandes agences d'information ou des
feuilletons télévisés une culture standardisée.
Peu à peu se dessine et s'impose ce new way of life, une
accoutumance aux repas hamburgers-frites, façon Mac Donald, des téléfilms, façon Dallas, des chansons, façon
Madonna...
tout cela en même temps à Hong-kong, Miami, Dakar, Madrid et Paris.
Ainsi, le tour du monde peut
aujourd'hui s'effectuer sans le moindre dépaysement.
Évidemment, cette pseudo-culture mondiale n'est mondiale
que si le monde appartient bien aux états-unis.
Car il ne s'agit plus ni moins d'exporter des produits américains à
travers l'exploitation d'un mode de vie que l'on présente comme un modèle.
Il ne faut donc pas s'étonner que
certains effets de cette promotion « culturelle » à l'échelle planétaire relèvent parfois du pathétique et du dérisoire.
On a vu ainsi apparaître sur les registres d'état civil français des petites « Sue-Helen » et des petits « John Ross »,
victimes de la fascination que semblent exercer sur leurs parents les personnages particulièrement odieux du
feuilleton Dallas.
Quand tous les Sue-Helen et les John-Ross de France et de Singapour se donneront la main pour
fredonner ensemble Like a virgin...
Vision d'horreur !
Ainsi la « culture mondiale » s'oppose radicalement à la civilisation à laquelle sont attachés les humanistes.
A
l'universel de ceux-ci répond aujourd'hui la particularité d'intérêts économiques bien localisés.
La standardisation du
mode de vie contemporain ne laisse pas en effet de susciter au moins une question : est-il possible — comme le
croyaient les humanistes du xvie siècle et ceux du xviiie — d'unifier les hommes sans les dégrader ? Le sublime de
l'entreprise saura-t-il se débarrasser du grotesque de notre réalité ?
Nous entendons le mot culture en deux sens.
On peut partir d'un fait simple: la culture de la terre.
Il y a là, à la
base, quelque chose de naturelle, de donné, qui est la terre.
Puis l'homme en extrait les potentialités par une
pratique qui lui est propre.
Ainsi, l'agriculture exploite des ressources naturelles en vue d'en acquérir un produit
propre, allant parfois jusqu'à réinventer ces ressources qui lui sont données au tout départ.
Peut-être pouvons-nous
voir l'homme de la même manière: il y a un substrat humain à la base: l'homme est un être naturel, il appartient à
l'ensemble des êtres vivants qui vivent sur terre.
Mais il développe à partir de ce substrat, des facultés, des
capacités qui lui sont propres, il développe des potentialités qui ne sont sont qu'en puissance en lui (comme le
langage, l'art...).
En ce sens, la culture est un processus commun à tout homme.
Mais d'un autre côté, l'homme
exploite ou réinvente sa nature de manières différentes à travers la surface du globe.
Un rapide coup d'œil sur notre
planète nous entraîne rapidement à apprécier une multiplicité de cultures.
La culture peut donc être vue comme un
vecteur d'actualisation des facultés proprement humaine, et ce vecteur ne prend pas le même visage selon le point
spatio-temporel où il s'exprime.
Alors, comment parler d'un vecteur « mondial »? Le terme « mondial » est embêtant
puisqu'il nous révèle simultanément toute la prétention, peut-être, d'un autre mot qui l'englobe, à savoir celui
d'universalité.
Lorsque nous parlons d'universalité, nous entendons certes tout homme, mais au fond également, bien
plus encore.
En effet, dire de quelque chose que c'est universel, c'est entendre que cela vaut pour tout homme, et
même, par extension, pour toute entité humaine qui figurerait dans l'univers.
Le jugement universel embrasse l'infini
du cosmos pour aller à la rencontre de toute créature humaine susceptible d'exister, même bien au-delà de notre
simple et réduit habitat cosmologique.
Tout être doué de raison se retrouve englobé dans ce jugement, même celui
que l'on fantasme à l'autre bout de la noirceur cosmique.
A contrario, le mondial, c'est ici, sur cette parcelle
d'espace: il manque cette nécessité que conserve intrinsèquement la notion d'universalité.
En effet, l'universel
renvoie au démantèlement d'une logique interne à l'oeuvre dans l'objet étudié.
Ainsi, Newton parlait de gravitation
universelle, en ce sens même qu'il s'agissait là d'une nécessité à laquelle aucun corps ne peut échapper.
Même s'il lui
était difficile de comprendre le rôle ou l'identité de cette force à l'oeuvre, il avait découvert une ligne régulière de
l'univers.
Ainsi, si l'universel c'est la nécessité, le mondial, ce n'est que le général, soit ce qui vaut pour un ensemble
de cas donné: c'est ce qu'on appelle le particulier.
Le mondial, ce n'est donc pas proprement ce qui s'impose de
manière intrinsèque comme nous l'avons vu avec l'universel, mais ce qui s'impose plutôt de manière extérieure, ce
que l'on constate sans bien en comprendre la logique, si tenté qu'il y en ait une d'ailleurs.
Ceci nous mène tout droit
à l'idée qu'une culture mondiale serait un phénomène particulier qui s'impose de force et non de droit (universel).
Ainsi rentrons-nous dans la sphère purement phénoménale.
La notion « mondiale » nous oriente proprement à la
surface du globe, contre l'intériorité essentielle, le mythe de l'intérieur comme l'appelle Nietzsche i.e celui d'un
aspect caché des choses qui travaillerait notre monde par l'intérieur.
Nous troquons une métaphysique des fonds
contre celle, plus concrète peut-être, des forces à l'oeuvre.
I.
Phénomènes et Hégémonie
Comme nous l'avons dit, parler de culture mondiale nous encourage à considérer le monde sans fond secret qui
figurerait en deçà des phénomènes et où ces derniers trouveraient en dernière instance tout leur sens.
L'analyse
doit donc être de surface, et ne plus justifier le monde à partir d'autre chose que lui-même.
Nous suivons ainsi
l'injonction de Rousseau (Fragment sur l'état de guerre): « Ah! Philosophe barbare! Viens nous lire ton livre sur un
champs de bataille! [...] Le vain nom de justice ne sert partout que de sauvegarde à la violence ».
Nous quittons le
champs de la nécessité, d'un tout bien ordonné, d'un monde fait cosmos, pour habiter notre monde telle qu'il se
donne à voir ici et maintenant.
Nous quittons la barbarie d'une pensée qui ne se nourrit que de l'abstraction, où de
lignes souterraines et nécessaires qui devraient s'imposer au monde.
Il s'agit de quitter cette presbytie.
»
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